top of page

PLFSS 2026 : un partage inégal des efforts et occasion manquée de réformes structurelles

  • Photo du rédacteur: Lorenzo Lanteri
    Lorenzo Lanteri
  • il y a 1 jour
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 13 heures




Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 s’inscrit, sans surprise, dans une logique de rigueur budgétaire plus que de conquête sociale.
 
Malgré la bonne nouvelle que constitue la reprise de plusieurs propositions du rapport Charges et Produits 2026, élaboré pour la première fois dans un cadre de concertation avec les composantes de la démocratie sociale au sein du Conseil de la CNAM, ce texte marque un tournant d’austérité, notamment dans le champ de la santé et de l’assurance maladie.
 
Les mesures annoncées – certaines techniquement cohérentes, d’autres plus controversées, comme le durcissement des conditions de prescription d’arrêts maladie ou l’obligation vaccinale en Ehpad – promettent d’animer les débats à l’Assemblée et parmi les acteurs du système de santé.

Mais c’est bien la hausse des franchises et participations forfaitaires qui risque de cristalliser les critiques, tant du côté des assurés que des partenaires sociaux et des oppositions politiques.

Un ONDAM au régime sec

 

Pour contenir les dépenses, le projet prévoit un ONDAM à +1,6 %, contre +3,6 % en 2025, soit 7,1 milliards d’euros d’économies.
 
Les soins de ville seront particulièrement mis à contribution (+0,9 %), tandis que le financement des établissements de santé augmenterait de 2,4 %, tout comme celui des établissements sociaux et médico-sociaux.
 
Les franchises et participations forfaitaires constituent la mesure la plus symbolique de cette rigueur. Leur extension et leur probable doublement (annoncé par décret cet été) accentueront le reste à charge des ménages, notamment pour les publics les plus fragiles, juste au-dessus des seuils de la Complémentaire santé solidaire (C2S).
 
Trois limites majeures se dégagent :
·        Un effet anti-redistributif : transfert de charges vers les ménages et les complémentaires.
·        Une inefficacité comportementale : aucune preuve que la hausse des franchises « responsabilise » les assurés.
·        Un risque accru de renoncement aux soins, notamment pour les patients atteints de pathologies chroniques ou d’affections de longue durée (ALD).
 
En assimilant les patients à des « consommateurs » de soins, on laisse entendre qu’ils choisissent d’être malades et consomment des médicaments par plaisir — un biais cognitif majeur, puisque la majorité des dépenses de santé est prescrite.

Un partage des efforts… très inégalement réparti

 

Le gouvernement invoque un effort collectif, mais la répartition des contraintes reste déséquilibrée. Les mesures, bien qu’elles ciblent certains acteurs (OCAM, industrie pharmaceutique, professions de santé), demeurent paramétriques et court-termistes.

 

  • Les complémentaires : une contribution exceptionnelle de 2,05 %

 

L’article 7 instaure une contribution exceptionnelle de 2,05 % sur les cotisations encaissées par les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM).
 
Présentée comme un effort collectif, cette mesure ponctuelle (limitée à 2026) traduit surtout l’absence de réflexion de fond sur l’articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaire, pourtant largement explorée par le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM).
 
Espérons que les OCAM ne répercuteront pas cette taxe sur les cotisations de leurs adhérents. Faute de réforme structurelle, cette contribution risque de n’être qu’un expédient annuel supplémentaire.

 

  • les entreprises pharmaceutiques : une contribution modérée au regard des dépenses

 
L’article 10 réforme la clause de sauvegarde pharmaceutique pour la rendre plus lisible et prévisible. Calculée désormais sur le chiffre d’affaires, elle ne modifie pas la pression globale mais vise à sécuriser le cadre économique.
 
La mise en place d’acomptes sur les remises de produits de santé renforcera la prévisibilité budgétaire. Ces ajustements répondent à la dynamique soutenue des dépenses de médicaments (+4,6 % entre 2022 et 2024).

 

  • Le secteur 2 enfin mise à contribution!

 

L’article 26 entend encadrer les dépassements d’honoraires, dont le coût a progressé de +5,5 % par an depuis 2021 pour atteindre 4,5 milliards d’euros en 2024.
 
La création d’une cotisation additionnelle pour les actes non conventionnés vise à réduire l’intérêt financier des tarifs libres et à renforcer l’attractivité du secteur 1. Une mesure salutaire et attendue, déjà soulignée par le HCAAM (voir mon analyse sur Le Tag Social : Dépassements d’honoraires, quand l’exception devient la règle).

 

  • Lutte contre les rentes

 

L’article 24, inspiré du rapport Charges et Produits, crée un dispositif permettant d’identifier et corriger les rentes dans le système de santé.
 
L’Assurance maladie pourra désormais baisser unilatéralement les tarifs dans les secteurs à marges excessives (radiothérapie, imagerie, dialyse…).

Une mesure de justice tarifaire et de pertinence économique, que j’avais déjà défendue dans un précédent article : Réguler les rentes pour préserver la solidarité.


Des mesures d’efficience… mais peu de vision structurelle

 

Le PLFSS 2026 reprend, parfois marginalement, plusieurs propositions du rapport Charges et Produits 2026.
Ces mesures, orientées vers la qualité et l’efficience, auraient pu constituer les bases d’une stratégie pluriannuelle de redressement. Leur portée reste limitée par l’absence de recettes nouvelles et la rigueur budgétaire imposée.

 

  • Favoriser la pertinence et l’efficience hospitalière – (article 27)

 

L'article 27 créé un dispositif d’incitation financière à l’efficience et à la pertinence des soins et des prescriptions pour responsabiliser tous les établissements de santé sur les enjeux de pertinence et d’efficience, au regard d’objectifs et d’indicateurs spécifiques aux pratiques de soins et de prescriptions fixés au niveau national ou régional. l'idée étant d'encourager les établissements à prescrire de manière efficiente via un mécanisme d’intéressement.

  • Obligation d’alimentation du Dossier Médical Partagé (DMP) – (article 31)

 

L’article 31 rend obligatoire l’alimentation du DMP et sa consultation dans certains cas, avec sanctions financières en cas de non-respect.
 
Un DMP effectif et alimenté constitue une avancée majeure pour la coordination des soins et la réduction des actes redondants. Il était temps que le DMP, intégré à Mon Espace Santé, trouve sa pleine utilité face à la montée en puissance des plateformes privées bien connues du grand public.

 

  • Lutter contre le gaspillage et promouvoir les biosimilaires– (article 33)

 

Le texte encourage la prescription à l’unité et la substitution par les pharmaciens, à fort potentiel économique et écologique.
 
La France reste en effet, en retard : à trois ans, le taux de pénétration des biosimilaires n’est que de 14,5 %, contre 70 % pour les génériques. L’enjeu est pourtant majeur, avec 14 milliards d’euros de dépenses liées aux médicaments biologiques.

 

  • Simplifier la politique vaccinale (article 20)

 
L’article 20 confie aux ARS la compétence exclusive d’autorisation et de financement des centres de vaccination, via le Fonds d’intervention régional (FIR).
 
Ce même article prévoit de rendre obligatoire la vaccination contre la grippe saisonnière pour les résidents en EHPAD. cette obligation soulève la question du respect de l’autonomie des résidents. Une approche pédagogique et participative aurait été préférable à la voie coercitive.
 
Enfin, cet article constitue la seule mesure de prévention du texte. Le dernier rapport Charges et Produits faisait pourtant de la prévention « la mère de toutes les batailles », avec des propositions ambitieuses sur le Nutri-Score ou la fiscalité comportementale. La prévention reste, une fois encore, la grande absente du PLFSS.

 

Arrêts de travail : des mesures contestées (articles 28 et 29)

 

Le PLFSS prévoit de restreindre la durée de prescription et d’indemnisation des arrêts maladie (15 jours en ville, 30 jours à l’hôpital). il prévoit aussi de réduire la durée d'indemnisation dérogatoire de 3 ans pour les ALD non exonérantes.
 
Le rapport Charges et Produits avait effectivement relevé des dérives possibles, mais faute de prévoir un accompagnement sanitaire et sociale, ces mesures risquent de pénaliser des assurés fragiles, souvent touchés par des troubles psychiques ou musculosquelettiques, alors que le véritable enjeu réside dans l’accès à l'offre de soins en santé mentale et à une prévention de la désinsertion professionnelle effective.

Une austérité qui fragilise les assurés

 

Malgré la reprise de quelques mesures inspirées du rapport Charges et Produits, le bilan reste maigre : moins d’une dizaine de dispositions sur les 60 propositions consensuelles issues de la concertation entre la CNAM et les partenaires sociaux.
 
Ce rapport inédit visait à concilier durablement réponses aux besoins de santé et équilibre financier.
 
En reconduisant la rigueur, en particulier la hausse des franchises et la neutralisation des recettes nouvelles issues de la réforme des allègements généraux (1,6 milliard d’euros reversés à l’État plutôt qu’à l’Assurance maladie), le gouvernement oublie le volet recettes et privilégie une régulation par la dépense, au détriment de la couverture santé des assurés.
 
Rappelons que le redressement des comptes après la crise financière des années 2010-2019 avait été rendu possible par un équilibre entre rigueur et recettes dédiées.
 
Le PLFSS 2026 aurait pu être celui d’une refondation concertée du système de santé.
Il restera celui d’un resserrement budgétaire et d’une austérité masquée derrière quelques mesures techniques d’efficience.
 
En dépit de l’esprit de dialogue et de co-construction du rapport Charges et Produits, cette édition du PLFSS marque une nouvelle occasion manquée pour la démocratie sociale.
 

 
 
 

Commentaires


  • LinkedIn Social Icon
  • Twitter Social Icon
bottom of page