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Les enseignements du rapport annuel du COR

  • Photo du rédacteur: Lorenzo Lanteri
    Lorenzo Lanteri
  • 26 nov. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 févr. 2021




Ce jeudi 26 novembre le Conseil d’orientation des retraites (COR) a présenté son traditionnel rapport annuel sur le système de retraite. D’après le COR, la crise sanitaire affectera durablement le système de retraite jusqu’à l’horizon 2024, date à laquelle, la partie « conjoncturelle » du déficit sera résorbée pour ne laisser que la partie structurelle (rapport démographique). A législation inchangée, le système de retraite ne retrouverait l’équilibre qu’au milieu des années 2030 dans le scénario le plus favorable ou au milieu des années 50 dans le scénario le plus pessimiste.


Encore une fois, cette instance incontournable de notre protection sociale a rendu un travail colossal marqué par la pédagogie et la prudence. Au fil des années, les travaux du COR nous permettent de nous éclairer sur le système de retraite et plus largement sur la question du risque vieillesse aussi bien dans ces aspects financiers que sociétaux. Les rapports du COR ont permis de monter en expertise sur cette question de société primordiale pour la cohésion nationale. Ce dernier rapport annuel nous permet d’envisager de manière objective l’avenir du système de retraite sans totem, ni tabou. Il est important, dans la vie démocratique, d’avoir ce type de lieu où l’on peut commander de la connaissance.


"le déficit se creuse du fait de l'effondrement des ressources"


Sans grande surprise, le rapport indique que la crise sanitaire et économique est venue sensiblement dégrader les perspectives financières à court et moyen termes qui étaient présentées dans les derniers rapports du COR (juin & novembre 2019).


En 2020, les ressources du système de retraite, au contraire de ses dépenses, « subissent de plein fouet le repli brutal de l’activité ». Les ressources du système de retraite proviennent dans leur très grande majorité des cotisations qui proviennent elles-mêmes des revenus d’activité. Or en 2020, la masse salariale devrait chuter de 8,4% du fait du recours massif à l’activité partielle et de la baisse de l’emploi née de la crise. Les reports de paiement décidés pour les travailleurs indépendants non-agricoles, expliquent également la baisse globale de 5,1% des ressources du système de retraite.


Cette chute des ressources n’est pas compensée par la faible diminution des dépenses liées à la surmortalité des retraités (-0,2%). Ces chiffres auront le mérite de tordre le cou à une idée très répandue selon laquelle les drames sanitaires qui touchent les personnes âgées sont une aubaine pour les retraites. Au-delà du mauvais goût induit par ce type de raisonnement, elle montre aussi la complexité des données qui composent l’espérance de vie. En effet, si on observe une surmortalité concentrée sur les plus de 65 ans liée au virus, celle-ci est contrebalancée par la sous-mortalité liée au confinement et au déconfinement. La diminution des activités économiques ou de loisirs, notamment pendant le confinement provoque en effet une diminution du nombre de morts accidentelles.

À titre indicatif, le COR rappelle que les crises sanitaires antérieures et notamment celle de la grippe de Hong-Kong en décembre 1969 et de la canicule en août 2003 avaient provoqué une baisse analogue de l’espérance de vie (-0,2% an pour les femmes et -0,3% an pour les hommes en 1969 ; -0,2% an pour les femmes et -0,0% an pour les hommes en 2003). Chaque fois, cette baisse de l’espérance de vie avait été succédée d’un rebond les années suivantes.


Dans le cas actuel, le rebond pourrait être « contrarié » par le report de certains soins ou opérations chirurgicales et le fait que le confinement a aggravé la renonciation aux soins et les ruptures de traitements des malades chroniques. Tout cela pourrait augmenter la surmortalité dans les années à venir.


Toujours est-il que cette chute des ressources du système de retraite non compensée par la baisse des dépenses devrait induire un besoin de financement qui se creuserait « massivement » pour atteindre – 23,4 milliards d’euros, soit – 1,1 % du PIB en 2020. En outre, rappelons que ces estimations ont été calculées sans pouvoir tenir compte des conséquences du deuxième confinement. Mais si le PIB devait chuter non plus de 10 %, mais de 11 %, cela affecterait les comptes du système de retraite d’environ 1,6 milliard d’euros supplémentaires.


A moyen terme, le COR note qu’avec « le rebond attendu en 2021 », le solde s’améliorerait jusqu’en 2024, où il resterait cependant négatif, variant, selon les conventions utilisées, entre – 0,6 % et – 0,2 % du PIB (13,3 milliards d’euros). Ce chiffre de 13,3 milliards d’euros à l’horizon 2024 ne sera plus d’ordre conjoncturel (effet de la crise) mais d’ordre structurel (rapport démographique).


Il faut d’ailleurs rappeler que pour le COR, la notion de solde – donc de déficit – est à manier avec prudence, car son niveau varie sensiblement, en fonction du scénario économique et de la convention comptable envisagés. J’ai souvent eu l’occasion dans mes articles de préciser qu’il fallait relativiser la prépondérance des projections à court termes sur les soldes financiers des régimes de retraite. Ces projections changent chaque année et sont fortement liées aux révisions des prévisions macro-économiques de productivité. Le véritable ratio à privilégier, à mon sens est la part des dépenses de retraite dans le PIB et sa nécessaire stabilité quelles que soient les hypothèses macroéconomiques. Or le rapport du COR est formel, la part des dépenses du système de retraite dans le PIB baisse malgré le vieillissement de la population française ;


"La composante conjoncturelle du solde financier n’appelle pas nécessairement le même type de mesures que celles visant à équilibrer le solde structurel"

Le retour à l’équilibre du solde « structurel » se ferait, selon la convention la plus favorable, vers « le milieu ou la fin des années 2030 », dans les scénarios de croissance les plus optimistes (+ 1,8 %, + 1,5 % et + 1,3 %), et « au milieu des années 2050 », dans le scénario de croissance moins propice (+ 1 %).


Nul doute que c’est ce besoin de financement structurel qui sera scruté de près par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux afin de déterminer les leviers de sa résorption : hausse de l’âge légal, augmentation de la durée d’assurance ou accroissement du niveau de prélèvements pour la retraite.


Le rapport précise que le ratio entre le nombre de personnes de 20 à 59 ans et celui des personnes de 60 ans et plus passerait de 1,9 en 2019 à 1,3 en 2070. L’impact de ce vieillissement démographique sur le système de retraite serait néanmoins ralenti par la hausse de l’âge de départ à la retraite qui passerait de 62,2 ans en 2019 à un peu moins de 64 ans vers 2040 à législation inchangée, sous l’effet des réformes passées et du recul de l’âge d’entrée dans la vie active.


En effet, la réforme de 2010 avec le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans s’est accompagnée d’une progression du taux d’emploi des seniors. Le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités n’en diminuerait pas moins, passant de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070 sans nouvelle réforme.


Pour autant, malgré cette évolution démographique défavorable, les dépenses de retraites en pourcentage du PIB diminueraient du fait de la baisse de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité : la pension continuerait de croître en euros constants, mais moins vite que les revenus. Ainsi, la pension brute relative au revenu brut varierait entre 32,2 % et 36,9 % en 2070, contre 50,8 % actuellement. La baisse de ce ratio serait d’autant plus élevée que la croissance serait forte


"Des enseignements sur les jeunes générations et les femmes en matière d'équité"


Il est ici intéressant de relever que cette chute des taux du rapport entre le dernier revenu d’activité et la première pension n’était pas imputable au passage à un système à point comme l’avait laissé entendre les fausses informations du collectif « Nos retraites » pendant la réforme. En réalité, elle s’explique par les différentes réformes dont notamment celles de 1993 sur l’indexation des droits en cours acquis en cours de carrière sur l’inflation. Cette modification, au départ temporaire conduit à une baisse des taux de remplacement effectifs -rapport entre la pension et le dernier salaire. Au fil du temps, et avec de la croissance, les salaires augmentent plus vite que les salaires portés au compte (moins bien revalorisés), ce qui fait baisser le salaire de référence par rapport au dernier salaire perçu, et ce d'autant plus que la croissance est importante. Cette baisse des taux de remplacement provient également des caractéristiques de l’emploi des générations ultérieures qui connaissent plus de chômage et une moindre progression des revenus d’activité.


Rien de nouveau sous le soleil mais il n'est pas dit que si les effets de la crise perdurent la détérioration des taux de remplacement posera avec acuité la question de l'équité entre les générations de manière plus aigus. Par rapport aux générations qui partent actuellement à la retraite (nées au milieu des années 1950), les générations plus jeunes cotisent plus pour un montant moyen de pension plus faible. Alors certes, les jeunes générations vivront plus longtemps et leur durée de carrière en proportion de leur durée de vie totale sera en moyenne un peu plus courte mais ce système n’est pas juste.


Enfin, notons une bonne nouvelle et pas des moindres, les écarts de pension entre les femmes et les hommes restent importants mais ils se résorbent au fil des générations. Le rapport entre le montant moyen des pensions de droit direct (hors majoration pour trois enfants) des femmes et celui des hommes est passé de 55 % à 63 % entre 2005 et 2018. Mieux, dans les années à venir les femmes devraient partir légèrement plus tôt que les hommes à la retraite, notamment parce que leur durée d’assurance validée devrait rejoindre, voire dépasser celle des hommes

 
 
 

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