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Soins de proximité et baisse de la densité médicale: une difficile équation!

  • Photo du rédacteur: Lorenzo Lanteri
    Lorenzo Lanteri
  • 9 mai 2022
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 août 2022



A un moment où les attentes de la population vis-à-vis de notre système de santé se font grandissantes, notre offre de soins de proximité va connaitre d’importantes tensions liées aux transformations de la démographie médicale. Les spécialistes ont dépassé en nombre les généralistes et nous n’avons pas tiré les conséquences de cette évolution.


Nous allons en effet connaitre également un moment de baisse de la densité médicale. Nous ne retrouverons la densité actuelle de médecins généralistes qu’à partir de 2030. Ces tensions démographiques chez les professionnels de santé interviennent à un moment où les besoins de soins de la population française augmentent du fait du vieillissement.


La crise sanitaire est également passée par-là et elle a mis en lumière certaines failles connues de longue date dans l’organisation des soins de ville.



"Nous ne partons pas de rien"


Il nous faut donc penser un modèle de prise en charge de proximité et de qualité dans un contexte démographique contraint. La bonne nouvelle c’est que nous ne partons pas de rien. Depuis plusieurs années déjà, les pouvoirs publics ont donné une impulsion à diverses formes de coopération entre les professionnels de santé : Maison de Santé pluridisciplinaire, Centre de Santé, équipe de soins primaires ou encore Communautés Professionnelles Territoriales de Santé. Différentes mesures sont venues appuyer le développement de l’exercice coordonné et du travail en équipe.


En outre, des nouveaux modes d’exercice pluri-professionnels en dehors des formes juridiques proposées par les pouvoirs publics ont émergé ces dernières années. Ces nouvelles organisations de soins de proximité innovantes ont été construites par les acteurs de santé eux-mêmes. Ces initiatives de terrain ont ouvert la voie à un nouveau cadre juridique et financier de droit commun pour soutenir ces innovations organisationnelles par le biais de « l’article 51 ».


Les instruments pour favoriser l’exercice pluri-professionnel et lutter contre la désertification médicale ne manquent pas. Parfois ces modèles d’organisation se font concurrence et leurs compétences et responsabilité vis-à-vis des populations qu’elles couvrent ont tendance à se superposer.


On a l’impression que la coordination est partout mais qu’elle n’est lisible pour personne et encore moins pour le patient. En 1987, Robert Solow, l’économiste américain et prix Nobel, énonçait son fameux paradoxe sur le progrès technique apporté par les nouvelles technologies de l'information et de la communication « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité".


Nous pouvons reprendre cette célèbre maxime de la manière suivante « on voit de la coordination partout sauf dans l’amélioration de la prise en charge du patient ».



Mettre en œuvre la responsabilité populationnelle


Nous continuons de privilégier l’offre de soins sans tenir compte de la demande des patients. Il faut repartir du patient pour définir des objectifs de santé sur le territoire. A cet égard, l'approche populationnelle s’avère intéressante car elle met justement l'accent sur la demande dans le but d'adapter les soins et services aux besoins de la population. Autrement dit, peu importe le mode d’organisation choisie, ce qui importe c’est le principe de responsabilité. Les acteurs de santé doivent être tenus responsables de l'amélioration de la santé de la population du territoire qu’ils couvrent. C’est la notion de responsabilité populationnelle.


Comment mettre en œuvre ce principe de responsabilité ? Une première étape est de garantir des fonctions minimales à ces organisations de soins.


Communautés Professionnelles Territoriales, Maison de Santé ou cabinets pluriprofessionnels, il n’existe pas de modèle unique d’organisation mais il faut qu’il y ait des organisations avec des fonctions socles. Ces fonctions socles sont les suivantes :

- Permanence des soins non-programmés

- Santé somatique et santé mentale

- Prévention

- Facilitation du parcours (lien avec l’hôpital)

- Soutien social (si nécessaire)

- Coordination avec d'autres aides (sociales ou médico-sociales)

Si on se met d’accord sur ces fonctions socles, on peut se mettre d’accord sur le financement et les investissements pour dégager du temps médical et médico-social afin que les acteurs de santé puissent assurer ces missions. Il faut que ces acteurs puissent être accompagnés par des moyens humains, financiers, technologiques mais aussi immobiliers afin de rendre tangible la contrepartie liée à leur nouvelle responsabilité populationnelle.



La question du maillage territorial et de la couverture intégrale de la métropole et des territoires d’Outre-mer impose de réaliser quelques entorses aux principes de la liberté d’installation. Les obligations que se seront fixées ces organisations de soins de proximité devront être rendues opposables à tout nouvel entrant (médecins généralistes, médecins spécialistes, infirmières libérales etc.).


Nous devons également aller vers un modèle de coopération qui renforce les rôles infirmiers et valorise mieux leur potentiel. Dans un contexte de revendication croissante d’autonomie des professionnels paramédicaux et d’inquiétude de la population sur l’accès aux soins, nous devons reconnaître et développer les compétences des professionnels non-médicaux pour les mettre en capacité d’intervenir dans des champs en principe réservés aux médecins.



Créer de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé


La profession des infirmiers compte près de 520 000 membres en activité, pourtant cette catégorie est encore cantonnée à celle « d’auxiliaire médicaux ».


Toutes les professions au contact des patients doivent être considérées comme des professions médicales à responsabilité variable en fonction de leur niveau d’études de délégations et de pratiques : de l’aide-soignante jusqu’au médecin, chacun doit faire partie de la même chaîne notamment dans le cadre de la formation. Les infirmiers auront tout intérêt à s’insérer dans des structures de ville coordonnés par des médecins quand on étend l’amplitude des actes dédiés à cette profession.


Notre système de santé doit donc en finir avec la séparation entre médicaux et paramédicaux. Des niveaux intermédiaires nous manquent entre le Bac + 3 de l’infirmière et le Bac + 11 du médecin spécialiste.


Il faut permettre des carrières multiples et créer des dynamiques de carrières, par des parcours certifiants. La loi de modernisation de notre système de santé a posé le cadre juridique de ce que l’on peut appeler « la pratique avancée » pour les auxiliaires médicaux. Avec la pratique avancée, les professionnels infirmiers élargissent leurs compétences dans le champ clinique, c’est une opportunité sans égal pour redéfinir le travail collectif autour du patient.


Nous devons aller plus loin en ajustant le cadre des protocoles de coopération et les différencier plus clairement de la « pratique avancée ». Dans le même temps, il nous faut soutenir la formation et assurer la viabilité de l’exercice des Infirmiers en pratique avancée (IPA), notamment par des mesures adéquates de revalorisation et de financement.


Des nouveaux métiers doivent émerger également pour couvrir les besoins liés au développement de la médecine de parcours. Les fonctions d’accompagnement médical et social représentent des gisements d’emploi considérables pour lesquels les formations devront être organisées. A cet égard, le travail mené par le « Montpellier Institut du Sein » dans la recherche d’un meilleur modèle d’organisation coordonné des professionnels de santé autour du cancer du sein a fait émerger le métier d’assistante de parcours. L’assistante de parcours ne remplacerait pas l’infirmière libérale de coordination, elle informerait, orienterait et ferait le lien avec les différents acteurs. Elle alertait les professionnels de santé en fonction des étapes du parcours de soins en rassemblant les données et informations relatives au suivi de la pathologie du diagnostic à l’après traitement.


Le compte à rebours a déjà sonné et il nous faut rapidement construire cette première ligne de prise en charge si nous voulons éviter la multiplication des déserts médicaux. Les instruments juridiques et financiers sont là, les jeunes générations de professionnels de santé aspirent également à ces changements, le numérique bien qu'encadrer offre de nouvelles possibilités. Cette politique publique de santé est évidemment indissociable de celle liée à l’aménagement du territoire. Là encore la planification doit redevenir l’instrument privilégié pour construire cette prise en charge de qualité au plus près des patients.

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