Qu’est-ce que l’Ondam ?
- Lorenzo Lanteri

- 29 juin 2022
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 juil.
En mai dernier, le comité sur le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) estime qu’il existe un "risque sérieux" de dépassement de l’Ondam pour 2022. Mal connu du grand public, l'ondam est le principal instrument de régulation de nos dépenses de santé. Après une existence de plus de 20 ans, ce dispositif est aujourd’hui contesté S’il a permis d’assurer la soutenabilité de notre système de santé, il peine désormais à accompagner les indispensables transformations de notre système de santé
Aux origines de l'ONDAM
Au cours des années 90, les pouvoirs publics ont été confrontés à une augmentation importante des dépenses de santé souvent supérieures à celles de la richesse nationale. Ce déséquilibre persistant entre recettes et dépenses sur la branche maladie a poussé les pouvoirs publics à développer des dispositifs de contrôle des dépenses.
C’est dans ce contexte qu’est né l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à la fin des années 90. Les ordonnances de 1996 ont réformé en profondeur la sécurité sociale en créant les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Désormais chacune de ses branches est soumise à des objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes. Chaque année, la représentation nationale examine et vote sur ce projet de loi de financement qui détermine l’équilibre budgétaire de la sécurité sociale.
Parmi les éléments clés d’une LFSS, figure l’Ondam. C’est un indicateur et non pas un plafond. Son objectif est d’aider à la maîtrise du système mais il ne peut en aucun cas limiter les dépenses de santé, ce qui impliquerait de cesser les remboursements aux patients une fois le plafond atteint.
Caractéristiques de l'ONDAM
L’Ondam présente plusieurs caractéristiques :
• Il est universel puisqu’il englobe les dépenses de tous les régimes obligatoires de base (régime général, régime des travailleurs indépendants, régime agricole, régimes spéciaux).
• Il est interbranche, en ce qu’il recense toutes les dépenses de santé à la charge de la sécurité sociale, qu’elles soient financées par la branche maladie ou par la branche accidents du travail-maladies professionnelles.
• Il s’agit d’un instrument de régulation des dépenses de santé, il ne contient pas de dépenses relevant d’un autre champ comme la prévoyance ou les accidents du travail et maladie professionnelle. Les prestations en espèces (les indemnités journalières maternité, les prestations d’invalidité-décès ou d’incapacité permanente) ne relèvent pas du domaine de l’Ondam, mais les indemnités journalières maladie (arrêts maladie) sont intégrées dans cet objectif. Les premières sont considérées comme relevant de déterminants extérieurs à l’organisation du système (natalité, décès, sinistralité et accidentalité…) alors que les secondes relèvent d’une régulation de la dépense de santé prise au sens large.
• Il ne constitue pas un budget mais se révèle plutôt un indicateur de maîtrise des dépenses de santé. En effet, ce n’est pas une enveloppe fermée et l’objectif fixé n’est pas limitatif. Quand bien même les dépenses sont plus importantes que prévu initialement, les remboursements perdurent.
• L’Ondam s’exprime sous la forme d’un taux de progression. Le budget voté par les parlementaires doit donc être égal à celui adopté l’année précédente, auquel s’ajoute le taux de progression. Par exemple, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 2019, le taux de progression de l’Ondam était de 2,5 % par rapport à 2018.
Histoire de l'ONDAM
On distingue trois périodes pour l’Ondam. La première s’étend de sa mise en œuvre en 1997 à 2010, où il a été systématiquement dépassé. De 2010 à 2019, s’est ouverte une deuxième période où l’Ondam a été sous-exécuté, c’est-à-dire que les dépenses constatées y ont été inférieures à celles qui avaient été initialement prévues. Cette sous-exécution de l’Ondam s’explique par le renforcement des instruments de contrôle de la dépense de santé.
Enfin, on peut esquisser une troisième période. La crise du Covid-19 est à l’origine d’une rupture durable dans la trajectoire financière de la sécurité sociale. L’Ondam a été largement dépassé en 2020 et 2021 et 2022 progressant de 9,6 % en 2020 et de 6,7 % en 2021 (soit 11,7 Md€), bien au-delà des prévisions votées par la représentation nationale. En outre, on peut estimer que dans les prochaines années, compte tenu des revalorisations des rémunérations pérennes du Ségur de la santé et de la politique d’investi ssement pour l’hôpital, l’Ondam sera tiré vers le haut.

Le contenu de l'ONDAM
Depuis 2005, l’Ondam est décliné en sous-objectifs :
• Dépenses de soins de ville ;
• Dépenses relatives aux établissements de santé ;
• Contribution de l’assurance maladie pour les établissements et services pour personnes âgées ;
• Contribution de l’assurance maladie pour les établissements et services pour personnes handicapées ;
• Dépenses relatives au fonds d’intervention régional (FIR) – soit les montants ouverts aux agences régionales
de santé pour financer des dépenses territoriales) ;
• Autres prises en charge.
Si les économies demandées pour les dépenses de santé prises dans leur ensemble sont relativement modérées, en examinant les sous-objectifs, on constate de fortes disparités dans les budgets alloués. Ces dernières années, les établissements de santé ont supporté une grande partie des économies alors que les efforts demandés pour les soins de ville étaient relativement modérés.
Le sous objectif soins de ville
Le sous-objectif « soins de ville » désigne plus généralement les dépenses liées aux honoraires, médicaments et
indemnités journalières initiées par des médecins libéraux exerçant en dehors de l’hôpital. En 2019, elles sont
devenues le premier poste de dépenses de l’Ondam, dépassant ainsi celles de l’hôpital, avec 91,5 Md€.
Le sous-objectif soins de ville comprend :
• le remboursement des tarifs fixés par la Sécurité sociale (honoraires médicaux et dentaires, honoraires
paramédicaux, dépenses de biologie médicale). Le sous-objectif soins de ville ne comprend donc pas les
dépassements d’honoraires ;
• les remboursements des produits de santé (dispositifs médicaux, médicaments vendus en officine de ville et
en rétrocession) minorés des remises conventionnelles ;
• les rémunérations forfaitaires des professionnels de santé, tels la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) ou le forfait patientèle médecin traitant (FPMT) ;
• les honoraires des sages-femmes ;
• les remboursements des paramédicaux ;
• les transports sanitaires (ambulances, taxis conventionnés) ;
• les indemnités journalières (IJ) pour arrêt maladie (hors IJ maternité) ;
• les indemnités journalières accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP) (arrêts de travail).
Certaines dépenses de la branche assurance maladie ne sont pas incluses dans les sous-objectifs de l’Ondam, telles la maternité et l’invalidité. À l’inverse, les indemnités journalières pour ATMP sont comprises dans l’Ondam bien que n’étant pas des dépenses d’assurance maladie.
Le sous-objectif établissements de santé
Le sous-objectif établissements de santé, ou Ondam hospitalier, désigne plus généralement les dépenses liées
au fonctionnement des hôpitaux :
• les remboursements versés aux établissements de santé (publics et privés) pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) ;
• les remboursements versés aux établissements de santé pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) ;
• les remboursements versés aux établissements de santé pour l’activité en psychiatrie ;
• les remboursements versés aux établissements de santé pour l’activité des unités de soins de longue durée (USLD) ;
• les médicaments et dispositifs médicaux facturés en sus des séjours hospitaliers (« liste en sus ») ;
• les dépenses de séjour tarifées à l’activité ;
• les dotations forfaitaires dans le cadre des missions d’intérêt général et de l’aide à la contractualisation (MIGAC) ;
• les dotations forfaitaires dans le cadre de l’incitation fi nancière à l’amélioration de la qualité des soins (IFAQ) ;
• les dotations au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) ;
• les forfaits annuels (urgences, prélèvements d’organes, transplantations d’organes).
Les dépenses d’investissements courants des établissements de santé ne sont pas retracées dans l’Ondam. Les établissements investissent sur les marges qu’ils sont censés dégager de leur activité. Dans sa constructions l’Ondam ne favorise donc pas l’investissement à l’hôpital — investissement qui peut servir à renouveler le matériel ou équiper numériquement les hôpitaux.
Le sous-objectif médico-social
L’Ondam finance une parti e des dépenses dédiées au handicap et à la perte d’autonomie. C’est une contribution de l’Assurance maladie fléchée vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ce financement est principalement fléché pour les établissements en charge de ces deux types de population. Pour les établissements en charge des personnes âgées, cette contribution s’est élevée à 9,4 Md€ en 2019. Pour les établissements en charge des personnes handicapées, elle s’est établie à 11,3 Md€ en 2019. Ce sous-objectif se découpe en deux parties :
• les dépenses des établissements et services pour les personnes âgées (SSIAD, Ehpad, SPADAD) ;
• les dépenses des établissements et services les personnes handicapées (ESAT, SAVS, SAMSAH).
Le sous-objectif pour le fonds d'intervention régional
La création du fonds d’intervention régional (FIR) en 2012 a répondu aux besoins de financer les actions des agences régionales de santé (ARS), qui avaient été créées par la loi HPST1 de 2009. Le FIR regroupe au sein d’une même enveloppe globale des crédits auparavant dispersés pour les ARS, lesquelles ont une souplesse de gestion dans l’allocation des crédits. Les crédits du FIR constituent depuis 2014 un sous-objectif de l’Ondam dont le but est de financer des actions et expérimentations sur le territoire. La dotation aux ARS pour le financement des actions et expérimentations en faveur de la performance, la qualité, la coordination, la permanence des soins, la prévention, la promotion de la santé et la sécurité sanitaire s’est élevée à 3,5 Md€ en 2019.
Le sous-objectif lié aux "autres prises en charge"
Ce sous-objectif regroupe diverses prises en charge qui ne relèvent pas des autres nomenclatures. Ces dépenses se décomposent principalement en :
• des remboursements des soins des Français à l’étranger ;
• des dépenses médico-sociales hors du champ de la CNSA (centres de cures ambulatoires en alcoologie, centres spécialisés de soins aux toxicomanes, appartements de coordination thérapeutique…) ;
• des dotations de l’Assurance maladie à des fonds et opérateurs intervenant dans le champ de la santé (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Santé publique France etc.).

Les limites de l'ONDAM
L’Ondam apparaît en inadéquation on avec les besoins de santé actuels pour les raisons suivantes :
Financement segmenté vs organisation plus transversale des soins
L’organisation des soins en sous-enveloppes apparaît contradictoire avec la nécessité d’améliorer la coopération entre la médecine de ville et l’hôpital, notamment dans le domaine de l’ambulatoire. Après hospitalisation, les patients ont besoin d’être suivis par les professionnels de santé exerçant en médecine de ville (médecins généralistes, médecins spécialistes). Or ce système, qui finance d’un côté l’hôpital et d’un autre côté les médecins libéraux en médecine de ville, ne facilite pas cette coopération.
Financement national vs prise en compte des territoires
Depuis un certain nombre d’années, on observe un accroissement du poids des territoires alors que le mode de répartition des crédits de l’Ondam est essentiellement national. Les besoins de santé ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre. En effet, la part de la population âgée ou des personnes vulnérables ou isolées varie fortement entre les territoires. Par exemple, l’off re de soins n’est pas la même lorsque l’on se situe dans les Alpes-Maritimes ou en Corrèze. Or la régulation nationale et ses déclinaisons régionales ne permettent pas d’appréhender assez finement les dynamiques et les besoins de santé des territoires — qui sont spécifiques et qui s’avèrent être une préoccupation majeure des Français. La politique de santé a besoin des territoires car ils sont les seuls à pouvoir apporter des solutions pragmatiques adaptées aux réalités locales de santé (aménagement du territoire, politique de la ville, action sur l’environnement, plus forte intégration de la prévention, des soins et du médico-social).
Financement centré sur l’activité vs qualité des soins
L’Ondam est un outil de financement qui fait la part belle aux actes et à l’activité. Or, cette modalité a tendance à privilégier les volumes à la qualité des soins. Le financement de cette dernière est actuellement insuffisant alors qu’il doit prendre une place de plus en plus importante. De nouvelles organisations de soins mettent en place des solutions innovantes qui améliorent la qualité des soins. Elles demandent de nouveaux outils de financement (forfait, rémunération d’équipes soignantes) qui ont du mal à s’intégrer dans les nomenclatures actuelles de l’Ondam.
Financement sur des actes isolés vs parcours de soins
Une organisation compartimentée du financement du système de santé n’est pas pertinente pour des prises en charge qui requièrent beaucoup plus de transversalité et de coopération entre acteurs de santé, notamment dans le suivi des patients atteints de maladies chroniques. En effet, des pathologies au long cours comme le cancer nécessitent de suivre le patient sur plusieurs années avec plusieurs intervenants. Il en va de même pour l’obésité, qui demande une préparation en amont de l’opération puis un suivi diététique et psychologique de la personne. Il est difficile de construire et financer un parcours de soins avec des enveloppes annuelles réparti es entre différents acteurs. Il faut des financements transversaux qui rémunèrent tous les intervenants pour un même patient.
les lacunes de l'ONDAM
L’Ondam ne prévoit pas de budgets spécifiques pour :
Les investissements dans le secteur de la santé (renouvellement de matériel, innovations ou numérique)
Mettre en place des soins adaptés à l’actuelle transition épidémiologique (maladies chroniques, vieillissement) nécessite des investissements conséquents dans les organisations de soins, les systèmes d’information et les ressources humaines. Or aucun sous-objectif de l’Ondam n’est dédié aux investissements. Ceux-ci ne sont pas clairement explicités dans l’Ondam, et ne permettent donc pas aux acteurs de se projeter.
En outre, le respect d’un taux de croissance de l’Ondam de 2,3 % par an en moyenne a participé, même si ce n’est pas le seul facteur d’explication, au creusement des déficits hospitaliers, à une baisse des investissements, et à une dégradation du climat social dans les établissements.
La prévention
Les ressources dédiées à la prévention sont difficilement traçables dans l’Ondam puisqu’elles sont diluées dans plusieurs sous-objectifs. Dans sa construction actuelle, l’Ondam est plus favorable aux actes techniques et aux actions curatives qu’à la prévention. Les ressources consacrées à cette dernière sont concentrées sur les soins médicalisés (la vaccination, les dépistages, les consultations de prévention…) au détriment de la prévention collective intégrant la promotion de la santé (éducation à la santé, création d’environnements favorables à la bonne santé).
La réforme de l'ONDAM





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