Pour un redressement durable et socialement acceptable de l’Assurance maladie
- Lorenzo Lanteri

- 29 sept.
- 5 min de lecture

Alors que le futur gouvernement peine encore à se former, le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale devra tracer un cap socialement acceptable, lisible et transpartisan pour rétablir durablement l’équilibre de la branche maladie et avoir des chances d’être adopté.
La tentation est grande de recourir, une fois encore, aux mêmes recettes rapides et mortifères du Plan Bayrou : ces ajustements paramétriques de court terme – hausse des franchises, baisse des remboursements ou transferts de charges – qui améliorent temporairement la comptabilité mais fragilisent la solidarité et restreignent l’accès aux soins. Cette logique du « coup de rabot » est non seulement inique pour les assurés, mais surtout inefficace à long terme.
Face à une Assemblée nationale fragmentée, l’exigence est toute autre : s’appuyer sur les orientations concertées du rapport Charges et Produits pour 2026 pour refonder le cadre de régulation réellement pluriannuel et trouver de nouvelles recettes. Réguler un système de santé aussi complexe – où interagissent payeurs, assurés, offreurs de soins et pouvoirs publics – ne peut se réduire à des mécanismes techniques de court terme.
La voix de passage consiste à mettre en place des réformes structurelles et cohérentes agissant simultanément sur plusieurs leviers : la maîtrise des rentes, la diversification des recettes, l’organisation du système de soins et le virage préventif. C’est ce changement d’échelle – passer d’une logique comptable de court-terme à une stratégie structurelle de long terme – qui garantira la soutenabilité et la solidarité de notre Assurance maladie et l'adhésion.
Les limites des mesures paramétriques de court terme
Les hausses de franchises, participations forfaitaires ou déremboursements ont déjà montré leur rendement immédiat. Mais leur efficacité s’arrête aux comptes : elles sont anti-redistributives, car elles pèsent d’abord sur les plus précaires. En outre, elles n’ont aucun effet réel sur la responsabilisation des comportements de soins : en France, les actes sont prescrits. Si des politiques de responsabilisation doivent être menées, elles doivent cibler les prescripteurs.
Enfin, ces mesures paramétriques augmentent le risque de renoncement aux soins, avec, à terme, des surcoûts hospitaliers. Les faibles économies générées sont insignifiantes face aux dépenses supplémentaires qu’elles engendrent.
De la même manière, transférer les dépenses vers les complémentaires santé ne réduit pas la dynamique globale de la dépense, mais modifie la nature du financement et accentue les inégalités.
Ces « solutions » de court terme agissent comme un paravent : elles masquent le déficit, sans jamais le résorber.
Partager l’effort et bâtir une stratégie de moyen terme
Le redressement doit reposer sur un partage équilibré des efforts entre acteurs, financeurs et usagers. Les leviers classiques (prix, volumes) ne suffisent plus : il faut engager un changement structurel. Cela suppose d’ancrer une programmation pluriannuelle de la santé (un ONDAM sur 5 ans) et d’articuler chaque ajustement annuel avec une stratégie nationale de santé cohérente.
La prévention, seule vraie dette à amortir
Nous parlons beaucoup de dette financière, mais trop peu de dette épidémiologique. Si nous n’agissons pas, l’explosion des maladies chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers) grèvera durablement la soutenabilité de notre système de santé.
Un virage préventif s’impose. Trop souvent invoqué, il n’a jamais trouvé de traduction opérationnelle ni d’investissement à la hauteur des enjeux. Pourtant, le rapport Charges et Produits pour 2026 propose déjà quelques mesures phares.
Cela suppose, en premier lieu, l’organisation d’une coalition des financeurs de la prévention. Aujourd’hui, les acteurs sont dispersés et agissent de manière fragmentée : nous avons besoin d’une gouvernance stratégique pour un déploiement efficace et local des programmes. Il faut aller vers davantage de dépistages systématiques (HTA, cancers, troubles de l’apprentissage en maternelle) intégralement gratuits. En outre, cette politique de prévention doit s'appuyer sur les outils numériques publics existants en intégrant un tableau de bord prévention dans Mon Espace Santé. Enfin, nous avons besoin d'un second souffle dans les politiques de lutte contre les addictions, c'est pourquoi nous avons besoin d'une politique plus offensive sur l’alcool et le tabac.
Une régulation offensive du médicament
La dépense pharmaceutique reste un autre enjeu central de soutenabilité. Nous payons parfois très cher pour des innovations au bénéfice clinique parfois limité : cette politique est devenue insoutenable. Trois priorités s’imposent :
Hiérarchiser les prix selon le progrès thérapeutique
Accélérer la pénétration des génériques et biosimilaires en réduisant les délais et en alignant les remboursements
Exiger des preuves cliniques solides, notamment en oncologie, et conditionner le remboursement à des résultats tangibles.
Cette régulation doit redevenir offensive, au service de la soutenabilité du "panier de soins solidaire".
Trouver de nouvelles recettes pour un effort équilibré
La régulation par la seule dépense est illusoire. Il est indispensable de sécuriser une trajectoire viable de recettes. Comme pour les dépenses, celles-ci doivent évoluer en cohérence avec la richesse nationale. Sans ce parallélisme, le risque est grand de voir les déficits se creuser inexorablement. Il est donc opportun de revoir certains allègements généraux de cotisations patronales et de flécher ce gain de cotisation vers l’Assurance maladie. La Mission Bozio-Wasmer a déjà soulevé la question de la pertinence de ces allègements, conçus dans le contexte du chômage de masse des années 1990. Or, nous ne sommes plus dans la même situation. Nous concentrons des aides sur des emplois à faible valeur ajoutée ce qui n'est pas cohérent avec notre modèle productif actuel, c'est pourquoi nous devons diminuer ces allégements de cotisation. Nous devons pouvoir construire une fiscalité au bénéfice l'Assurance-maladie sur le modèle du pollueur-payeur. Cela implique de renforcer les taxes sur les produits nocifs à la santé (alcool, sodas, tabac, produits sucrés et transformés) mais aussi de créer de nouvelles contributions sur de nouveaux champs de la santé publique (écrans, jeux en ligne).
·
Pour une stratégie nationale de santé parlementaire et transpartisane



Commentaires