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Convention médicale : 5 ans pour sauver la médecine de ville

  • Photo du rédacteur: Lorenzo Lanteri
    Lorenzo Lanteri
  • 13 déc. 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 juil.




Les négociations pour la future convention médicale se sont ouvertes en novembre dernier dans un contexte particulièrement complexe, après près de 3 ans d’une crise sanitaire inédite et dans un climat délétère de surenchère de la part de certains syndicats de médecins libéraux. Et pourtant, le temps presse. Les attentes sont immenses — du côté des professionnels de santé, mais aussi (et surtout) du côté des assurés, de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés pour accéder à un médecin, qu’il soit généraliste ou spécialiste.

 

Une convention sous haute tension

 

Les médecins libéraux demandent — à juste titre — des revalorisations et une amélioration de leurs conditions de travail, dans un contexte marqué par une démographie médicale en baisse et un manque criant d’attractivité des métiers. Mais les patients, eux, attendent des réponses concrètes. Des réponses locales, visibles, tangibles. Ils veulent un médecin à moins d’une heure de route, un rendez-vous en moins de trois mois, une prise en charge fluide. Rien d’extraordinaire, juste ce qu’on peut attendre d’un système de santé digne de ce nom.
 
La future convention ne pourra pas se contenter d’ajustements tarifaires. Elle doit proposer un véritable changement de modèle, en phase avec les enjeux de santé publique, les mutations sociales et les nouvelles pratiques professionnelles.

 

Accès aux soins : les fractures territoriales s’aggravent

 

L’un des défis majeurs reste la répartition inégale des médecins sur le territoire. La densité médicale diminue, surtout chez les généralistes. Et ce, alors que les jeunes médecins aspirent à un meilleur équilibre vie pro/perso et réduisent leur temps de travail. Résultat : des patients sans médecin traitant, des cabinets débordés, et des territoires entiers laissés pour compte.
 
Les outils actuels — comme les contrats démographiques — ont eu des effets positifs, mais insuffisants. Il faut aller plus loin. Le développement de l’exercice coordonné est une piste solide, mais il faut aussi redonner sa place à la médecine spécialisée dans les zones rurales. Un généraliste ne s’installera pas dans une zone où il ne peut pas adresser ses patients à un spécialiste. Les consultations avancées et les équipes de soins spécialisées pourraient y contribuer.
 
D’ici 5 ans, l’exercice coordonné doit devenir la norme. C’est ce que souhaitent les jeunes professionnels : travailler en équipe, partager les compétences, et sortir de l’isolement. Cela suppose aussi une meilleure reconnaissance du travail en équipe, via des financements adaptés comme les paiements forfaitaires.

 

Faut-il aller vers une régulation démographique ? Sujet hautement inflammable. Mais peut-on vraiment l’éviter ? Les écarts entre les territoires se creusent. Les zones rurales et périurbaines se désertifient, pendant que les centres-villes et les littoraux sur-concentrent l’offre de soins. Il faudra bien, tôt ou tard, réfléchir à une forme de régulation, aussi partielle soit-elle.

 

Médecine spécialisée : le grand angle mort

 

Depuis les années 2000, les médecins spécialistes sont devenus majoritaires. Pourtant, les réflexions sur leur rôle dans le système de soins restent faibles. Beaucoup exercent en secteur II, avec des dépassements d’honoraires qui creusent les inégalités d’accès. L’OPTAM et l’OPTAM-co n’ont pas changé la donne.
 
La convention devra mieux intégrer les spécialistes dans la logique de soins de proximité, notamment pour répondre à la montée en puissance des maladies chroniques et renforcer le lien avec les soins primaires.

 

Soins non programmés : le maillon faible

 

L’accès aux soins non programmés est un casse-tête. Trop souvent, l’hôpital reste la seule porte d’entrée pour les soins urgents mais non graves. Le médecin traitant, censé être le pivot du système, peine à tenir ce rôle, faute de temps, de reconnaissance ou de moyens adaptés. Aujourd’hui, il est plus une référence tarifaire qu’un vrai chef d’orchestre du parcours de soins.
 
Il est temps de clarifier son rôle, de renforcer sa place et de mieux valoriser ses missions. Peu de gens savent que le montant réel d’une consultation généraliste, une fois les forfaits et cotisations inclus, dépasse en réalité les 35 euros, il faut refondre ces forfaits pour les mettre davantage en adéquation avec les missions du médecin traitant.

 

Le virage domiciliaire n'a pas eu lieu

 

Depuis 20 ans, on parle de favoriser le maintien à domicile. Mais sur le terrain, la médecine de ville ne suit pas. Les visites à domicile sont devenues rares. Le système est mal armé pour répondre aux besoins des personnes âgées, dépendantes ou isolées.
 
Pour que le virage domiciliaire soit crédible, il faut donner aux médecins les moyens de se déplacer, et mieux organiser le travail avec les infirmiers et autres professionnels de santé. Le partage de compétences et d’informations doit être facilité et valorisé.

 

Sortir du Yalta historique entre le sanitaire et le médico-social

 

Dernier point, mais non des moindres : le cloisonnement entre le sanitaire et le médico-social. Malgré de nombreuses tentatives de décloisonnement, les logiques de fonctionnement restent séparées. La convention médicale actuelle ne fait qu’accentuer ces divisions, en renforçant des négociations purement mono-professionnelles, basées sur l’acte individuel.
 
Pourtant, l’avenir de notre système de soins passe par plus d’interdépendance, plus de transversalité. Il est temps de sortir de cette organisation en silos. C’est une condition sine qua non pour assurer la viabilité du modèle, et surtout, pour répondre de manière cohérente aux besoins des patients.

5 ans pour agir!

 

La prochaine convention médicale ne peut pas se contenter d’être un compromis de plus entre revendications catégorielles. Elle doit être une feuille de route claire, lisible, engageante, pour les professionnels comme pour les patients.
 
C’est une question de responsabilité pour la médecine de ville. Et de soutenabilité pour notre système de solidaire d'Assurance maladie.

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