Aider les aidants (2): les réponses que peuvent apporter les entreprises
- Lorenzo Lanteri
- 6 oct. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 févr. 2021

Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans un contexte de plus en plus sensible aux questions de santé au travail, de responsabilité sociétale de l’entreprise, defidélisation/motivation des salariés, mais aussi de performance économique. La qualité de vie au travail et la formation professionnelle nous semblent être de bonnes portes d’entrée pour que les problématiques rencontrées par les aidants soient abordées au sein des entreprises.
Aujourd’hui, seules 15% des entreprises jugent que le salariat spécifique des aidants doit faire l’objet de discussions entre partenaires sociaux. Les quelques expérimentations et accords concernent principalement des grands groupes. En effet, pour la majorité des dirigeants, cet engagement relève de la sphère privée. Pourtant, un aidant sur cinq déclare que son activité d’aidant a eu des répercussions sur sa vie professionnelle, notamment en refusant une mobilité géographique ou en déclinant une promotion.
Par ailleurs, ils craignent, à la moindre faiblesse, pour l’appréciation de leurs performances, l’avenir de leur carrière et leur relation au collectif de travail. Si la reconnaissance de la condition de l’aidant en 2015 a mis en lumière l’importance de leur rôle dans l’accompagnement social, médical et psychologique de l’aidé, les difficultés et vulnérabilités de l’aidant, et les retentissements sur son état de santé et sur sa qualité de vie souffrent encore
aujourd’hui d’un manque de prise en compte.
« La performance d’une entreprise repose à la fois sur des relations collectives constructives et sur
une réelle attention portée aux salariés en tant que personne ».
Cet extrait du préambule de l’ANI du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail illustre combien il est primordial que chaque entreprise s’interroge, notamment dans le cadre d’un dialogue avec les salariés et leurs représentants, sur les actions à déployer en faveur des salariés fragilisés par leur statut de proche aidant.
Les réponses en terme de formation
Des dispositifs de formation existent pour les aidants familiaux. Le contenu de ces formations porte autant sur les gestes de la vie quotidienne, que sur le repérage des dispositifs existants, une meilleure connaissance de ce dont souffre le proche, les conséquences de la perte d’autonomie, les évolutions. Les entreprises ont donc la possibilité d’informer les salariés aidants des possibilités de formations proposées par des organismes externes (tels que les CLIC - Centres Locaux d'Information et de Coordination ou certaine caisse de retraites, collectivités territoriales ou associations ou encore de permettre aux aidants d’être formés via les dispositifs de formation continue).
Dans les années à venir, il faut viser à une amélioration significative du statut des aidants familiaux afin de valoriser leur travail et les conforter dans leurs tâches du quotidien. La formation professionnelle continue (FPC) constitue une des principales thématiques à développer en faveur de ce public. Cela passe par la mise en place de disposition des aidants des outils d’évaluation et de prise en compte de leurs besoins :
La mise en place de tels outils permettra à la fois d’adapter les dispositifs d’information/conseil et de formation continue à la réalité du terrain, mais également de favoriser les échanges de bonnes pratiques entre aidants, et ainsi constituer un véritable réseau digne de ce nom (rupture avec le sentiment d’isolement très présent chez les aidants).
Il faut également permettre à chaque salarié de se préparer au rôle de proche aidant en développant des formations mobilisables dans le cadre du Compte personnel de formation (CPF): Il faut donc faire évoluer le contenu du CPA pour y intégrer les nouvelles formes de bénévolat et les rendre éligibles au compte d'engagement citoyen (CEC). Le rôle d’aidant permettra de créditer des droits à la formation.
Les réponses en terme de Qualité de vie au Travail
Beaucoup considèrent aujourd’hui que les entreprises doivent se repositionner face au double défi que constitue la baisse de la performance du salarié et le soutien au maintien d’une qualité de vie au travail du proche aidant, au titre, non seulement de sa responsabilité sociale, mais également du maintien de sa performance économique. Il est primordial que chaque entreprise s’interroge, notamment dans le cadre d’un dialogue avec les salariés et leurs représentants sur les approches qu’elles pourront développer, notamment au sein d’un accord QVT. Les possibilités d’intervention sont nombreuses et adaptables à chaque entreprise.
La situation des salariés aidants constitue trop souvent un angle mort dans la gestion et l’administration d’une entreprise. Il faut tendre vers une réglementation plus incitative sur le sujet et s’appuyer sur les instruments de négociation existant pour que les entreprises puissent accompagner au mieux les salariés dans cette situation.
Il est aussi conseillé de recourir à des interrogations de l’ensemble des salariés, via des questionnaires, ou des groupes d’expression pour permettre d’évaluer la diversité des situations et des besoins des salariés. Deux outils permettent de recueillir des informations sur la situation des aidants. Des enquêtes par l’intermédiaire de questionnaires, permettant d’interroger les salariés sur leurs situations et leurs attentes. Des questions ouvertes peuvent recueillir des verbatim, permettant de récolter des informations qualitatives.
L’entreprise peut opter pour une flexibilité des horaires de travail sur une longue durée pour accompagner les aidants dans leur situation. Par exemple, travailler à mi-temps ou à temps partiel ou réduire de quelques heures leur temps de travail peut permettre d’équilibrer le temps passé auprès du proche aidé. L’entreprise peut mettre en place des dispositifs destinés à faciliter le quotidien des salariés aidants :
- Des aménagements d’horaire de travail quotidien
- Des autorisations d’absence ponctuelles
- Du télétravail
- Accorder des congés prévus par le code du travail (voir la partie sur les dispositifs de congés)
- Organiser des dons de congés entre salariés
- Donner la possibilité aux salariés par accord, de convertir leurs jours de congés et de RTT dans le cadre du compte épargne temps
Il faut mettre en place toute une série de garanties permettant à l’aidant de s’engager plus sereinement notamment en garantissant un droit opposable au télétravail pour les proches aidants dans le cadre de la reconnaissance de leur statut. Il faut également préserver le maintien dans l’emploi des proches aidants, et ainsi lutter contre la désinsertion professionnelle, tout en faisant respecter le principe de non-discrimination des aidants. Les aidants doivent disposer d’informations/conseil pour les préserver d’un choix trop hâtif notamment d’arrêts de travail entraînant une désinsertion professionnelle.
Les entreprises peuvent également voir avec leur organisme de prévoyance comment revoir leurs garanties afin de mieux répondre aux besoins des salariés aidants, par exemple en instaurant un bilan annuel au-delà d’un certain âge.
Mobiliser les outils développés au sein des groupes de protection sociale
Les GPS sont des pionniers de l’expérimentation dans le domaine du soutien aux aidants. Les groupes de protection sociale (ci-après les « GPS ») se sont progressivement saisis de cette problématique, dans le cadre de leur périmètre d’action sociale, avec un degré d’implication toutefois variable d’un GPS à un autre. Les GPS ont étendu leur champ d’intervention sur la problématique des aidants, dans le cadre de leurs activités d’action sociale, notamment sur les cinq dernières années. On peut, en effet, constater que les actions menées dans le sillage des divers dispositifs mis en place par le législateur – de façon peu harmonisée. Les GPS, de façon autonome, ont entrepris – à différentes échelles – de proposer des dispositifs à l’attention des aidants, sans qu’un accord ou une injonction normative en ce sens ne le leur impose. Cela a ainsi contribué à renforcer l’action des associations d’aidants et la visibilité d’une situation à laquelle tout un chacun a pu être confronté directement ou indirectement, permettant une prise de conscience globale, notamment matérialisée par la mise en place de dispositifs légaux, comme le don de RTT.
On peut souhaiter que la perspective du "Laroque de l'Autonomie" soit l’occasion de réfléchir aux modalités de mise en place d’un « panier d’aides minimum » aidants, à l’image de ce qui a été fait pour la couverture complémentaire des frais de santé. Ces garanties, relevant du périmètre de la prévoyance collective d’entreprise pourraient constituer un premier socle obligatoire de service aux aidants.
Comments