top of page

Ségur de la Santé: après les salaires, trouver une organisation porteuse de sens

  • Lorenzo Lanteri
  • 21 juil. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 févr. 2021

Après les nécessaires revalorisations salariales du Ségur, le gouvernement doit proposer une vision plus large et ambitieuse pour impulser les changements attendus de notre système de santé. Deux chantiers prioritaires s'ouvre à lui: l’organisation et le financement.




Refonder l'organisation de notre système de soins pour instituer une organisation porteuse de sens et efficace

Le niveau territorial est aujourd’hui reconnu dans de très nombreux pays comme le niveau le plus adapté pour répondre de manière efficace aux besoins de santé des populations. Or, c’est précisément le niveau le moins bien organisé aujourd’hui en France. Le prochain chantier dans le domaine de la santé consiste à trouver avec l'ensemble des acteurs la juste refondation territoriale pour faire émerger un véritable service public de santé de proximité.


Ce service territoriale de proximité doit inclure le médico-social et créer les moyens d'une coopération renforcée entre le service public et le secteur privé. Chaque agent, chaque personnel hospitalier a un rôle à jouer, chacun est un maillon indispensable au bon fonctionnement de notre système de santé. C’est pourquoi la nouvelle organisation à venir doit mieux reconnaître l’ensemble du personnel des différentes filières et redonner toute leur place au corps médical et à l’encadrement qui ont été les piliers de la réponse à la crise du Covid-19. Une leçon à retenir de la première vague d’épidémie est que les soignants se sont placés en première ligne dans le travail comme dans les décisions organisationnelles. Ils auront montré une grande capacité d’adaptation et de créativité pour faire face à l’afflux massif de malades. Il convient donc d’en tenir compte dans l’organisation de la future gouvernance hospitalière. Il est nécessaire de rééquilibrer le rapport entre « pouvoir » administratif et « pouvoir » médical. Le réel dialogue passe par la reconnaissance des compétences des personnels pour agir sur leur lieu d’exercice.


Le principe de cette réorganisation qui devra être progressive s’articulera autour de la graduation des prises en charge, en cohérence avec les rôles et formes d’organisation des établissements, de la ville et du médico-social. La crise sanitaire que nous vivons représente une opportunité pour poser des principes de responsabilité auprès de différents acteurs et à différents niveaux. Elle impose également de tenir compte des différentes configurations locales d’offre de soins, afin de ne pas calquer un schéma technocratique qui ne laisse aucune marge de manoeuvre d’un lieu à un autre.

La (re)construction d'un service public territorial de proximité passe par 3 axes:

Premièrement, l’établissement ou le renforcement des hôpitaux axés sur des disciplines de proximité, dénommés établissements communautaires (ou ruraux). Cela implique que les établissements de proximité puissent disposer de moyens pluridisciplinaires comprenant notamment une activité de chirurgie ambulatoire et d’accueil de moyenne urgence. Ces hôpitaux de proximité doivent contenir des centres de périnatalité. Ils ont en charge des projets de santé publique et d’éducation thérapeutique (prévention et maîtrise du diabète, de l’insuffisance cardiaque, alcoologie et tabacologie…). Ils fournissent des projets d’appui aux acteurs de ville et du médico-social, comme aux maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et aux Ehpad.


Ils peuvent ainsi déployer des équipes mobiles de gériatrie et de soins palliatifs, et partager leurs moyens logistiques (blanchisserie, restauration, services techniques) et humains (équipe mutualisée d’IDE de nuit, médecins coordonnateurs ou prescripteurs partagés). Pour assurer ces nouvelles missions, ces hôpitaux de proximité devront bénéficier d’une enveloppe financière conséquente dédiée à ces activités. Les structures déjà existantes devront bénéficier d’un investissement pour reprendre leurs dettes. Les hôpitaux de proximité devront avoir un quota de lits par habitant sur le territoire qu’ils couvrent. Il est important de définir des ratios soignants-soignés et un effectif minimum par rapport au nombre de lits. En parallèle, il faudra revenir sur le mouvement d’externalisation dans le système hospitalier (nettoyage, plateaux-repas, blanchisserie) qui, en plus de présenter de faibles gains de productivité, a considérablement dégradé la qualité de prestations et précarisé les agents de services hospitaliers (ASH).

Deuxièmement il faut aller vers le développement de petites structures de premier et de second recours, plus autonomes et plus visibles, gravitant autour d’un centre hospitalier. L’hôpital pourrait ainsi transférer progressivement ses missions à caractère social pour les déléguer aux autres structures de proximité (CPTS, maisons de santé, centres d’examens de santé).


Cela implique une montée en charge et en responsabilité des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), ainsi que des perspectives claires de développement pour les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Il est aussi important que les liens entre les structures soient formalisés, afin de leur faire profiter des services de l’hôpital avec lesquels des liens ont été organisés. L’hôpital serait alors un point d’appui et de coordination. Sur ce point, il faut être clair : il faut mettre fin à l’exercice isolé des professionnels de santé de premier recours et généraliser des espaces de santé pluriprofessionnels d’ici cinq ans, via 4 leviers principaux :

  • La minoration sensible de la rémunération des professionnels de premier recours intervenant en dehors d’un espace de santé pluriprofessionnel.

  • Le déconventionnement des médecins qui travaillent en dehors des CPTS.

  • La diversification des modes de rémunération des professionnels de santé.

  • L’accélération du partage et du transfert des compétences. Cette délégation des tâches doit donner lieu à de la formation et être reconnue en termes de rémunération. Cette ambition diverge de la situation actuelle du « glissement de tâche ».

Troisièmement, ce modèle doit agir en réseau au sein duquel chaque acteur joue son rôle en fonction de son positionnement dans le parcours du patient. L’hôpital devient un point d’appui et de coordination avec les acteurs de proximité, sans se projeter en substitution.


Le Ségur de la Santé est l’occasion de renforcer l’égalité d’accès aux soins et de pérenniser les mécanismes coopératifs entre les différents secteurs de la santé (ville, hôpital, médico-social) qui sont nés de la crise sanitaire et qui ont permis de répondre efficacement et rapidement à la pandémie. Dans cette perspective, il faut renforcer la filialisation de l’offre de soins par territoire, afin de graduer de manière pertinente les prises en charge et d’adresser le bon patient au bon établissement. Ce travail suppose un engagement de tous les acteurs sur le territoire (hospitalier, ville, domicile, médico-social) autour d’un véritable projet territorial de santé, pierre angulaire de la régulation de l’offre de soins sur le territoire. Il est fondamental, pour ce faire, de donner du temps et des moyens financiers et matériels aux professionnels qui en auront la charge.


Refonder le financement du système de santé pour une meilleure articulation avec les objectifs de santé publique

L’introduction de la T2A depuis 2006 et le resserrement de l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (Ondam) pour les établissements de santé ont placé le système de santé sous tension permanente. La France a un haut niveau de dépenses de santé : 7,9 % de son PIB pour la santé, contre 6,9 % en moyenne en Europe. Mais, prises isolément, les dépenses hospitalières ne représentent en France que 3,6 % du PIB, contre 4,1 % en moyenne en Europe. Il y a donc bien une rigueur exceptionnelle imposée à l’hôpital, et une plus grande mansuétude pour la médecine de ville. C’est le choix qui a été fait par les pouvoirs publics depuis un certain nombre d’années pour faire émerger le virage ambulatoire.


La période qui s’ouvre doit être l’occasion de rénover l’Ondam. Dans sa construction actuelle, l’Ondam a contribué à assécher les ressources de l’hôpital tout en augmentant les moyens pour la ville sans véritables régulations. Il ne permet plus de répondre aux enjeux de santé actuels : maladies chroniques, parcours de soins et prévention.


C'est pourquoi, il faut rapidement ouvrir une concertation pour un nouveau découpage de l’Ondam. Tout d’abord, on peut souhaiter que certaines dépenses, à caractère structurel, bénéficient d’une quasi-garantie de financement, autrement dit, qu’elles ne soient pas soumises à des baisses de tarifs ou de dotations suite à la régulation macroéconomique.


Ces secteurs « sanctuarisés » pourraient comprendre: les urgences et la permanence des soins, incluant la régulation médicale, les transports médicalisés urgents, ainsi que les lits de réanimation et soins intensifs ; les unités de soins palliatifs ; le secteur médico-social ; les investissements structurants ; la prévention. Sur le domaine de la prévention justement, il serait souhaitable de voir élaborer, dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un document de politique transversale consacré à la prévention en santé, qui permette de retracer l’ensemble des crédits d’État mis en oeuvre dans les différents ministères (logement, environnement, éducation..)


Par ailleurs, le Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance maladie propose de mettre en place au sein de cet Ondam rénové des « sous-enveloppes » par

pathologie (cancer, diabète etc) et par grand objectif de soins (parcours de soins, prévention). plus facilement justifiable. Ce système faciliterait la gestion des transferts ville-hôpital du fait de la transversalité du champ couvert.Cette architecture financière offrirait de la visibilité aux acteurs de la santé sur plusieurs années et serait donc plus facilement justifiable.


Parallèlement à cette réforme de l’Ondam, une enveloppe de dotation doit être mie en place pour réduire la part de la T2A dans le financement des hôpitaux. Cette dernière a certes engendré des progrès de productivité, mais ils ont souvent été obtenus au détriment de la qualité des soins et des conditions de travail des personnels. Il est donc essentiel de se doter sans attendre d’indicateurs permettant d’apprécier la qualité des soins – les indicateurs de processus développés en France n’étant pas à cet égard suffisants. Il faut, comme dans de nombreux pays étrangers, se doter d’outils pour mesurer l’expérience et la satisfaction des patients, le vécu au travail et l’appréciation de la qualité des soignants et, enfin, les résultats cliniques des soins. Se doter de ces instruments de mesure suppose un investissement technique et scientifique. Cet investissement est un préalable pour envisager des modes de tarification dits « au parcours » ou des modes de paiement à la qualité.




Comentarios


  • LinkedIn Social Icon
  • Twitter Social Icon
bottom of page