Les cinq enseignements de la crise sanitaire
- Lorenzo Lanteri
- 29 mai 2020
- 13 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 févr. 2021
Cette période de premier confinement terminée, il est temps désormais d’effectuer un premier bilan des enseignements tirés de la crise du Covid 19 notamment dans le domaine de la santé. Comme toutes crises, cette dernière a mis en lumière nos forces (une capacité de réaction de nos médecins hospitaliers et personnels soignants, le boum de la télémédecine) mais aussi nos faiblesses et insuffisances (organisation des EHPAD, absence d’une première ligne consistante de soins en ville, absence d’un établissement stratégique dédié aux catastrophe sanitaire de grande ampleur).
La question n’est pas d’adapter notre modèle sanitaire de manière permanente à un épisode par nature aigus et limité dans le temps mais de discerner les dysfonctionnements actuels pour mieux préparer notre système de soins à de nouveaux risques. Comme toute crise, il y aura aussi un avant et un après et il nous faut également repenser l’organisation de notre système de soins à l’aune des événements qui viennent d’advenir.
Les ambiguïtés du virage ambulatoire
Tous les gouvernements ont souhaité donné une impulsion au « virage ambulatoire » pour des raisons aussi bien économiques que médicales. L’ambulatoire consiste à chaque fois que cela est possible, à écourter ou à éviter les séjours en milieu hospitalier, en offrant les services au patient au plus près de son milieu de vie. Cette évolution permet ainsi de répondre aux attentes de la population, qui aspire de plus en plus à une prise en charge des soins à domicile tout en générant des économies par l’utilisation optimale des lits et plateaux techniques hospitaliers.
Or sauf exception, les dispositifs et les budgets de fonctionnement pour accompagner ce « séjour hospitalier à domicile » restent du domaine expérimental ou résultent de bonnes volontés. Comme, je le notais déjà sur ce blog en 2018, tout le volontarisme du monde sur la question du virage ambulatoire et le recentrage de l'hôpital sur ses missions se heurtera à la réalité actuelle de la désorganisation de l’offre de soins en ville. Déshabiller l'hôpital sans vraiment habiller la ville conduisait à un risque de fragilisation de notre système de santé notamment lors d’épisode aigus de crise sanitaire.
La question n’est pas d'être défavorable au virage ambulatoire mais d'exiger à ce qu’on sorte de l'ambiguïté dans la traduction opérationnelle qui est faites par les pouvoirs publics : politique budgétaire de réduction du poids de l'hôpital dans de système de soins ou véritable réorganisation d’une première ligne de prise en charge au niveau de la ville?
L'absence de moyen mis à disposition pour organiser les soins en ville et une certaine réticence des professionnels de santé à entrer dans des dispositifs de coopération ou d’organisation territoriale ont eu pour conséquence d’affaiblir les capacités de l'hôpital sans réellement conforter une première ligne de prise en charge au niveau de la ville.
La crise sanitaire a révélé que cette politique pouvait menait à une impasse lors d'une épidémie. La France dispose de 6 lits pour 1000 habitants contre 8 en Allemagne. C’est certes plus élevé qu’en Italie où ce ratio s'établit à 3,2 lits pour 1000 habitants ou que la Suède avec une moyenne de 2,2 lits pour 1000 habitants. Ces chiffres expliquent en partie pourquoi la France a mieux tenu qu'en Italie ou en Espagne. Cependant, ils révèlent aussi pourquoi le système de santé allemand était mieux armé pour faire face à l'afflux soudain de malade pour des longs séjours dans des lits de réanimation et de soins intensifs.
Le nombre de lits ne peut pas être considéré comme le seul critère déterminant pour évaluer la qualité d’un système hospitalier, la qualité des personnels est également une condition importante. Sur ce plan, la France dispose d’un vivier important de personnels soignants bien formés.
Les médecins hospitaliers et les cadres de santé ont été les piliers de la réponse à cette première vague. Depuis de nombreuses années, ils avaient été trop souvent écartés des processus décisionnels à l’hôpital. Une leçon à retenir sera que les soignants ont été en première ligne y compris dans le travail et les décisions organisationnels en début de crise. Ils ont su d'adapter avec les moyens du bords et se sont montrés innovants pour prendre en charge et suivre les patients du domicile au lit d'hôpital. Le personnel soignant aura montré une grande capacité d’adaptation et de créativité pour faire face à l’afflux massif de malades. Il ne faudra pas l’oublier quand nous repenserons la gouvernance hospitalière et il sera évidemment nécessaire de rééquilibrer le rapport entre « pouvoir » administratif et « pouvoir » médical.
Une autre leçon est celui de simplification des relations ville/hôpital. La crise a “permis la matérialisation d’un « choc de simplification » en permettant de faciliter les liens entre hôpitaux, la médecine de ville et les ARS. Cet enseignement implique donc de redéployer des moyens pour accélérer la coopération entre la médecine de ville et l'hôpital.
Une partie de la réallocation de ces moyens devra aller vers des structures comme les hôpitaux de proximité qui permettent de constituer un réseau territorial de proximité (autrement dit, au plus proche des patients sur le territoire). Cela passe par l’établissement ou le renforcement des hôpitaux axés sur des disciplines de proximité, dénommés établissements communautaires (ou ruraux).
L’essor de la télémédecine
Longtemps restée marginale, la médecine à distance connaît un essor spectaculaire. Les gouvernements qui se sont succédé depuis lors avaient misé sur la télémédecine pour lutter contre les déserts médicaux, désengorger les urgences et améliorer globalement l’offre de soin aux meilleures conditions économiques. Cependant, le modèle de la télémédecine restait encore verrouillé et limité à quelques embryonnaires expérimentations sur le territoire français.
Sous l’effet de la pandémie de Covid-19, l’usage de la téléconsultation a explosé. En ces circonstances humanitaires exceptionnelles, les téléconsultations sont devenues un instrument privilégié, en particulier pour les médecins en ville.
Les professionnels de santé se sont enfin emparés du modèle notamment du fait que depuis 2019, la loi de finances de sécurité sociale (2018) a fait en sorte que le financement des actes s’inscrive dans le cadre tarifaire de droit commun.
Du côté des patients, les Français ont longtemps nourri la crainte que la télémédecine réduirait le niveau de qualité de la prise en charge, déshumaniserait la relation avec les soignants et mettrait en péril la sécurité de leurs données personnelles. Mais quand le nombre de cas de Covid-19 a explosé, ils ont soudain ressenti une obligation vitale de distanciation sociale pour ralentir la propagation du virus. La téléconsultation est alors apparue pour beaucoup comme la seule solution possible pour se soigner
Cette accélération des téléconsultations du fait de la crise sanitaire que nous traversons est une formidable nouvelle. Pleine d’espoirs pour préparer le système de santé de demain. Dans un contexte de vieillissement de la population, d’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et de contraintes budgétaires, la télémédecine devient un maillon indispensable de notre système de soins.
Mais attention, les technologies ne sont pas neutres, elles ouvrent un champ d'opportunités positives et de risques potentiels. Elles bouleverseront nos modèles organisationnels et économiques. Mais si politiquement on ne prépare pas la totalité des personnes concernées : malades, élus, médecins et gestionnaires, on risque de payer de plus en plus cher pour des soins de moins en moins bons et de ne pas progresser, en termes de prise en charge des soins de santé des malades. Une mise en œuvre sans discernement de la télémédecine peut être autant facteurs d’exclusion des plus faibles que d’améliorations pour ceux qui savent les utiliser.
Il faut par conséquent temps se donner les moyens d’accélérer cette appropriation technologique pour faire en sortes que cette mutation numérique ne génère ni fractures, ni inégalités dans l’accès aux soins. Il faut pour cela que les pouvoirs publics accompagnent l'achat des équipements dans les zones où c’est nécessaires (appareils médicaux connectés et abonnements à un service sécurisé de téléconsultation)
Cela impose également de nouvelles exigences vis-à-vis des différents acteurs en matière de qualité de service des communications audio/vidéo et protection des données personnelles des patients. Les plateformes de télémédecine devront garantir des communications de qualité (sans interruption et haute définition) et être conformes aux modalités d’hébergement de données de santé à caractère personnel.
Il est de la responsabilité de l’Assurance maladie de mettre en place un système de remboursement efficient prenant en compte des indicateurs de qualité du parcours de soins et surtout de diminution de l’errance médicale.
Ces gardes fous devront permettre que cette révolution de la télémédecine n’aille pas à l’encontre de la relation humaine médecins/patients. Moins de déplacements c’est aussi un moyen de lutter efficacement contre la propagation du COVID 19 et des prochaines épidémies tout en assurant la continuité de soins pour les autres maladies.
Le numérique et la télémédecine sont l’occasion de revenir à de vraies consultations : écouter le malade, appréhender ce qu’il est pour aller au mieux et au plus vite dans le diagnostic avec le minimum d’examens complémentaires, le suivre dans sa prise en charge, notamment dans le cadre des maladies chroniques, et du vieillissement. Quant aux usagers et aux patients ils devront faire entendre leur voix pour vérifier qu’il soit réellement possible d’accéder à des services de télémédecine de qualité pour l’ensemble de la population.
Médicalisation des EHPAD
La crise sanitaire a principalement mis en lumière la pertinence de la reconnaissance d’un risque social à part entière – celui de la dépendance ou plus généralement du sort de nos ainés – au cœur de la solidarité nationale.
Bien que la dépendance des personnes âgées fasse l’objet d’une large reconnaissance sociale, les politiques publiques à destination de nos aînés se sont toutefois traduites par une superposition de prestations et d’institutions aux logiques diverses, conduisant à un ensemble encore non stabilisé et pour partie inabouti. C’est cette situation de "bricolage" que les professionnels du secteur subissent et qui les a conduits à se mobiliser en janvier 2018. C’est également cette situation de bricolage qui explique le drame que connaissent les EHPAD actuellement.
Les EHPAD ont abordé cette crise sanitaire dans des conditions d’autant plus délicates qu’ils avaient pour la plupart des difficultés à se doter de personnels permanents qualifiés en nombre suffisant.
Il faut donc médicaliser davantage les EHPAD car c’est un moyen de sécuriser le risque pandémique. Il faut pour cela revoir dès maintenant l’organisation interne des EHPAD notamment la question cruciale de la qualité du personnel. Le manque de cadres infirmiers est à l’origine des difficultés organisationnelles rencontrées au sein des EHPAD. Le personnel de ces établissements est essentiellement composé d’Infirmières Coordinatrices qui se retrouvent rapidement débordées par la technicité et la polyvalence des interventions. Les Infirmières Coordinatrices, dont la charge est lourde, n’ont toujours pas de reconnaissance véritable. Elles assurent des fonctions de cadre, mais n’en ont pas le statut. Elles sont tenues d’être les garants de la qualité des soins et de l’accompagnement de la personne âgée dépendante, gérer le matériel, gérer les plannings, promouvoir des relations de qualité avec les familles et les intervenants extérieurs. Immédiatement après le déconfinement, il conviendrait de fixer un objectif d’augmentation de 25 % du ratio du nombre de soignants par résident en Ehpad comme le prévoyait le rapport Libault de l’Automne 2020. Il faut également fixer des barèmes nationaux de rémunération des services d’aide à domicile.
Les EHPAD les plus isolés sont les établissements les plus vulnérables alors que les établissements qui fonctionnent le mieux sont ceux rattachés à une chaîne gériatrique. Les EHPAD ne peuvent pas être poly-experts dans le domaine des soins, ils sont un maillon incontournable dans la chaîne des soins et il faudra donc veiller à les rattacher systématiquement aux hôpitaux. Les hôpitaux de proximité (ruraux ou communautaires) cités précedement pourront fournir un appui pour assurer l’accès aux soins lorsque c’est nécessaire, avec l’aide des nouvelles technologies et les possibilités offertes par la télémédecine aux EHPAD.
En ce qui concerne le secteur public, il faut également repenser la direction des EHPAD, la situation actuelle, donne tout pouvoir au directeur qui agit seul en tant que gestionnaire. Sa mission principale est d’assurer la sécurité économique de son établissement. Il faut favoriser les directions communes entre le « gestionnaire-comptable » et les médecins coordinateurs.
La formation doit, elle aussi, être au cœur d’un futur pacte républicain avec les maisons de retraite. La formation promotionnelle qualifiante est un des éléments moteurs de motivation pour les personnels. Cependant, elle est trop souvent mise de côté faute de financement concernant le remplacement des professionnels en formation. Il est nécessaire de constituer un véritable fonds de réserve promotionnelle pour les aides-soignants en établissement.
Enfin du côté des résidents et c’est le plus important, il faut améliorer les conditions de vies. Les établissements privés et publics sont tenus à un cahier des charges minimum (service minimal hôtelier) pour acquérir le statut d’EHPAD cantonnant ces lieux à des antichambres de la mort. Dans le but de préserver, une égalité minimum de traitement, il faudrait proposer une augmentation du cahier des charges des EHPAD privés (commerciaux) et publics qui inclurait un panier de services obligatoires allant du coiffeur à des activités hebdomadaires de gymnastiques etc.
Leur cahier des charges devra également comprendre la sécurisation des visites des proches familiaux et des intervenants extérieurs dans un contexte où le Covid 19 continuera de circuler jusqu'en 2022.
Le désarmement de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)
A la suite de l’épidémie de grippe aviaire (H5N1) de 2006 et à l’initiative du sénateur Francis Giraud, le gouvernement de l’époque a fait adopter, en mars 2007, une loi au titre prémonitoire : « Loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Elle comportait deux dispositions essentielles. D’abord, la création d’un corps de réserve sanitaire et ensuite d’un nouvel établissement public, l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), dont la mission principale était « l’acquisition, la fabrication, l’importation, le stockage, la distribution et l’exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves », y compris bien sûr les vaccins et les fameux masques chirurgicaux et FFP2.
La crise H5N1 (2004-2005) avait en effet mis en évidence diverses faiblesses dans la réponse logistique de l’Etat. Comme le relevait Claude Le Pen dans un de ses derniers articles, les moyens dévolus à cette toute petite structure (dix-sept agents en 2007 et trente en 2015), cofinancée par l’Etat et l’Assurance-maladie, étaient considérables. En 2010, cette structure disposait par exemple de 285 millions de masques de filtration de type FFP2 et 20 millions de boîtes de 50 masques chirurgicaux (soit le milliard qui a manqué au début de la crise) ; 2 100 respirateurs et bouteilles d’oxygène ; 20 équipements de laboratoires d’analyse (automates PCR et extracteurs ADN/ARN) ; 11 000 tenues de protection NRBC et accessoires.
Dans ce même article Claude Le Pen s'interrogeait sur ce passage d'une situation d'abondance à la pénurie ? L’événement majeur, selon lui, a été la crise du H1N1 de 2008-2009. Au-delà des critiques politiques adressées à la ministre de l’époque, Roselyne Bachelot, elle a fait naître dans une partie de la haute administration de la santé le sentiment d’en avoir trop fait, d’avoir surestimé la crise et, finalement, d’avoir inutilement gaspillé des fonds publics au profit des laboratoires pharmaceutiques.
L’Etat s’est ainsi convaincu qu’une réduction de la voilure était nécessaire, d’autant que le déficit de la Sécurité sociale s’était considérablement creusé du fait de la crise des Subprimes. La sécurité sociale affichait en effet un déficit de 27 milliards d’euros en 2010. Le budget de l’Eprus a donc été drastiquement réduit, passant de 281 millions en 2007 – avant la crise H1N1 – à 25,8 millions en 2015 (10,5 pour l’Etat et 15,3 pour l’Assurance-maladie).
Par ailleurs, en 2011, un changement doctrinal de l’Etat a conduit à distinguer deux types de stocks pour les produits médicaux de précaution (médicaments, dispositifs, petit matériel), les stocks dits « stratégiques », à vocation nationale, détenus par l’Etat, avec l’Eprus, et les stocks dits « tactiques », confiés aux établissements de santé pour couvrir en priorité des besoins locaux. Cette réforme a pu apparaître pertinente au regard des priorités mais la résultante a conduit à une fragmentation des stocks. Les masques chirurgicaux relèvent désormais des stocks stratégiques, financés par l’Eprus, alors que les masques FFP2 sont inclus dans les stocks tactiques, financés par des hôpitaux, eux-mêmes soumis à une très forte pression budgétaire. Les acteurs de santé et les pouvoirs publics ont ainsi perdu en lisibilité sur les stocks détenus.
En 2016, l’Eprus, est intégré en 2016 dans le nouvel Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, plus connu sous son nom de Santé publique France. Il rejoignait ainsi l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Cette intégration a eu pour conséquence de réduire drastiquement les capacités de l’Eprus en noyant ses 30 collaborateurs dans une direction de 500 personnes aux missions différentes. Pour Claude Le Pen, Les compétences de l’Eprus se sont progressivement évaporées face aux problèmes de cohabitations liés à des cultures institutionnels très différentes. Le regroupement a eu ici un effet de réduction budgétaire, au prétexte d’une mutualisation des dépenses de fonctionnement.
Tous ces éléments expliquent que ce désarmement progressif de ce dispositif ambitieux de réaction face aux épidémies. Un mélange complexe de considérations doctrinales, politiques, économiques, institutionnelles a conduit à démanteler un remarquable dispositif de préparation à une crise sanitaire majeure conçu il y a treize ans. A l’issue de la crise du Covid 19, l’Etat disposera vraisemblablement d’un stock de produits de santé équivalent à celui de 2007. Il faudra éviter que l’histoire se répète. Il faudra reconstituer des stocks, renouveler des doctrines, redéfinir les responsabilités et préserver dans la longue, voire la très longue période, ce véritable capital pour la santé publique. Il faudra reconstituer l’Eprus et lui donner toute les marges d’autonomie nécessaire (financière, institutionnelle et juridique). La convention-cadre du futur Eprus ou Eprus 2.0 devra lui laisser la capacité de réaliser des opérations d’acquisition de produits de santé sans en avoir préalablement reçu l’ordre par le ministre chargé de la santé. L’Eprus doit avoir les marges de manœuvre nécessaires pour conduire et conclure les négociations relative à l'acquisition de stocks de matériel médical stratégique.
L’absence de virage préventif dans notre système de soins
Avec le confinement les pouvoirs publics ont fait fait peser l’ensemble des efforts de prévention sur la population. Plutôt que de s'inquiéter des «écarts» face aux règles du déconfinement, il faut élaborer une stratégie de réduction des risques confiante dans la capacité des individus à faire des choix éclairés pour leur santé. Ces choix éclairés ne sont rendus possible qu’avec une politique de prévention qui soit bien diffusée dans l’ensemble de la population. Or, la Crise du Covid 19 a mis en lumière des inégalités sociales de santé en matière d’exposition des populations et de possibilité de réaliser des gestes barrières.
L’approche française a toujours privilégié le curatif en reléguant la promotion de la santé au second plan. Une large part de l’intervention publique sur ce sujet se réalise au travers du système de soins. Conséquence d’une une vision française de la prévention très attachée au modèle biomédical. Ce n’est que très tardivement que le versant social est apparu à partir de la question des inégalités de santé.
La crise du Covid 19 a mis en lumière le fait que notre système de santé ne réussit pas à contrer efficacement les inégalités sociales de santé. Les inégalités de mortalité entre cadre et ouvrier sont stables autour de six ans pour les hommes et trois ans pour les femmes… depuis les années 1980. La prévention ne profite pas de la même façon aux différents groupes sociaux, comme en témoignent en particulier l’évolution de la surcharge pondérale et de l’obésité chez les enfants ou la participation au dépistage des cancers.
Ces éléments montrent que la future politique de prévention doit privilégier des actions sur les déterminants de santé, c’est-à-dire les facteurs qui impactent l’état de santé de la population y compris ceux, nombreux, n’étant pas forcément en lien avec le système de soins ou d’assurance maladie (alimentation, logement, l’éducation, travail, etc.).
Il faut sortir du mode d’organisation et de financement centré sur le curatif et abattre la barrière symbolique qui cantonne d’un côté l’assurance maladie, principal financeur de la santé, au paiement quasi exclusif d’actes de soins, et de l’autre les services de l’État, décideurs mais sans véritable levier financier en matière de d’action de prévention.
Le Haut Conseil Pour l'Avenir de l'Assurance maladie souhaite d'ailleurs élaborer, dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un document de politique transversale consacré à la prévention en Santé qui permette de retracer l’ensemble des crédits d’Etat mise en œuvre. Ce document regrouperait le programme 204 , « Prévention et sécurité sanitaire », le programme 230 « Vie de l’élève » qui porte les moyens de la médecine scolaire, le programme 206, «sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation», qui finance des actions en faveur de la qualité de l’alimentation et le programme 181 «prévention des risques», qui porte le Plan national santé environnement (PNSE). Il faudrait y adjoindre les crédits de l’assurance maladie, voire ceux directement mobilisés par les autres acteurs publics (les collectivités locales en particulier). Une telle approche permettrait d’apprécier les moyens d’intervention réellement mobilisables sur plusieurs années et l’évaluation de ces dépenses;
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