top of page

PLFSS 2020 : Un déficit, des mesures et encore beaucoup d’incertitudes

  • Lorenzo Lanteri
  • 2 oct. 2019
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 févr. 2021


Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse devrait s’élever à 5,4 milliards d’euros en 2019, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté ce lundi. L’année 2019 devait pourtant symboliser le retour à l’équilibre des comptes de la sécu. Cela montre à quel point les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir comme disait Pierre Dac. La moindre progression de la masse salariale fait chuter les recettes et révèle à quel point, il était hypothétique de bâtir des doctrines où les excédents de la sphère sociale bénéficieraient au budget de l’Etat.




L'absence de compensation aggrave le déficit


Ce creusement du déficit s’explique également par la non-compensation de certaines baisses de cotisations ou de prélèvements décidées dans le cadre de la loi MUES (Mesures d’urgence économiques et sociales) et de la loi Pacte.


Autant, il pouvait sembler étonnant que la Sécurité sociale contribue au rétablissement des comptes publics dans un contexte de retour à l’équilibre, autant, il est aberrant que cette non-compensation soit décidée dans un contexte de dégradation des comptes.


Afficher un déficit à 5 milliards d’euros est un trompe l’œil qui ne correspond pas aux efforts qui ont été réalisés par les différentes branches de la sécurité sociale.


Plus largement, le poids croissant des exonérations sur la trajectoire d’équilibre des comptes sociaux doublé de la difficulté à identifier les « bonnes niches » doit nous interroger sur le recours trop souvent systématique à ce dispositif. Le prescripteur de ces exonérations doit être davantage responsabilisé. Or un principe existait celui de la loi Veil du 25 juillet 1994 - qui imposait la compensation intégrale de toute mesure d’exonération partielle ou totale de cotisation de sécurité sociale aux régimes concernées - par le budget de l’Etat pendant toute la durée de son application. Le gouvernement a choisi d’y déroger pour la deuxième fois consécutive. C’est un « choix politique plus que symbolique » comme le note l’ancien Ministre du Budget et des Comptes Public Christian Eckert.



L'Assurance-maladie mise à contribution


Venons en maintenant aux différentes mesures. La branche maladie est comme à l’accoutumée celle qui occupe la plus grande place dans ce PLFSS. Le gouvernement table sur un Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), fixé à + 2,3 % pour 2020 (soit 4,6 milliards de dépenses supplémentaires), contre + 2,5% en 2019. Un Ondam à 2,3 % est peut-être nécessaire pour atteindre des objectifs de finances publiques mais il est peu probable que les hôpitaux publics et la qualité des soins puissent, sans dommage, le supporter.


Les établissements de santé restent sous forte tension, entre la contrainte budgétaire qui leur est imposée chaque année dans un contexte de sous effectifs chroniques. La question qui demeure est celle de savoir quels sont les moyens organisationnels, humains et financiers que se donne le gouvernement pour mener pleinement le virage ambulatoire. Celui-ci nécessite de repenser l’organisation des blocs opératoires, de réaliser des transferts de personnel vers le médico-social et de flécher des moyens vers l’organisation des soins de proximité.


Le poids financier des innovations thérapeutiques est de plus en plus lourd. Une grande partie de l’augmentation des dépenses provient de l'arrivée de nouveaux dispositifs médicaux (prothèses, pompes à insuline). Après de multiples baisses de prix sur les médicaments, il fallait agir plus en amont sur la régulation du prix des dispositifs médicaux, c’est chose faite avec l’extension de « la clause de sauvegarde » à ce type de produits. (Article 15 et 16 PLFSS 2020). L’objectif est de contraindre les laboratoires à « restituer » ou « reverser » à l’assurance maladie une partie de leur chiffre d’affaires, dès lors que la croissance des ventes de dispositifs médicaux pris en charge a excédé un certain niveau, incompatible notamment avec l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).


La PLFSS contient une mesure visant à rénover le dispositif d’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU). Ce système a été mis en en place en 1994 en vue d’accélérer l’accès à des nouveaux médicaments pour les patients. L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est une autorisation spécifique qui permet la mise à disposition, à titre exceptionnel, de certains types de médicaments. Après obtention de l’autorisation de mise sur le marché et dans l’attente de la fixation d’un prix, le laboratoire décide librement du tarif d’une spécialité pharmaceutique sous ATU. Si celle-ci est commercialisée, il devra payer pour chacune des unités vendues l’éventuel différentiel entre le prix défini pendant l’ATU et le prix ultérieurement fixé par le Comité économique des produits de santé. La somme collectée est appelée « remise post ATU ». Elle est affectée en intégralité à l’Assurance maladie qui a supporté le coût initial de l’arrivée du médicament à prix libre.


L’arrivée d’innovations thérapeutiques dans notre système de santé est encore trop subie alors qu’elle devrait être anticipée et planifiée. Il faut rapidement mettre en place des études prospectives sur l’impact financier des traitements innovants dans la décennie à venir. Il serait temps que le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale comporte une étude prospective sur l’impact financier des traitements innovants à l’horizon de 10 ans.


Les Français sont de plus en plus confrontés aux pénuries de médicaments. Le PLFSS (article 34). contient des mesures visant à renforcer l'obligation des industriels à constituer de stocks tout en renforçant les sanctions à leurs égards.


En une quinzaine d’années, la cartographie sanitaire a changé. Les maladies fatales sont devenues chroniques et grâce à l’innovation médicale certaines maladies chroniques sont devenues curables. Les maladies chroniques renouvellent le questionnement du normal et du pathologique mais surtout elles impliquent un changement dans les prises en charge.


On passe progressivement d’un modèle sanitaire où les prises en charges au long cours prédomine sur la courte durée. L’évolution des prises en charge doit conduire à des évolutions tarifaires. Dans sa gestion du risque, l’Assurance maladie a déjà expérimenté des versements spécifiques à destination des structures de santé pluri-professionnelles de proximité. Néanmoins, la part de ces financements reste trop faible alors que ces structures contribuent à une meilleure prise en charge du patient et à l’émergence de nouvelles fonctionnalités. L’article 24 de l’avant-projet de loi vise à inscrire davantage de pluri-annualité et de financement populationnel dans l’accompagnement financier des hôpitaux de proximité Petit à petit, les contours de ces futurs hôpitaux de proximité se dessinent


Pour accompagner le parcours de soins de malades chroniques, le système actuel semble contre-productif : parcours segmenté, coordination non-valorisée, prestation utiles et nécessaires comme l’éducation thérapeutique financée sur des bases fragiles et non pérennes. Depuis quelques années des paiements forfaitaires ont été expérimentés pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique. Le PLFSS (Article 40) étend ce mode de paiement des professionnels de santé à un parcours du traitement en aval du cancer (soutient psychologiques, bilan nutritionnel).


Un consensus existe aujourd’hui sur un financement mixte de la psychiatrie publique, combinant une dotation, pondérée selon des critères populationnels et d’environnement, avec une rémunération à l’activité pour quelques actes présentant peu de variabilité dans les coûts. Dans le cas de la santé mentale particulièrement, ce n’est pas la pathologie qui fait le parcours mais la personne d’où l’importance d’intensifier la part prise par la dotation populationnelle dans le champ des soins psychiatriques (article 25 du PLFSS 2020).


L’année 2019 avait vu la fusion des deux grands dispositifs de complémentaire santé publique CMU-c et ACS en un seul dispositif désormais intitulé Complémentaire Santé Solidaire (CSS). Le PLFSS (article 32) prévoit maintenant de simplifier les conditions d’obtention des “contrats de sortie”, ces protections qui permettent aux anciens allocataires de bénéficier d’une complémentaire de transition pendant une année de plus. Dans le futur dispositif, les bénéficiaires de la CSS auront la possibilité d’opter pour un contrat de sortie offrant une couverture conforme au cahier des charges des contrats responsables, couvrant le panier de soins sans reste à charge dans le cadre du « 100% santé ». Le prix de ce contrat sera fixé de façon identique pour l’ensemble des anciens bénéficiaires de la CSS, avec une variation en fonction de l’âge de la personne couverte.



Des mesures en faveur des handicapés, des aidants et familles monoparentales


Concernant le risque vieillesse, le PLFSS (article. 52) contient la promesse présidentielle d’avril dernier d’une ré-indexation sélective pour les personnes dont la retraite ou la pension d’invalidité brute est inférieure à 2000 euros. Cumulé à la modification des taux de CSG instauré par la loi « gilets jaunes », le principe d’une réindexation différenciée produira des effets de seuils inéquitables entre retraités. A partir de 2021, les petites et moyennes retraites, qui auront plus augmenté que les autres, perpétueront l'écart d'année en année avec les retraites plus élevées. Ces ré-indexations sélectives altèrent ainsi le principe de contributivité de notre système de retraite : comment justifier que l'on gagne moins en cotisant plus, et inversement.


Le PLFSS prévoit la substitution automatique de la retraite au minima sociaux tels que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et le Revenu de solidarité active (RSA) au moment de l’âge légal. Cette mesure devrait adoucir la transition vers la retraite pour les bénéficiaires de ces prestations en leur évitant ainsi un risque de rupture de ressources.


Autre dossier qui suscite une forte attente : celui de la dépendance. En attendant un projet de loi promis pour décembre, le PLFSS prévoit d’ores et déjà de dégager plus de 390 millions d’euros pour financer des mesures comme la rénovation d’Ehpad.


Le PLFSS (article. 44) prévoit une indemnisation du congé "proches aidants" ainsi qu’une prise en compte de ces périodes d’aides dans la retraite via l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Le gouvernement calibre le coût de ce nouveau droit à un montant de 100 millions d’euros pour l’année 2020. Le montant dédié peut paraitre étonnant au regard du nombre de personnes potentiellement concernés. Aujourd’hui en France, 8 à 11 millions de personnes aident un proche en situation de dépendance en raison d’une situation de handicap, de l’âge ou d’une maladie, de manière régulière et non professionnelle.


Pour remédier aux nouveaux problèmes sociaux telle que la monoparentalité, auxquels l’assurance sociale ne peux répondre il fallait construire un service public de versement des pensions alimentaires. Deux ans après sa mise en place, l'Agence de Recouvrement des Impayés de Pensions Alimentaires (ARIPA) connait une nouvelle étape. Le PLFSS (article 48) garantit des procédures simplifiées et plus rapides afin que le droit à la pension alimentaire devienne un droit effectif pour le parent mais aussi pour l’enfant concerné.




Comments


  • LinkedIn Social Icon
  • Twitter Social Icon
bottom of page