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Comprendre les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)

  • Lorenzo Lanteri
  • 20 sept. 2019
  • 8 min de lecture



Les pouvoirs publics ont décidé d’une profonde transformation de notre système de santé. Celle-ci vise à organiser des soins de proximité et à constituer de nouveaux collectifs de soins. La stratégie de transformation veut apporter des réponses aux difficultés que rencontre notre système de santé : désertification médicale, mauvaise qualité des soins, cloisonnement, hospitalocentrisme, défaut de prévention, besoin de mieux associer les patients…


L’amélioration de l’accès aux soins passe donc par un effort d’organisation de la médecine de ville. La loi de modernisation de santé de 2016 a créé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et le projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2019 a organisé leur financement par le biais d’une négociation conventionnelle entre professionnels de santé et assurance maladie.



Tentative de définition


Sous le terme de « CPTS », on désigne plusieurs acteurs de santé de premier et second recours, organisés en équipes de soins primaires, en maisons ou centres de santé, ou encore en cabinets mono professionnels.


La notion de niveau de recours est utilisée en France dans la conception et la mise en place des politiques de prise en charge sanitaire. On désigne communément sous l’appellation « soins de premiers recours » l’ensemble des services de santé de première ligne.


Cela comprend la médecine générale, mais aussi les autres spécialités médicales de premier recours (ex : la pédiatrie de ville), les soins dentaires, les troubles de la vue, les soins infirmiers, la kinésithérapie et les intervenants du champ médico-social. En matière de missions, le premier recours se caractérise par le diagnostic, l’orientation, le traitement ; le suivi des patients et la coordination du parcours ainsi que le relai des politiques de santé publique (ex: prévention, dépistage, éducation à la santé). Le second recours correspond, quant à lui, aux soins en ville spécialisés (ex: gastroentérologue) ou hospitaliers (ex: hospitalisation et chirurgie).


Ces communautés peuvent regrouper des soignants médicaux et paramédicaux, libéraux ou salariés, exerçant parfois leur activité en individuel. Ces professionnels sont reliés les uns aux autres par un projet de santé commun.


Les CPTS peuvent prendre de multiples formes mais elles ont un point commun : le projet territorial de santé. Ce projet est élaboré par les communautés professionnelles territoriales de santé, ainsi que par les établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux, présents sur le territoire. Le cadre est volontairement souple pour permettre à chaque communauté de définir elle-même son périmètre d’intervention ainsi que la nature de ses missions. Le projet territorial de santé doit s’appuyer sur un diagnostic territorial partagé. Cette analyse reprend un ensemble de constats partagés sur le contexte géographique (le nombre d’habitants, la structure d’âge, les professions, le chômage) mais surtout sur l’offre de soins et les besoins de la population.


Qui composent les CPTS?


Les communautés professionnelles de santé émanent de l’initiative des acteurs de santé eux-mêmes, en particulier des professionnels de santé de premier recours Ces communautés sont composées de professionnels de santé regroupés sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins de premiers recours, ou d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours. Cette communauté peut également comprendre des acteurs médico-sociaux et sociaux (ex : médiateurs en santé).



Sur quel territoire?


Le territoire couvert par le projet de la CPTS correspond à celui de la population concernée par le projet. Cette définition souple laisse une marge de manœuvre aux acteurs de terrain pour définir la population qu’ils souhaitent couvrir. Il n’y a pas de territoire imposé aux CPTS puisque la circulation des patients ne connaît pas de limite territoriale fixée administrativement. Le territoire de projet d’une communauté professionnelle de santé dessine un périmètre géographique variable selon les lieux, les personnes investies et les tailles de projets.

  • Même si les CPTS sont libres de définir les limites de leur territoire, ce dernier doit être nécessairement plus large que celui d’une équipe de soins primaires (constituée uniquement de médecins généralistes sur un projet de santé spécifique). En outre, la CPTS organise son territoire de santé à une échelle territoriale, en dessous du département pour répondre aux besoins de proximité.

Il conviendra de s’assurer qu’il n’y a pas de concurrence entre plusieurs projets de CPTS sur un même territoire afin d’éviter la redondance dans les actions menées, et de donner toutes les chances de réussite et d’efficacité à ce nouveau mode d’organisation.




Avec quels objectifs?


Les membres de la CPTS portent différents projets en réponse aux besoins identifiés dans le diagnostic. Ces projets sont formalisés au sein d’un projet de santé qui doit prendre en compte les spécificités de la population couverte. En effet, le projet de santé ne se destine pas seulement à la patientèle de chaque acteur mais vise bien à organiser la réponse à un besoin en santé sur un territoire. Il s’agit d’organiser au mieux les parcours de santé pour les besoins de la population couverte. Pour y voir plus clair : l’articulation de la CPTS avec les autres acteurs Ce projet de santé doit être en cohérence avec le projet régional de santé élaboré par l’agence régional de santé (ARS). L’élaboration du projet de santé précède la phase de contractualisation qui permet de bénéficier d’un accompagnement logistique et financier de la part de l’assurance maladie tel que prévu par la convention médicale du 20 juin 2019.


La convention du 20 juin 2019


Bien que créées en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, les CPTS étaient encore peu nombreuses en 2018. En cause : le manque de financements pérennes et d’incitations réelles à les créer ou à les rejoindre. En effet, les leviers financiers dont pouvaient disposer ces communautés à travers le fonds d’intervention régional (FIR) restaient limités. La loi de financement de la Sécurité sociale de 2019 décide de donner un nouvel essor à ces communautés en simplifiant le circuit de financement. Les professionnels de santé pourront passer un contrat avec l’assurance maladie pour bénéficier d’une aide financière pour monter une CPTS. La convention médicale détermine le volume de l’aide en fonction de l’atteinte d’objectifs de santé publique. L’assurance maladie et les principaux syndicats de médecins libéraux ont conclu l’accord conventionnel le jeudi 20 juin 2019. Cette convention fixe les conditions de modulation de la rémunération des professionnels de santé en fonction de leur participation à un cadre d’exercice coordonné. Cette convention médicale n’a pas vocation à valoriser directement les individus participants aux missions comme c’est le cas habituellement. Au contraire, le financement est alloué à la CPTS avec une liberté d’affectation des fonds. L’objectif de ce changement de règle de financement est d’accélérer le déploiement de cette nouvelle organisation de soins afin d’atteindre le chiffre cible de 1000 CPTS déployées en 2022 sur tout le territoire français.



Les missions socles dévolues aux CPTS


Pour bénéficier du financement de l'Assurance maladie , la CPTS doit remplir 4 missions socles :


• La première mission socle est l’accès au médecin traitant. La CPTS doit organiser la procédure de recherche des praticiens (notamment en zone sous-dense) et porter une attention particulière aux patients âgés, précaires et chroniques. En pratique, cela passe par l’identification des patients sans médecin traitant sur le bassin couvert. La CPTS met alors tout en œuvre pour proposer un médecin traitant parmi les médecins de sa communauté. Elle doit également anticiper les départs à la retraite des médecins. Par ailleurs, elle est tenue de porter une attention toute particulière à certains patients en situation de fragilité qui n’auraient pas de médecin traitant (en particulier, les patients en ALD, les patients âgés de plus de 70 ans, les patients en situation de précarité et/ou bénéficiant des dispositifs tels que la CMUC ou l’AME), pour lesquels l’absence de médecin traitant constitue une difficulté majeure en matière de suivi médical.


• La deuxième mission socle est celle de la prise en charge des soins non programmés. L’objectif est de permettre à la CPTS de prendre en charge, le jour même ou dans les 24 heures, une demande en situation d’urgence non vitale. La CPTS identifie les organisations déjà existantes ainsi que les carences afin de définir les solutions d’organisation à mettre en place en fonction des besoins observés lors du diagnostic territorial partagé. La CPTS doit donc partager un agenda avec des plages horaires pour des soins non 01 02 03 04 Professionnels de santé isolés Équipes de soins primaires Communautés professionnelles territoriales de santé Projet régional de santé (ARS) 10 11 programmés. Elle organise un accès rapide à certains examens, consultation chez le spécialiste etc. Les indicateurs envisagés sont la baisse du nombre de recours aux urgences, le nombre de consultations enregistrées durant les plages non programmées et la satisfaction des patients.


• En troisième lieu, les CPTS sont tenues d’organiser le parcours de soins autour du patient. Les professionnels de ces communautés veillent à coordonner les différents intervenants autour du patient afin d’éviter les ruptures de parcours et de favoriser le maintien à domicile des patients. Concrètement, la CPTS doit proposer des parcours répondant aux besoins du territoire qu’elle couvre. Elle assure le lien avec les établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux, et le partage des informations. La CPTS dessine des parcours destinés aux patients en situation complexe, en risque de fragilité, en situation de handicap ainsi qu’aux personnes âgées souhaitant rester à leur domicile.


• La quatrième et dernière mission est le développement des actions territoriales de prévention. Grâce à son implantation locale et à son organisation, la communauté professionnelle territoriale de santé constitue un point de relai pour développer des politiques de santé publique et de prévention à l’échelle du territoire qu’elle couvre (ex : vaccination antigrippale ou prévention de la iatrogénie2). Points d’appui pour les politiques nationales de prévention, les CPTS peuvent également développer leurs propres politiques de prévention en lien avec les problématiques de leurs populations. Les thèmes retenus pourront différer d’une communauté professionnelle à l’autre (ex : pollution atmosphérique, perte d’autonomie, désinsertion professionnelle ou obésité).



Les conditions de réussites sont réunies mais...


Une des conditions du succès des CPTS dépend de leur capacité à couvrir l’ensemble du territoire afin de respecter le principe républicain d’égalité des territoires. Il ne faudrait pas construire un système de CPTS à plusieurs vitesses avec des territoires forts et des territoires faibles en matière d’offre de soins.


La généralisation de ces nouvelles formes d’exercices regroupés impliquant la mise en place rapide de cadres nouveaux et pérennes de financement, la convention médicale fixe des moyens à déployer en faveur des CPTS qui ne sont pas négligeables.


Il faut également se restreindre dans un premier temps aux quatre missions socles pour ne pas leur faire courir plusieurs lièvres à la fois.


Les CPTS ont donc la latitude nécessaire pour adapter elles-mêmes leur fonctionnement aux populations qu’elles couvrent. Il fallait également laisser une marge de manœuvre aux acteurs de terrain pour qu’ils puissent s’organiser eux-mêmes. Éviter le carcan technocratique qui, dans le passé, a créé des structures d’exercice coordonné de santé sans souffle et dépourvues de vision d’avenir.


Reste à savoir si les professionnels de santé en ville seront à la hauteur du défi qui leur est lancé.



Soins de proximité : offre de soins de premier recours accessible géographiquement à un bassin de population (30 000 à 50 000 habitants).


Collectif de soins : groupe de travail de fonctionnels incluant une ou plusieurs catégories de professionnels de santé au sein de la même organisation. Une même personne peut appartenir à plusieurs collectifs. Lorsqu’un lien fort d’appartenance se noue entre les professionnels de santé autour de valeur et d’objectifs de santé, on parle alors de communauté.


Hospitalocentrisme : qualificatif donné aux systèmes de santé lorsque l’hôpital remplit des fonctions qui peuvent être assumées par d’autres types d’établissements (comme c›est le cas pour les soins médicaux généraux.) On parle donc d’hospitalocentrisme quand l’hôpital se trouve à la place centrale et prépondérante du système de santé. Le système de santé en France est un excellent exemple d’hospitalocentrime.Soins de ville :


Les soins de ville (ou ambulatoires) comprennent les soins effectués en cabinet de ville, en dispensaire, centres de soins ou lors de consultations externes d’établissements hospitaliers publics ou privés. Ils se composent des soins dispensés au titre de l’activité libérale par les médecins, les dentistes et les auxiliaires médicaux (les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes), des actes d’analyse effectués en laboratoire et des soins dispensés en cures thermales.


Le fonds d’intervention régional (FIR) : ce fonds finance des actions et des expérimentations validées par les agences régionales de santé en faveur de : la performance, la qualité, la coordination, la permanence, la prévention, la promotion ainsi que la sécurité sanitaire.


Équipes de soins primaires : Constituées autour de médecins généralistes de premier recours, les équipes de soins primaires contribuent à la structuration du parcours de santé des patients en coordination avec les acteurs du premier recours, dans une optique de prise en charge des besoins de soins non programmés et de coordination des soins.







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