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Comment financer la dépendance?

  • Lorenzo Lanteri
  • 26 avr. 2019
  • 5 min de lecture


Le financement de la dépendance est un enjeu majeur : 1,2 millions de personnes sont touchées en France. Un chiffre qui devrait plus que doubler d’ici 2060 pour atteindre 2,6 millions de personnes. Aujourd’hui, 78,9 % des Français estiment qu’il faut se prémunir financièrement contre ce risque, mais ils sont autant à déclarer ne pas être protégés.


La dépense totale de prise en charge de la dépendance, tous financeurs confondus, augmenterait plus vite que sa part publique et doublerait entre 2018 et 2060, passant de 1,40 à 2,78 points de PIB. Un besoin de financement estimé actuellement entre 11 et 25 milliards d'euros.


Quelles solutions mettre en place pour anticiper financièrement le risque dépendance ?


Les assurances privées: des modèles coûteux et insuffisants




La première piste à laquelle on songe lorsque l'on veut couvrir ce risque dans augmenter les impôts est de se tourner vers l’assurance privée volontaire. Il existe des assurances dépendance qui permettent de cotiser régulièrement pour se constituer un capital à utiliser en cas de perte d’autonomie. Si le risque dépendance se concrétise, l’assurance indemnise son assuré en lui versant une rente mensuelle ou un capital ainsi que des prestations, selon ce qui aura été défini dans le contrat. Son coût varie selon le niveau de la rente garantie, ses conditions de déclenchement (dépendance partielle, totale…) et l’âge lors de la souscription. Pour recevoir 1 000 euros par mois en cas de dépendance totale, il faudrait compter environ 80 euros de cotisation mensuelle si vous commencez à 60 ans, autour de 100 euros si vous attendez 65 ans, et 130 euros à partir de 70 ans.


Au regard de ces chiffres on comprend que ces couvertures d’assurance privées sont chères, mobilisent beaucoup de capital pour faire face à des engagements futurs mal mesurés. Meilleure preuve du caractère inadapté de cette mécanique : Singapour vient récemment d’abandonner un système d’assurance privée pour mettre en place un système où tout le monde cotise à partir de 30 ans.


Pour solvabiliser dépendance, on peut aussi songer à mobiliser le patrimoine immobilier des personnes âgées – plusieurs modèles pour faciliter la “liquéfaction” (le mot pose déjà question) du patrimoine de nos ainés sont proposés par des sociétés immobilières. En contrepartie de la vente de son bien à un investisseur, la personne âgée se verrait octroyer de la liquidité financière pour financer sa consommation ou dépendance et faciliter la transmission à ses héritiers. Afin de rendre ce dispositif plus attractif, les tenants de cette solution parle d’introduire une garantie publique pour les zones territoriales en difficultés.


Au-delà de financer les besoins en dépendance en rognant sur l’héritage de nos aînés, cette solution n’est pas pertinente car elle ne peut de toutes les façons pas concerner tout le monde, près de 40 % des Français n’étant pas propriétaires de leur logement. Par ailleurs, la proposition de personnes âgées propriétaires devraient baisser dans les prochaines années.



Les ressources publiques disponibles


Les solutions alternatives à la puissance publique n’apparaissent donc pas à la hauteur de l’enjeu. Reste donc la solidarité, c’est-à-dire le fait de faire payer par tous le soutien aux dépendants.


Afin de ne pas augmenter la pression fiscale les élus de la majorité souhaite que les français travaillent un jour supplémentaire afin de financer les coûts liés à la dépendance des personnes âgées et handicapées. l'idée d'une nouvelle journée de solidarité, un jour férié travaillé non payé a donc vu le jour. Principal atout de la mesure: elle est théoriquement très facile à mettre en place et produit immédiatement des recettes qui devraient rapporter aux alentours de 2,4 milliards d'euros à l'Etat en 2017. L’employeur paie une cotisation correspondant au temps supplémentaire travaillé non payé. Cependant, les défauts de ce dispositif ne manquent pas : cette journée ne concerne que les salariés et fait supporter de façon ambiguë à l’entreprise un risque qui ne la concerne pas. De toutes les façons, avec un rendement de 2,4 milliards d’euros la journée, il faudrait non pas seulement une deuxième journée, mais quatre, pour couvrir les besoins



Autre idée : taxer d’avantage les successions et donations. En 2011, un consensus s’était forgé au CESE (Conseil économique, social et environnemental) pour concentrer le prélèvement sur les droits de succession. L’instauration d’une taxe sur l’ensemble des mutations à titre gratuit (successions et donations hors transmissions d’entreprises et outil professionnel). Au taux de 1 %, son rendement peut être évalué à 1,5 milliard d’euros. L’addition serait lourde pour les héritiers qui auraient à subir un doublement des taxes. Doit-on faire reposer notre modèle de protection sociale sur l’héritage? La question est légitime mais elle demande au préalable un véritable débat démocratique.


L’alignement du taux plein de la CSG sur les pensions de retraite aurait pu constituer une solution. Le relèvement du taux de CSG « supérieur » acquitté par les retraités imposables (8,3 %) sur celui des actifs (9,2 %) (taux en vigueur pour les actifs) rapporterait 1,2 milliard d’euros par an supplémentaire. Cette piste avait été envisagée lors de la Concertation de 2013 mais les récents événements et modifications des taux de CSG disqualifient pour longtemps cette mesure. Il aurait peut-être mieux valu flécher la hausse du taux de CSG pour les retraités vers la dépendance plutôt que de financer la baisse pouvoir d’achat des actifs.



D’autres pistes plus récentes visent à modifier les paramètres du régime de retraite afin de financer la dépendance, via l’augmentation d’un demi-point de la cotisation assurance vieillesse ou l’allongement de la durée de la cotisation. Utiliser l’age de la retraite au secours de la dépendance est un non-sens car il introduit la confusion entre un risque avéré − la retraite et un risque aléatoire − la dépendance. Cette dernière n'a rien à voir avec les retraites, c'est un problème de santé pouvant frapper à tout moment alors que la pension est le reflet de la carrière.


Une seule solution: la CRDS


Si les aspirations de nos concitoyens semblent aller vers une plus grande revalorisation des couvertures publiques de la perte d’autonomie et une meilleure prise en charge de la dépendance. Nous disposons d’une seule solution : Prolonger la CRDS (contribution à la réduction de la dette sociale) qui devait disparaître en 2024 pour financer la dépendance. Comme son nom l’indique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée en 1996 pour éponger les déficits de la sécurité sociale. A l’époque, cette contribution «transitoire» avait été calibrée pour disparaître une fois l’endettement social éteint.


Cette solution n’augmenterait pas les impôts, étant donné qu’il se substituerait à un prélèvement obligatoire existant. La création d’un tel prélèvement universel participerait très clairement de la reconnaissance de la perte de l’autonomie comme un risque de protection sociale à part entière.


Seul problème, il faudrait attendre 2024 et l'extinction de la dette sociale....


Le rendement de la CRDS est estimé à environ 9 milliards d’euros par an. Si ce n’est pas suffisant, il serait encore possible de faire cotiser à la CASA[2] les travailleurs indépendants (actuellement exonérés) ou encore d'élargir cette cotisation sur les revenus du capital, largement servis par la mise en place de la flat-tax.






[1] Sources DREES, octobre 2017 : personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d’ici à 2060

[2] La contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) est prélevée sur les pensions de retraite, de préretraite et d'invalidité

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