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Qu'attendre des communautés professionnelles territoriales de santé?

  • Lorenzo Lanteri
  • 27 mars 2019
  • 5 min de lecture

Depuis janvier, l’Assurance maladie a ouvert la négociation entre professionnels de santé et assurance maladie en vue d’un accord conventionnel interprofessionnel qui permettrait de donner aux balbutiantes communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) un cadre de fonctionnement et de financement pérenne.


Il y a un an, la Ministre des Solidarités et de la santé et le gouvernement ont lancé une stratégie de transformation du système de santé. Celle-ci vise notamment à revoir les missions des établissements de santé et des acteurs de ville.


Le pari des pouvoirs publics est de s’appuyer sur ces communautés professionnelles territoriales de santé pour apporter des réponses aux difficultés chroniques que rencontrent notre système de santé : désertification médicale, problèmes de qualité des soins, cloisonnement, défaut de prévention, nécessité de mieux associer les patients.


Le système actuel est caractérisé par un morcellement des prises en charge et des difficultés de coordination entre acteurs de santé. Ce cloisonnement entre les divers intervenants aboutit souvent à des ruptures de soins délétères pour les patients.


Au-delà de l’absence de parcours de soins, la réalité est qu'aujourd’hui, dans certains milieux ruraux, les usagers du système de soin ne peuvent même plus trouver un médecin généraliste ou accéder à un spécialiste car ils ont trop souvent déserté ces territoires.


L'approche territoriale: une conception pas si neuve


Des inégalités territoriales de santé s’inscrivent de façon inacceptable et durable. Pour faire face, différents types de coopération ont été mis en œuvre ces dernières années dans une logique territoriale (réseaux de santé, filières de santé). Force est de constater que ces coopérations sont souvent restées parcellaires, provenant d’institutions diverses aux sources de financement différentes et souvent non pérennes.


Depuis 2016, la loi reconnait aux professionnels de santé la possibilité de se regrouper, géographiquement et au niveau opérationnel au sein d’équipes de soins primaires. Ces derniers peuvent se constituer en communautés professionnelles de territoire et que les unes et passer des contrats territoriaux avec l’Agence Régionale de Santé (ARS).


Cependant, les leviers financiers dont pouvaient disposer ces communautés à travers le Fonds d’intervention régional (FIR) sont restés limités.


La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 change la donne financière en prévoyant de rémunérer directement les professionnels de santé en fonction de leur participation à un cadre d’exercice coordonné. Si le financement n’a pas vocation à valoriser directement les individus participant aux missions il sera néanmoins alloué à la CPTS avec une liberté d’affectation des fonds.


Beaucoup voit dans ces communautés de professionnels un potentiel prometteur en matière de structuration des soins de premier recours et peut être dans une deuxième étape de second recours. S’il faut reconnaître que cette approche territoriale et « bottom-up » de l’organisation de soins va de le bon sens, on peut se permettre d’exprimer des doutes sur le flou qui entoure ce nouveau mode d’organisation de coopération.


Quel encadrement? quelle liberté pour ces communautés?



Une des garantie du succès de ce pari sur la capacité à des CTPS à couvrir l’ensemble du territoire afin de respecter le principe républicain d’égalité des territoires dépend beaucoup du travail et de définition qui doit être réalisé en amont lors des négociations conventionnelles. Il faut donner aux CPTS des orientations fortes et simples afin de ne pas reproduire les erreurs du passé qui ont créé des structures d’exercice coordonnées de santé sans souffle et dépourvues de vision d’avenir.


Les orientations doivent s’articuler autour d’objectifs prioritaires et resserrés afin de ne pas faire courir plusieurs lièvres à la fois comme cela a été la tentation des pouvoirs publics ces vingts dernières années. L’Assurance-maladie de son côté doit définir des modalités d’accompagnements sans rigidifier et complexifier ces communautés balbutiantes en ajoutant une charge administrative supplémentaire pour les professionnels concernés.


L’idée n’est évidemment pas de fixer un modèle contraignant. Agir de la sorte reviendrait à tuer dans l’œuf ces communautés. Elles doivent avoir la latitude d’adapter elles-mêmes leurs conceptions et leur fonctionnement aux réalités locales des territoires. En revanche, l’Assurance maladie doit définir un cadre commun pour faciliter l’appropriation par leurs membres des objectifs qu’ils seront supposés poursuivre.


5 orientations cumulatives mais progressives


Une première orientation est la permanence des soins. En contrepartie des moyens matériel et humains qui leurs seront fournies, les CPTS devront fonctionner avec des horaires élargis par exemple : ouverture les soirs en semaine, de 20 heures à minuit, le samedi, de 14 heures à minuit, et le dimanche, de 8 heures à minuit.).


En deuxième lieu les CPTS seraient les mieux à mêmes d’organiser les relations entre les différents acteurs de l’ambulatoires. Ils veilleraient ainsi à l’amélioration de la qualité des prises en charge à l’amélioration de la fluidité du parcours de soins. Ils assuraient l’interface entre les acteurs ambulatoires du territoire, maisons de retraite médicaliés, soins à domicile, et les centres hospitaliers associés au sein du réseau de proximité.


En troisième lieu, les CPTS devront convenir d’un ensemble d’actions de santé publique et de qualité des soins sur leur territoire. De manière progressive en fonction de leur montée en charge, ils associeront les professionnels et structures du médicosociales. Quand certaines communautés arriveront à maturité des moyens supplémentaires pourront leur être dévolus pour qu’ils deviennent les coordinateurs des services médicaux spécifiques dédiés à la prévention, en particulier la PMI, la médecine scolaire et les services de santé au travail.


En quatrième lieu, les CPTS devront assurer un juste degré d’orientation vers le bon niveau et le bon type de prise en charge en fonction des besoins. Ils assureront dans le registre du possible une prise en charge des soins non programmés. Certaines communautés dites « avancées » devront effectuer un travail conjoint pour analyser la population qu’il couvre en fonction des besoins et des facteurs de risque afin de déterminer les actions à mener en termes de prise en charge et de prévention.


En cinquième lieu, les CPTS pourront devenir des acteurs de premier plan de la coordination de la prise en charge à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap.


Compte tenu de la diversité de situations des territoires, les objectifs développés ci-dessous s’entendent comme des objectifs à atteindre à terme et non comme des obligations immédiates.


L’Assurance maladie envisage déjà d'allouer des budgets compris entre 175 000 et 300 000 euros par an pour ces collectifs de libéraux de santé, au titre du fonctionnement et des missions assumées.


Mais au regard des orientions énoncées ci-dessus, on peut supposer que les incitations à mettre en place en priorité sont d’ordre matériel et pas forcément financier. Concrètement cela passera par des aides à l’installation et à la mobilité ; par l’accès à un système de remplacement organisé/ Mais également la mise en place de systèmes d’information partagés et des supports techniques à la coordination avec les autres professionnels ou structures de soins.

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