Retraite : "Jusqu'ici tout va bien"
- Lanteri Lorenzo
- 3 juil. 2018
- 4 min de lecture
Le nouveau rapport annuel du COR (Conseil d'orientation des Retraites) vient d'être publié, le 5ème depuis la création de cette structure de réflexion. Une actualisation des projections à court, moyen et long terme du système de retraite a été effectuée.
Le rapport dans sa première partie traite du contexte et des évolutions démographiques et économiques dont dépend le système de retraite. Il aborde aussi les comportements d'activité et d'emploi à tous les âges de la vie ainsi que les structures de financement des régimes de retraite.
La deuxième partie aborde les résultats et décrit les évolutions du système de retraite au regard de ses principaux objectifs, à l'aune des indicateurs de suivi et de pilotage identifiés comme tels par le COR.
Le retour du déficit de la branche vieillesse
Plusieurs éléments vont continuer de peser sur l’équilibre financier des régimes de retraite comme l’augmentation significative de l’espérance de vie aux horizons 2060-2070 ou le nombre de cotisants par retraités.
Dans le scénario médian d’une croissance à 1,5%, le déficit augmenterait en début de période pour s'établir à 0,4% et 0,5% du PIB en 2025 et 2035. L'équilibre ne serait atteint qu’au début des années 2040. Comme chaque année, c’est cet élément qui est au centre de toutes les inquiétudes de la presse alors que le système est globalement bien piloté.
Pour rappel, le rapport annuel de 2017, tablait sur un retour à l’équilibre en 2050 pour une même croissance de 1,5%. Contrairement à une idée véhiculée par les titres alarmistes de certains quotidiens, on observe donc une amélioration des projections du solde financier par rapport à l'année précédente.
En outre, le système de retraite, « très sensible » à la croissance (l’emploi et l’évolution des prix), pourrait connaître différentes trajectoires, en fonction de la conjoncture. Sur la base d’un scénario d’une croissance de la productivité de 1,3% par an (le plus pessimiste), le système resterait, dans l’état, « en déficit en permanence ». À 1,5% (scénario intermédiaire), il reviendrait à l’équilibre à l’horizon 2040. Et à 1,8% (scénario le plus optimiste), l’équilibre serait atteint dès 2036.
Dans tous les cas, la branche vieillesse qui était revenu à l’équilibre depuis deux ans devrait à nouveau être en léger déficit à partir de 2020. Ce besoin de financement s’explique en premier lieu par politiques de réduction du nombre de fonctionnaires.l'expiration progressive des effets de la réforme Fillon concernant le relèvement de l’âge à la retraite. Un autre déterminant moins "visible" serait lié aux
En effet, les ressources du système de retraite dépendent fortement de l’évolution de la fonction publique. Les hypothèses du Conseil d’orientation des retraites (COR) prennent en effet en compte les réductions annoncées de 120 000 agents publics entre 2018 et 2022.
Les fonctionnaires et leur employeur, l’État, cotisent davantage pour les retraites que les salariés du privé et leurs entreprises, ce qui a pour conséquence de diminuer les ressources du système de retraite. C’est tout le paradoxe : plus on maîtrise les dépenses dans la fonction publique plus le solde du régime de retraite se dégrade.
Le constat en ce qui concerne les retraites ne doit donc pas changer malgré les nouvelles projections du COR : le problème n’est plus d’ordre financier. Le système est plus solide financièrement que ne le pensent nos concitoyens.
La baisse des taux de remplacement s’accélère
Néanmoins, le rapport révèle un autre élément plus inquiétant : le fait que les pensions augmenteront moins vite que les salaires.
Le niveau des retraites par rapport au niveau des rémunérations des actifs va diminuer de manière significative d’ici à 2070. En effet, le rapport pointe une baisse tendancielle de la pension moyenne par rapport aux revenus d'activité. Ce ratio va diminuer de 21 % à 36 % d'ici à 2070. Cela ne signifie pas un appauvrissement en termes réels des futures générations de retraités car les carrières continuent à s'améliorer et conduisent à de meilleures pensions au fil du temps. Néanmoins, nous devons avoir à l’esprit que le niveau de vie relatif des retraités va baisser par rapport à l’ensemble de la population. Selon les scénarios, le niveau de vie relatif des retraités s’établirait entre 89 % et 95 % en 2040 et entre 77 % et 89 % en 2070. Actuellement, le niveau de vie moyen des retraités est légèrement supérieur à celui de l'ensemble de la population (105%).
En outre, les taux de remplacement nets - le rapport entre la première pension perçue et le dernier salaire de carrière - vont baisser dans les prochaines années. Les effets conjugués du passage des 10 au 25 meilleures années pour le calcul du salaire de référence et l'indexation sur les prix des pensions vont tirer vers le bas les taux de remplacement nets. A ces effets s’ajoute la baisse des rendements dans les régimes complémentaires.
Il pourrait y avoir par conséquent une baisse considérable des revenus lors du passage à la retraite pour les assurés des prochaines générations.
L’un des enjeux de la prochaine réforme est donc de changer les règles d’indexation sur les prix pour freiner la baisse des taux de remplacement nets.
L'équité intergénérationnelle menacée?
Malgré quelques risques de perturbations, la pérennité financière de notre système de retraite est globalement assurée. Ramenée à la richesse produite chaque année par la France, la situation s’est stabilisée. La part des dépenses de retraite dans le PIB (13,8%), ne dérape pas significativement, quels que soient les scénarios économiques envisagés.
Nous pouvons en revanche avoir des inquiétudes au sujet de l’équité entre génération qui reste un des principaux objectifs des systèmes par répartition.
La croissance modeste et le fort taux de chômage des dernières années vont peser à retardement sur le niveau des pensions. Cela ne se voyait pas dans les statistiques jusqu'à présent, car l'amélioration des carrières féminines, se traduisant par de meilleures retraites, masquait cette dégradation. Les nouvelles générations connaîtront des cotisations plus élevées avec des taux de remplacement plus faibles. Dans une perspective de maintien de l’objectif d’équité intergénérationnelle, la prochaine réforme devra créer de nouvelles solidarités pour attribuer des points retraite pour des périodes d’inactivité ne donnant aucun revenu de remplacement.
Comments