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A quoi ressemblera le système de retraite de demain?

  • Lorenzo Lanteri
  • 12 mars 2018
  • 5 min de lecture


Derrière la formule "un Euro cotisé donne les mêmes droits pour tous » se cache un projet de transformation en profondeur l’architecture actuelle de notre de retraite. Changer le mode de calcul implique de revoir de fond en comble la construction parfois baroque de nos 37 caisses de retraite.



"Réduire l’écart entre les ambitions originelles

des pères fondateurs et la réalité

de la « dispersion » de nos régimes de retraite"



Selon l’étude lancé par le gouvernement, le système actuel est complexe, pose des problèmes de cohérence et de lisibilité pour les assurés et rend difficile un pilotage global du système.


Son architecture, avec une mosaïque de régimes différents et obligatoires est le reflet de l’histoire. Tel qu’imaginé par ses concepteurs, Alexandre Parodi et Pierre Laroque, le régime de retraite de la sécurité sociale devait accueillir, à terme, l’ensemble de la population active. Cet objectif figurait au sein même de l’ordonnance fondatrice de l’institution. Mais très vite, lors de la mise en œuvre du plan cette volonté suscita de fortes résistances de certaines catégories socioprofessionnelles, en particulier de la part des travailleurs non-salariés et des salariés des professions à statuts.


Cette hostilité a fait échec à l’unité de la sécurité sociale et son extension s’est faite dans la dispersion. En marge du régime général ont ainsi subsisté des régimes dits « spéciaux », propres à certaines catégories de salariés (mineurs, cheminots, personnels des industries électriques et gazières). Des régimes dits autonomes ont également été institués à destination des commerçants, des entrepreneurs individuels et des professions libérales. Enfin, le particularisme des professions agricoles a conduit également à l’émergence de régimes propres pour les salariés et les exploitants concernés.


En plus d’être dispersés ces différents régimes exprimaient des conceptions parfois différentes de la retraite (assurancielle, statutaire, patrimoniale).


Emmanuel Macron estime que les principaux problèmes ne sont pas d’ordre financier et qu’il importe avant tout de traiter les questions de lisibilité et d’équité en adoptant un système universel par points, le point ayant la même valeur pour tous les actifs. Plusieurs hypothèses sont possibles : le régime universel pourrait remplacer à la fois le régime de base et les régimes complémentaires ou se substituer au seul régime de base.






Option 1 : un rapprochement des règles des régimes de base



La première formule consisterait à utiliser la même technique de calcul pour tous les régimes de base dont les règles seraient ainsi alignées. Cette réforme maintiendrait la coexistence de deux étages base et complémentaire comme c’est le cas actuellement, seul le premier niveau serait uniformisé.


En effet, de nombreux régimes de base ont depuis quelques années alignés leurs règles sur celle de l’assurance vieillesse des salariés du privé. Dans le même temps, des politiques ambitieuses de coordination de l’ensemble des régimes de retraites ont été menées dans le cadre de ce qu’on appelle « l’interrégime».


Compte tenu de ce vaste mouvement de convergence, on pourrait maintenir l’architecture actuelle et faire converger simplement les règles de calcul des pensions dans les différents régimes de base (ou dans certains d’entre eux seulement) via le GIP union Retraite. Cette option, soulève néanmoins certaines questions : que faire pour les régimes, notamment de fonctionnaires, pour lesquels il n’existe pas de distinction entre régime de base et régime complémentaire ?


Dans le cas du passage en points de tous les régimes, l’ensemble des paramètres du calcul des pensions doivent-ils être identiques, par exemple, ou des différences peuvent-elles être justifiées ? Je pense notamment, aux différences de taux de cotisation entre indépendants et salariés.



Si elle apparaît plus simple sur le papier et plus rapide à mettre en place, cette option n’est pas sans présenter des inconvénients. En effet, on peut faire l’hypothèse que peu de régimes de base arriveraient à se doter d’une règle de calcul commune (régime général et régimes alignées), ce qui réduira considérablement la portée du caractère universel du futur régime.





Option 2 : un rapprochement entre régimes de base et régimes complémentaires



Pour ce qui concerne la seconde formule consistant à fusionner les régimes de base et les régimes complémentaires associés, elles pourrait être choisie, si les réformateurs estimaient que les conditions n’étaient pas réunies pour unifier les régimes de base du privé et de la fonction publique



La question d’un tel rapprochement pouvant être posée notamment dans le cas de la transformation du régime général en un régime en points (le régime unifié AGIRC et ARRCO étant déjà en points). En effet, cela conduirait à s’interroger sur l’existence de deux étages existants dans les régimes de retraites des salariés du privé.



Dans d’autres pays un double étage au niveau de la retraite se justifie pour deux raisons :



- Le besoin d’un étage supplémentaire facultatif par rapport au régime obligatoire qu’il s’agisse de dispositifs professionnels (PERCO) ou librement choisis à titre individuel. Les pays qui ont fait ce choix ont mis en place un régime de base solidaire qui fonctionne par répartition et un étage facultatif (professionnel ou individuel) qui repose sur la capitalisation. La France n’appartient pas à cette catégorie puisque les deux régimes de retraite (de base et complémentaire) sont obligatoires et reposent sur la répartition

- Autre argument susceptible de justifier les deux étages : la présence d’un premier niveau reposant sur la solidarité et la redistribution, et d’un second niveau qui seraient essentiellement contributifs. Le but du second étage étant de garantir des taux de remplacement plus élevés aux titulaires des revenus les plus importants. Or, en France, le régime de base comme le régime complémentaire associent solidarité aussi bien que contributivité.



Tenant compte de cette analyse, il ne peut donc y’ avoir de raisons justifiant le maintien des deux étages puisque tous la CNAV et le régime unifié AGIRC-ARRCO ont le même fonctionnement de base : ils sont obligatoires, reposent sur la répartition et ont une double vocation, redistributive et contributive.




Cette piste, cependant, n’est pas sans poser certaines difficultés. Au-delà de celle liés à la question du choix des paramètres communs du futur régime qui devront assurer contributivité et solidarité, se pose également la question de la gouvernance.


Quelle serait la gouvernance du nouvel ensemble ? Quel serait le rôle respectif des partenaires sociaux et de l’État dans la gestion et le pilotage du nouvel ensemble ? Si la fusion du double étage devait conduire à une étatisation de l’ensemble des régimes de retraite des salariés du privé, ceci serait une mauvaise chose.



L’Etat ne peut pas être l’unique inspirateur de la réforme des retraites et le seul responsable de la gestion du système. Le risque serait de soumettre ce système empreint des valeurs de solidarité et de vivre ensemble à la mise en œuvre quinquennale des programmes présidentiels.


Enfin fusionner les deux étages pour créer un régime universel unique des salariés du privé ne résoudrait pas l’ardente question de la retraite des travailleurs non-salariés dans un contexte où cette forme d’emploi est amenée à prendre une place plus importante dans nos sociétés.

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