Quel avenir pour l'épargne retraite?
- Lanteri Lorenzo
- 28 févr. 2018
- 7 min de lecture
A coté de la classique assurance-vie, il existe plusieurs placements spécifiques à la retraite. Si les français se déclarent inquiets pour l'avenir de leur système de retraite, ils n'en ajustent pas pour autant leur comportement d'épargne : seule une courte majorité déclare épargner dans cette perspective. Faut-il donc mettre en place une politique publique d'encouragement à l'épargne retraite en prenant le risque de généraliser la constitution d'un troisième étage de retraite par capitalisation?
Dans un contexte marqué par la future réforme de retraite et d’inquiétudes grandissantes des jeunes générations à l’égard de leur futur niveau de pension, nombreux sont ceux qui prônent un développement plus poussé de l'épargne-retraite. Le gouvernement souhaite justement donner davantage d'essor à ce type de produit dans le cadre de la future loi #Pacte.
Les projections montrent que le niveau de vie relatif des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population s’établirait entre 81 % et 95 % en 2070. Le système par répartition sera moins généreux à l’avenir car les taux de remplacement sont très sensibles à la conjoncture économique, à la croissance.
Cette « relative moindre générosité » du système de retraite sur les projections long-termes peut en effet pousser les français à se tourner du côté des produits de l’épargne retraite.
Le choix de l’épargne retraite se justifie car il permet de limiter la baisse à venir des pensions. De nombreux pays on fait le choix d’introduire un étage de retraite par capitalisation pour combler la baisse des pensions à venir dans les systèmes par répartition. Ainsi, la combinaison entre un système par répartition et un système par capitalisation, existe déjà dans certains pays comme en Suède où 10% du montant global est géré par capitalisation. En Allemagne, pour compenser la baisse à venir des pensions, ce sont plus de 15 millions de personnes qui détiennent une épargne retraite.
L’épargne retraite peut se définir comme l’épargne accumulée pendant la vie active afin de pouvoir faire face aux risques de longévité susceptible de subvenir en fin de vie. L’épargne retraite viserait à couvrir trois types de risques :
un risque de revenu lié à l’incapacité d’exercer une activité rémunérée à un âge élevé.
un risque de consommation pour s’assurer face à une hausse brusque des dépenses notamment médicales en entrant dans le grand âge.
enfin, les produits d’assurance retraite viseraient également à couvrir l’éventualité d’une double d’érosion du système public de retraite et de distension des solidarités familiales.
L’épargne retraite se distingue également des autres produits d’épargne par deux éléments clés : le blocage des sommes épargnés jusqu’au départ en retraite et la sortie sous forme de rente viagère.
En réalité, des sorties en capital sont possibles avant la date de départ en retraite, ce qui laisse penser que l’épargne retraite en France n’a pas de véritable définition.
L’épargne retraite telle qu'elle existe en France s’apparente davantage à une planification financière tout au long du cycle de vie, avec des phases de cumul et de décumul.
Le paysage de l'épargne-retraite en France
Les dispositifs de retraite supplémentaires se répartissent en deux types principaux : les contrats à cotisations définies et les contrats à prestation définies.
Dans les contrats à cotisations définies, le souscripteur s’engage sur un niveau de financement. Le montant de la pension n’est pas garanti mais fonction des cotisations effectivement versées. ). Ces contrats peuvent être souscrits à titre privé ou dans un cadre professionnel, individuellement ou collectivement. Dans ce dernier cas, les versements et primes sont déposés par l’entreprise sur un compte personnel au nom de chaque salarié. Les droits acquis sont conservés en cas de départ de l’entreprise.
En revanche, dans les contrats à prestation définies, l’entreprise ou la branche professionnelle s’engage sur un niveau de prestation à verser à ses anciens salariés. Le montant est déterminé à l’avance selon une formule de calcul dépendant des salaires des bénéficiaires. Les cotisations de l’entreprise sont déposées sur un fonds collectif de réserve, sur lequel le gestionnaire prélève les capitaux constitutifs de la rente versée au retraité. Ces régimes de retraites peuvent être différentiels ou aléatoires. S’ils sont différentiels, l’employeur s’engage à verser la différence entre le niveau de retraite garanti par le régime supplémentaire et le total des droits acquis par l’intéressé dans les autres régimes (de base, complémentaire et, éventuellement, autre régime supplémentaire à cotisations définies). En revanche, lorsque ces régimes sont dits "additifs", le montant de la rente est indépendant des autres pensions servies au retraité par les régimes obligatoires.
En matière d’épargne retraite, le marché est extrêmement dispersé, avec un empilement des dispositifs qui s’est construit au fil du temps :
les contrats Madelin pour les indépendants
les plans d’épargne retraite populaire (PERP) pour tous, en matière de retraite individuelle,
dans le cadre de l’entreprise, des régimes dits assuranciels (article 83) ainsi que l’épargne salariale avec le plan d’épargne retraite collectif (Perco), bien que ce dernier offre des possibilités de déblocage anticipé de l’épargne ou le versement d’un capital à l’échéance, qui l’éloigne du concept pur d’épargne retraite.
Tous ces dispositifs de retraites supplémentaires sont gérés en capitalisation par des sociétés d’assurances, des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des sociétés de gestion.
La France se distingue des autres pays par le caractère marginal de l’épargne retraite. De manière générale, nos régimes de retraite par répartition et obligatoires fournissent 98% des prestations et 96,2% des cotisations. La retraite ne constitue en effet pas le motif principal d’épargne-retraite des français.
La prédominance de l’Assurance-vie qui est souvent présentée comme un proche substitut de l’épargne retraite explique en grande partie le caractère marginal qu'occupe celle-ci.
En réalité, l'inconsistance de sa définition et la diversité de ses formes montrent qu'encore aujourd’hui l'épargne-retraite est le fruit de choix indécis en matiére de politique publique de l'assurance vieillesse.
De l'opportunité d'une politique publique de l'épargne-retraite?
Cette absence de véritable politique publique de l'épargne -retraite s'explique par la robustesse de notre modèle de retraite par répartition.
Techniquement "l'idée de faillite" du régime de retraite est un non-sens puisque la grande majorité des prestations est ajustée au fil de l'eau par les prélèvements sur les actifs et que le système est bien piloté sur le court, moyen et long termes.
Élaborer une vraie politique d’épargne retraite comme certains le souhaitent revient à se poser la question de sa qualité et de sa quantité en tenant compte du contexte. Tout dépend de la nature de la prochaine réforme des retraites !
Un nouvel ajustement paramétrique (allongement de la durée de cotisation) du système tendrait à accroître la nécessité de ces produits pour contrebalancer la future baisse de revenus des retraités.
En revanche, une réforme systémique permettrait de rebattre les cartes du financement des retraites et poserait de manière franche les contours que l’on souhaite donner à l’épargne retraite dans le futur régime.
Les avantages fiscaux adossés aux dispositifs d’épargne présentent actuellement un coût de 11,3 milliards d’euros. Cela pose donc clairement un problème d’arbitrage entre incitation à l’épargne retraite ou consolidation du système par répartition dans le cadre du futur système de retraite universel.
Pourtant malgré cette dépense fiscale annuelle d’une dizaine milliards euros, la France se distingue une fois de plus par la faiblesse des avantages fiscaux octroyés au développement des produits d’épargne retraite.
Selon l’OCDE, l’avantage fiscal des plans d’épargne retraite s’établit à environ 25% du total des montants cotisés en France, loin derrière le Royaume-Uni (34%) et les Pays-Bas (32%). Il n’y a rien d’étonnants à ces données pour un pays comme la France qui a un socle important et viable de retraite obligatoire par répartition. En effet, les systèmes de retraite obligatoire ont tendance à réduire le taux d’épargne des ménages de manière très marginale dans les pays où prédomine la répartition.
Du fait de leur dégressivité, les taux de remplacement en France sont les moins élevés pour les personnes les plus riches. Nous ne devons pas créer d’incitations fiscales supplémentaires ou créer une épargne retraite obligatoire pour développer la retraite supplémentaire.
Concernant, le caractère obligatoire de cette épargne, la France est déjà allée déjà trop loin dans ce sens. Elle est, avec l’Italie, le pays le plus collecteur de recettes pour la redistribution de la retraite, représentant 14% du PIB. Les pays qui ont entrepris des réformes pour introduire de la capitalisation se situent aujourd’hui à des niveaux de prélèvements pour la retraite autour de 10% du PIB. Concernant, les incitations fiscales sur ces produits, les 11, 3 milliards d’euros d’avantages fiscaux peuvent être alloués de façon plus intelligente.
Compte tenu de la législation actuelle, il n’y a pas d’obstacles à ce que les plus aisés s’orientent naturellement vers les produits de l’épargne retraite afin de pallier au caractère dégressif des taux de remplacement et augmenter leur produits retraite.
L'épargne retraite et le développement des nouvelles formes d'emploi
Seule question qui demeure compte tenu du fait que le statut d’indépendant augmente fortement le taux de détention d’un produit épargne retraite : que devons-nous faire compte tenu de la perspective d’augmentation de ce type de travail ?
Les nouveaux profils d’indépendants peuvent être sujets à une « myopie » économique qui les conduit à privilégier la consommation immédiate par rapport à l’épargne. Contrairement aux autres formes de travail indépendant plus traditionnelles (commerçants, médecins libéraux, chauffeurs de taxi), les nouveaux profils n’immobilisent pas tout au long de leur carrière un actif tel qu’un fonds de commerce ou une licence de taxi. Pour protéger ces nouveaux indépendants contre leur imprévoyance nous devons mettre en place une politique publique de l’épargne retraite à destination de ces profils.
Faute de prévoir des modalités d’encouragement à l’épargne individuelle, l’arrivée à l’âge de la retraite de cette population pourrait révéler des difficultés économiques inédites.
Une première mesure serait de simplifier le marché de l’épargne retraite. Tous les produits existants devraient converger pour prévoir une meilleure transférabilité, en cas de changement d’employeur et de statut. La loi pacte prévoit justement que le PERP, le contrat Madelin, le PERCO et les retraites d’entreprises présentent des caractéristiques communes.
Il faudra également prévoir la généralisation de la transférabilité des droits de retraite supplémentaire d’un contrat « article 83 » (de salariés) vers un contrat Madelin (de non-salariés) et inversement. Il serait souhaitable de coupler cette transférabilité avec un dispositif de calcul de la future retraite sur le modèle de ce qui a été fait sur l’Info retraite pour les régimes de bases et complémentaires. Le Compte personnel d’activité (CPA) pourrait être utilisé comme lieu de stockage de différentes droites retraites accumulées (base, complémentaire supplémentaire) au cours de la vie professionnelle. Il favoriserait le décloisonnement entre salarié et indépendant et accroîtrait ainsi la liberté de choix au moment de la retraite.
Ensuite, les travailleurs indépendants les plus modestes pourraient bénéficier d’un régime dérogatoire qui leur permettrait d’obtenir le montant maximal de la prime en ne souscrivant que le minimum obligatoire (60 €/an) pour souscrire à un plan d’épargne retraite individuel sur le modèle de ce qui se pratique déjà avec le Riester allemand (dispositif d’épargne retraite individuelle abondé en partie par l’Etat).
Ces mesures entraîneraient une massification des flux d’épargne des nouveaux indépendants qui pourraient être tournée vers l’investissement dans l’économie numérique. La France est en train de perdre la bataille face à des Etats-Unis dont les fonds de pension consacrent 5% de leurs investissements vers des starts up prometteuses.



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