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Retraite : ajustements, refonte ou statut quo ?

  • Lanteri Lorenzo
  • 21 sept. 2017
  • 9 min de lecture



Le 20 juin dernier, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) adoptait son quatrième rapport annuel qui révélait que l’amélioration de la situation financière du système de retraite français devrait être plus lente que ce qui était prévu lors de l’exercice précédent.





Les projections du COR servent de base aux préconisations du Comité de Suivi des Retraites (CSR).


En effet, la loi du 20 janvier 2014 a vu la création d’un outil de pilotage, le CSR, dont le rôle n’est pas à proprement parler celui rempli par le Conseil d’orientation des retraites (COR) qui donne des prévisions d’évolution des régimes en fonction de différents paramètres macro-économique. Le COR met des données sur la table mais il n'est pas chargé de tirer la sonnette d'alarme en cas de déséquilibres financiers. En effet, les partenaires sociaux ne veulent pas que cette instance émettent des recommandations. Ils privilégient le dialogue avec le gouvernement sur les questions de pilotage financiers. De l'autre coté, les politiques ont une réticence naturelle à toucher au régime de retraite, notamment lorsqu'ils ont déjà fait une réforme. De cette situation est venu la nécéssité de constituer un corps d'experts chargé d'émettre des pistes de réforme lorsque le système de retraite s'écarte de ces objectifs.


Le Comité de Suivi des Retraites (le CSR) est donc amené à émettre des recommandations lorsqu’il estime que le système de retraite s’éloigne des grands objectifs qui lui sont assignés. Ces derniers sont au nombre de quatre : la pérennité financière, le montant des pensions, l’équité entre assurés et l’équité entre les sexes.


Jusqu’à présent le Comité de suivi de retraites (CSR) avait conclu que les grands objectifs du système de retraite étaient respectés et, n’avait par conséquent émis aucune recommandation. Le CSR avait simplement alerté sur la trop grande sensibilité des taux de remplacement à la croissance et sur le manque de lisibilité et de transparence des règles entre les régimes.


Devant la perspective de dégradation du solde des régimes de retraite, le CSR a pour la première fois émis une série de recommandations qu’il nous convient d’analyser. Auparavant, il nous faut nous pencher sur la méthodologie choisie du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) et ses impacts sur les projections.






Une dégradation du solde des régimes de retraite





Le Comité de Suivi des Retraites rappelle justement que les nouvelles projections du COR ont intégrées de nouvelles hypothèses qui sont susceptibles d'empirer substantiellement les projections précédentes. Elles sont au nombre de quatre :


- L’intégration des nouvelles prévisions démographiques de l’INSEE : Après avoir longtemps stagné, l’espérance de vie masculine augmente et cela n’est pas sans conséquence sur l’équilibre financier des régimes de retraite car les personnes vivent plus longtemps en retraite et touchent plus longtemps leurs pensions.


- Les dernières prévisions de croissance du gouvernement : celles-ci avaient été révisées à la baisse dans le cadre du programme de stabilité élaboré en avril 2017.


- Une hypothèse fonction publique intégrant les prévisions d’évolution des rémunérations de la fonction publique.


- Une hypothèse évolution réglementaire retraite (montée en charge du compte personnel de prévention).


Dans son avis le CSR tend à relativiser la dégradation du solde des régimes de retraites compte tenu de la portée de certaines hypothèses du COR. Parmi, les hypothèses qu'il faut relativiser figure en premier lieu les enjeux de raccordement des prévisions avec le Programme de stabilité



Sans rentrer dans les détails analytiques qui sont présentés dans le rapport, le CSR rappelle que les hypothèses du COR ne sont pas glissantes d’une année sur l’autre, ce qui créé des décalages avec les périodes de raccordement et intensifie la dégradation de certaines projections.


C’est ce qui s’est passé cette année, le premier changement technique est l’allongement de la longueur de la période de « raccordement » entre les prévisions du programme de stabilité (en début de période) et les différents scénarios économiques retenus. L’absence de projections « glissantes » , d’une année sur l’autre, a en effet conduit dans le rapport du COR cette année à décaler sensiblement les dates de raccordement. Cet allongement a des effets importants sur les trajectoires de chômage et de productivité. Suite à ces remarques, le COR a d’ailleurs prévu, d’examiner la possibilité de projections glissantes pour les prochaines années.



Un deuxième élément à relativiser est la conséquence du gel du point d’indice des fonctionnaires à sur l'équilibre global du régime de retraite


Alors que les hypothèses des projections 2016 de la fonction publique se fondaient majoritairement sur les données datant de 2012, celles de 2017 intègrent les années 2013, 2014, 2015 qui ont été marquées par le gel du point d’indice de la fonction publique. Or la variation de la part de la fonction publique dans la masse salariale totale a des conséquences importantes sur les ressources du système telles que projetées par le COR.


Pour le dire autrement, la dégradation du solde, pour le système de retraite, serait ainsi, en partie, la contrepartie d’économies budgétaires sur le champs de la fonction publique. Or cette politique de rigueur salariale est source de baisse des dépenses publiques redéployables vers le financement des retraites.



Occasion de rappeler que l’on doit mieux mesurer les impacts ou effets déversements de certaines politiques publiques pour mieux appréhender les impacts globaux et collatéraux des mesures à court, moyen, long terme.




Si le comme nous l’avons vu, le CSR tend à relativiser la dégradation du solde des régimes de retraites compte tenu de certaines hypothèses du COR, d’autres éléments sont plus préjudiciables et amènent des recommandations.


- La réduction du solde migratoire : l’INSEE a révisé à la baisse le solde migratoire celui-ci serait de +70 000 par an au lieu de +100 000 précédemment. Les mobilités se sont globalement accrues, mais les sorties du territoire français ont été plus importantes que les entrées, si bien que le solde migratoire a diminué. La baisse du solde migratoire minore la croissance de la population en âge de travailler et pèse sur la croissance du PIB avant 2030, ce qui dégrade le ratio des dépenses rapportées au PIB. Cette baisse du solde migratoire dégrade de 0,3 point le solde des régimes de retraite à court-terme. Sur le long-terme, les effets du solde migratoire sont neutralisés et c’est l’augmentation de l’espérance de vie qui prend le relais dans la dégradation du solde.


- L'augmentation de l’espérance de vie :L’INSEE table sur une révision à la hausse de l’espérance de vie, notamment des hommes (allongement de 1,7 an en 2060 de l’espérance de vie à 60 ans par rapport aux précédentes prévisions), ce qui implique plus de prestations retraite à verser dans la durée. L’augmentation de l’espérance de vie pèse pour 0,3 point à compter de 2040 et 0,6 point au-delà de 2050 sur le solde de nos régimes de retraite.



Ces derniers éléments ont donc amené le CSR à prendre pour la première fois, depuis quatre ans, de nouvelles recommandations :






De nouveaux ajustements paramétriques



Le CSR suggère d'instaurer des mesures paramétriques pour retrouver une trajectoire d’équilibre. Il préconise à court terme, des mesures de pilotage financier pour freiner la dégradation du solde annoncée.


Il propose de sous-indexer les pensions dans la mesure où cela permettrait des économies assez rapides qui se répercuteraient sur les années suivantes. Le CSR reconnait néanmoins que cette mesure pourrait cependant poser des difficultés d’acceptation au moment de la hausse de la CSG.



On peut se permettre de relever une contradiction sur ce point dans l’avis du CSR. Ce dernier ne cesse d’affirmer que notre système de retraite souffre d’un problème de confiance au sein de la population. Les reports de la revalorisation annuelle des retraites manifeste un problème de déficit démocratique. Cette mesure présentée chaque fois comme « exceptionnelle » et transitoire a été utilisé deux fois, dans le précédent quinquennat à des fins différentes.


Une première fois dans le but d’équilibrer les régimes de retraite et une seconde fois dans le but de compenser les exonérations de cotisation sociale. Le flou qui entoure ces gels successifs tend à banaliser une pratique exceptionnelle sans pour autant lever l’opacité qui règne autour ces meures.


Des mesures alternatives: l'utilisation du Fonds de réserve des retraites (FRR)



A plus long-termes, le CSR propose d’allonger la durée de cotisation ou de relever l’âge d’ouverture des droits à la retraite



Le CSR estime que la dégradation du solde causée par l’allongement de l’espérance de vie pourrait dans une perspective de moyen ou long terme justifier des mesures visant à rétablir l’équité entre générations au regard de la durée de retraite relative à la durée de vie totale. Ceci impliquerait une augmentation de la durée de cotisation ou de l’âge de départ à la retraite.



Le CSR précise que cette perspective n’apparait toutefois pas urgente d’autant que les augmentations de l’âge de départ à la retraite peuvent avoir des effets transitoires sensibles sur le taux de chômage des seniors. D’autres part, les perspectives d’amélioration du taux d’activité peuvent grandement changer dans les prochaines années, Le président de la République n’est donc pas tenu de prendre des mesures de ce type avant de lancer le grand chantier de sa réforme structurelle de notre régime de retraite.



Il serait plus opportun d’envisager les leviers alternatifs suggérés par le Comité de Suivi des Retraites



Figure en premier lieu, l'étude les modalités d’améliorations du taux d’emploi des seniors. Le taux d’emploi des seniors a fortement augmenté ces quinze dernières années. Il est passé pour les 55-64 ans de 37,9 % en début de 2008 à 50 % à la fin de 2015. Cela est dû à la réforme des retraites d’une part (recul de l’âge légal de départ en retraite), hausse de la durée de cotisation, quasi suppression des préretraites à financement public, fin du dispositif de dispense de recherche d’emploi de l’assurance-chômage. Malgré cette augmentation, le taux d’emploi des séniors est inférieur de 7 points à la moyenne des pays de l’OCDE car il reste anormalement « bas » pour la tranche des 60-65 ans.



On se dirige donc vers une tendance à l’augmentation des chômeurs âgés, augmentation principalement due au relèvement de la durée d’assurance et des âges seuils en particulier parmi les 60-64 ans et parmi les 65-69 ans. Elément encore plus préoccupant, on observe, une segmentation croissante chez les seniors entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas rester en emploi.


La réforme de 2010 n’a donc pas ramené vers l’emploi les individus déjà en marge du marché du travail mais renforcé la tendance à maintenir dans l’emploi ceux qui y étaient déjà.



Une élévation du taux d’emploi des seniors particulièrement sur la seconde tranche d'age (60-65 ans) augmenterait la croissance et générerait des ressources supplémentaires pour les régimes de retraite.


Le CSR dans son avis précise d’ailleurs « qu il serait utile d’examiner avec les administrations compétentes et les partenaires sociaux les mesures qui pourraient être prises dans ce sens et sans nécessiter nécessairement des mesures coûteuses ».


Il existe en effet, en Europe plusieurs leviers d’augmentation du taux d’emploi des seniors. L’OCDE rappelle à juste titre que l’emploi effectif des seniors n’est pas uniquement garanti par le durcissement des conditions d’accès à la retraite anticipée, le relèvement de l’âge de la retraite, ou l’allongement des durées d’assurance mais également par des actions de la part des employeurs.


La possibilité d’aménagement des temps de travail, de la nature des taches et l’octroi de formation constituent des facteurs importants de maintien dans l’emploi. Enfin, la pénibilité engendre l’exclusion du monde du travail, notamment chez les ouvriers les plus âgés, le gouvernement aurait mieux fait d'en tenir davantage compte dans son récent projet d’ordonnance.



En deuxième lieu, le CSR note que la période actuelle est propice à l’utilisation du Fonds de Réserve des Retraites



Rappelons que le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) en 1999 a été créée et abondé dans le but de mieux répartir dans le temps et entre les générations les efforts financiers nécessaires pour assurer la pérennité des régimes bénéficiaires. En d’autres termes, les ressources du FRR peuvent servir à franchir « la bosse géographique » des papy-boomers.


Le FRR dispose de 36 Mds€ de réserves, soit 1,7 % du de PIB. Il verse tous les ans 2,1 Mds€ à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) pour contribuer au remboursement de la dette sociale.


A l’horizon de 2024, une fois la dette sociale amortie, le FRR devrait encore disposer de réserves s’élevant à 19 Mds€, dont l’usage n’est pas défini à ce jour.


Sur ce point, je rejoins les conclusions du CSR en appelant à une réflexion approfondie sur le devenir et l’utilisation du FRR. D’autant plus que le Président de la République souhaite une réforme systémique qui vise à instaurer un système proche des comptes notionnels. Or dans ce type de régime la condition d’équilibre par génération contraint les différents paramètres du régime qui ne peuvent être ajustés librement au fil de l’eau.


Cette contrainte appelle donc à l’utilisation du FRR pour rééquilibrer temporairement le régime au moment du basculement d’un système par annuité à un système en compte notionnels. Ce Fonds de Réserve pour les Retraites dispose de suffisamment de ressource pour « aider à passer la bosse démographique » source des futurs déséquilibres de notre système de retraite.






Le plus dur est derrière nous



Le constat du Président de la République ne doit pas changer en ce qui concerne les retraites malgré les nouvelles projections du COR.


Le problème n’est plus d’ordre financier. Le système est plus solide que ne le pensent nos concitoyens, c’est pour cela que la prochaine réforme sera celle de la confiance et de la lisibilité. Plane en permanence la crainte que le dispositif doive être réformé et que le montant des pensions va se dégrader, il faut donc privilégier une réforme systémique aux multiples ajustements paramétriques.


Enfin, pour éviter de semer la confusion chez nos concitoyens, il serait opportun que le COR minore l’importance du solde dans ses projections. Ce dernier tient compte des recettes qui elles-mêmes dépendent de la logique conventionnelle adopté par le COR. Dans ces prochaines projections, le COR privilégiera des projections davantage basées sur la part des dépenses de retraite dans le PIB. Ce dernier paramètre apparaît plus déterminant dans le pilotage financier de notre système de retraite et évite les utilisations hâtives qui en sont faites par les médias, distillant l’idée chez nos concitoyens que notre système de retraite n’est pas viable.


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