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Bascule cotisations-CSG : Comment Macron change notre paradigme de protection sociale...

  • Lanteri Lorenzo
  • 12 sept. 2017
  • 8 min de lecture

Le gouvernement prévoit d’augmenter la Contribution Sociale Généralisée (CSG) pour financer une baisse des cotisations sociales maladie et chômage. Plus qu'un changement d'écriture sur la feuille de paie, une protection sociale universelle financée principalement par la CSG est un bouleversement historique dont il faut mesurer les conséquences.





Emblème de la fiscalisation du financement de la sécurité sociale, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) a été instituée par la loi de finances pour 1991 du 16 novembre 1990.



L’idée d’une contribution de nature fiscale frappant tous les revenus permettait de répondre aux inconvénients des cotisations classiques assises sur les seuls salaires et dont le rendement est directement lié à la situation de l’emploi mais aussi aux voix qui commençaient à s’élever contre le financement exclusivement professionnel d’un système qui avait de plus en plus vocation à couvrir des risques sans aucun lien avec les revenus du travail. La CSG a ainsi pour finalité la mise en œuvre du principe de solidarité générale sans idée de contrepartie.



On parle généralement de CSG au singulier par souci de simplicité. En réalité sous l’intitulé « institution d’une contribution sociale généralisée » la CSG recouvre aujourd’hui cinq contributions distinctes

- la CSG sur les revenus d’activité

- la CSG sur les revenus de remplacement

-la CSG sur les revenus du patrimoine

-la CSG sur les revenus de placement

-la CSG sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion de jeux (Loi du 27 décembre 1996).

La CSG a progressivement pris une part de plus en plus importante dans le financement de notre protection sociale. Initialement destinée au financement de la branche famille, la mise en place de la CSG a, dès le départ, eu des répercussions sur le financement des autres branches. Depuis lors, cet outil dont l’assiette a été élargie a été sollicité à plusieurs reprises pour se substituer aux cotisations salariales ou accroître, par le biais d’augmentations successives, les ressources des branches ou fonds concourant au financement de la protection sociale.



Aux origines de la CSG maladie




Pour ce qui est de la CSG maladie est répartie entre les régimes selon un mécanisme complexe dont l’origine est liée au basculement intervenu en 1998 entre les cotisations salariales maladie et cette contribution. Les modalités actuelles de répartition de la CSG résultent de la loi de finances de sécurité sociale de 2010 qui a modifié la répartition de ressources entre les régimes obligatoires d'assurance maladie dispositions. Depuis, les montants de CSG affectés aux régimes d’assurance maladie sont réévalués chaque année en fonction de l’évolution de l’assiette (tous régimes) de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement entre les deux derniers exercices connus. Aujourd’hui, le produit issu de la CSG représente 35% des recettes de l’Assurance-maladie contre 44% de cotisation effective.


Les estimations montrent que la dépense publique de santé devrait augmenter en 2050 de 2,5 points de PIB. Le recours à d'autres formes de financement que celle assise sur le travail est donc nécessaire.


De l’ensemble des rapports qui traitent de la question du financement de la sécurité sociale, on déduit qu’il n’existe pas d’assiette miracle c'est-à-dire d’assiette à la fois large dynamique et croissant à un rythme supérieur à celui de la richesse nationale ou même la masse salariale.


Chacune des pistes étudiées de la TVA sociale à la fiscalité comportementale en passant par la contribution sur la valeur ajoutée (CVA) – pose au moins autant de problèmes que de solutions.


L’abandon de chacune de ces « fausses bonnes » solutions conduit à les experts de la protection sociale à s’interroger sur l’opportunité de recourir à la CSG qui peut être considérée comme la moins mauvaise dans le panel des solutions. Faut-il alors avoir recours à une nouvelle augmentation de la CSG pour répondre aux besoins de financement de notre système de protection sociale et plus particulièrement à ceux de notre système d’assurance maladie ? Quelles sont les possibilités qui s’offrent à nous et qui ont été mis en avant par la réforme Macron ?


L’idée d’ajuster proportionnellement la CSG pour couvrir le supplément de dépense de santé a fait son chemin au sein des universitaires (travaux de Lionel Ragot et Xavier Chojnicki pour la Chaire TDTE) et des instances réflexions (France Stratégie).





La réforme Macron : explications

La mesure proposée dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron et dont l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 a été confirmée par le Premier ministre Édouard Philippe lors de son discours de politique générale du 4 juillet 2017, consiste en la suppression des cotisations salariées maladie et chômage pour les salariés du secteur privé (3,15 points = cotisations chômage 2,4 % + maladie 0,75 %) financée par une hausse de 1,7 point de la CSG, « qui ne touchera pas les retraités modestes (ceux exonérés de CSG ou soumis à la CSG à taux réduit, c'est-à-dire 40 % environ des retraités) ni les indemnités chômage, mais concernera en revanche les revenus du capital ».


Il est indiqué dans le programme présidentiel qu'une « mesure équivalente dégagera également du pouvoir d'achat pour les fonctionnaires et les indépendants » et que la réforme devrait être neutre pour les finances publiques.


Néanmoins et selon les évaluations de l’OFCE, cette mesure engendrait en réalité un coût pour les budgétaire. En effet, une hausse de la CSG de 1,7 % engendrerait une hausse des recettes fiscales de l'ordre de 20,7 milliards d'euros.


La baisse de cotisations proposées pour les salariés dépendants du régime général devrait quant à elle entraînerait une baisse des recettes de l'ordre de 18,3 milliards d'euros.


Si une compensation de l'ordre de 3,15 % des revenus bruts devait être versée aux fonctionnaires et aux indépendants, il faudrait ajouter 6,6 milliards d'euros aux 18,3 milliards d'euros de compensation précédents.


Cette mesure engendrerait donc un coût budgétaire final de l'ordre 4,2 milliards d'euros ce qui n’est donc pas neutre pour les finances publiques.


Les récentes annonces gouvernementales semblent abandonner l'idée de verser quelques formes de compensation à destination des fonctionnaires. La réforme pourrait donc être finalement neutre financièrement mais politiquement difficile à accepter de la part de la fonction publique.


Une meilleure option de réforme existait!



Une meilleure option de réforme existe pour mieux prendre en compte les précaires et les jeunes, proche de celle d’Emmanuel Macron, elle n’en est pas moins différente.



La santé en question est au cœur d’un processus de redistribution pris sous trois angles :


- la redistribution horizontale, des bien-portants vers les malades ;

- la redistribution verticale, des ménages aisés vers les ménages les plus pauvres ;

- la redistribution intergénérationelle , des actifs vers les inactifs.



La prochaine réforme du financement de l’Assurance-maladie aurait du tenir compte de l’évolution du poids démographique des trois grandes catégories d’âges que sont les jeunes de 20 à 30 ans, les actifs de 30 ans jusqu’à l’âge de la retraite et les retraités, une catégorie qui passe d’un quart de la population française en 2015 à un tiers en 2050.

Or, le montant de la contribution à la branche santé des retraités est, en 2015, d’un peu plus de 7%, alors que celui des actifs, soit 60% de la population, atteint 80%. Cette forme d’iniquité est destinée à croître avec un nombre de retraités toujours plus important.



A l’instar de ce que le gouvernement met en place, la bonne réforme combinerait le basculement des cotisations santé et chômage sur la CSG et son l’alignement des taux de contribution des retraités sur celles des actifs.

Néanmoins, elle s’en différencie car y ajouterai la suppression de la CSG pour les moins de 30 ans et pour les 40 de retraités les plus modestes.

Le coût de l’exonération de CSG pour les moins de 30 ans peut être évalué à environ 4 milliards d’euros si elle était appliquée par exemple en deçà du salaire médian (environ 1.460 euros nets) dans cette catégorie d’âge. Une partie de son coût pourrait être couvert par un l’alignement du taux de CSG normal portant sur les pensions de retraite (actuellement fixé à 6,6%) sur celui des actifs à 9,2% au lieu des 8,3% prévu par le gouvernement. Le produit attendu de cet alignement serait largement suffisant pour financer cette mesure.

Dans cette option réforme, la contribution (collective et individuelle) des actifs et des retraités serait augmenté tout en diminuant celles des jeunes. Si on tient compte du mode de financement de la dépense de santé, la réforme est celle qui procurera le bien-être maximum à partir des générations nées dans les années 90 et qui sont faiblement et moyennement qualifiées.

L’alignement de la CSG des retraités sur celles des actifs va dans le sens de ce processus d’universalisation du financement. La contribution des retraités est à peu près 4 fois inférieure à leur part dans la population et leur niveau de vie reste supérieur à celui des actifs.


Or, c’est bien là la question : Si tendanciellement la dépense semble ne pas exploser, l’inquiétude reste sur le mode de financement compte tenue de l’évolution de la structure démographique de notre pays dans les années à venir.





Le "tout CSG" : quelles implications ?



Beaucoup déplorent que ce mode de financement par la CSG ne remette définitivement en cause la nature assurantielle de la branche maladie.


Recourir à la CSG pour financer l’assurance maladie peut apparaître discutable. N’est-ce pas là peut-être déresponsabiliser les entreprises ?


Faut-il imaginer une contrepartie avec la complémentaire d’entreprise ? Le financement une fois revu du risque maladie par la CSG se posera une autre question liée à la démocratie sociale et à la représentation paritaire au sein de la CNAMTS.



Si l’essentiel du financement passe des cotisations sociales à un élargissement de la CSG, qu’en est-il de la représentation dans les Caisses ? Faut-il que les usagers soient mieux représentés ?



Si on regarde les réformes qui ont conduit à l’universalisation progressive de l’Assurance -maladie on est en droit de penser que l’on a quitté depuis longtemps un système contributif, c’est-à-dire que l’on ne met plus en relation les efforts contributifs des personnes et des catégories d’âge avec ce qu’elles pèsent dans la dépense finale.


Les régimes maladie et famille sont devenus des régimes universels où l’ouverture des droits est déconnectée du versement des prestations. Depuis plus d’un an l’Assurance maladie est devenue universelle. Avec la création de la Protection universelle maladie (PUMA), nous sommes passés du critère « d’activité » au critère « de résidence stable et régulière ».



Nous passons en effet d’une protection sociale pensée sur des bases professionnelles à une protection sociale sur des bases universelles. Ces changements sont l’aboutissement d’un processus à l’œuvre depuis de longues années et qui a débuté avec la création de la couverture maladie universelle en 1999. Il n’y a donc pas d’obstacle à élargir à tous la contribution à ces régimes conforme à une logique universelle.


Il est donc opportun de privilégier un financement assis sur l’assiette la plus large possible. La CSG me semble l’instrument le plus légitime pour prendre en compte les parcours de vie et financer durablement et efficacement le système de santé.



La réforme sur la structure du financement de la branche maladie ne suffira pas à contenir les déficits, il est également urgent de trouver un nouveau pilotage des dépenses et de moderniser, numériser le système de santé car, en la matière, la France accuse un retard très important par rapport à la plupart de ses voisins.


Autre mise en garde, les récentes annonces en faveur des indépendants (baisse des cotisations famille et maladie, doublement des plafonds du régime micro-social) risquent d’aggraver les déséquilibres des comptes sociaux de la Sécurité Sociale. Moins de recettes et plus de dépenses sont à venir.


Le régime social des indépendants est déjà gravement déficitaire : ce sont en fait les cotisations payées par les salariés qui financent quasiment la moitié des prestations reçues par les indépendants.



Espérons donc que dans l’esprit du gouvernement, l'abandon du principe contributif (fin des cotisations sociales remplacé par de la CSG) ne préfigure pas l’avénement d’un modèle d'inspiration britannique où domine la forfaitisation des prestations de protection sociale (socle minimum de protection ciblé).




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