La fin du RSI, véritable source d’amélioration pour les indépendants ?
- Lorenzo lanteri
- 19 juil. 2017
- 4 min de lecture
Le Premier ministre a confirmé devant les députés le 4 juillet dernier vouloir adosser le Régime social des Indépendants (RSI) au régime général. Contrairement aux indépendants d’antan, commerçants ou professions libérales, les nouveaux indépendants sont souvent d’anciens salariés qui aspirent à plus de protection sociale. Il est donc important de renforcer de sécuriser leurs parcours en d’imaginant de nouvelles formes de droits.
Le développement des nouvelles formes d’emplois issues de l’économie numérique et surtout leur extrême médiatisation au regard de la réalité de leur poids relatif dans l’emploi en général ont contribué à accélérer le mouvement de transformation de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Les questions soulevées par ces nouvelles formes d’emplois ne sont d’ailleurs pas fondamentalement nouvelles. Les questions liées au sujet de la dépendance économique dans une relation triangulaire (travailleur non salarié/donneur d’ordre/client), et aux frontières entre activité à domicile et activité professionnelle avaient été posées il y a bien longtemps, particulièrement pour les travailleurs agricoles.
"Les questions soulevées par
ces nouvelles formes d’emplois
ne sont d’ailleurs pas
fondamentalement nouvelles."
Notre système de sécurité sociale français s’est toujours intéressé de près aux questions des seuils d’affiliation: à partir de quel montant une activité est définie comme domestique ou professionnelle ? À partir de quelle durée une activité entre-t-elle dans une logique professionnelle ? Ces questions ont toujours émaillé l’histoire de notre protection sociale au fur et à mesure qu’apparaissaient des nouvelles formes d’activités telles que les saisonniers, les activités de service à la personne etc.
Contrairement à l’idée commune qui est souvent relayée par les éditorialistes des grands quotidiens, nous ne vivons pas « la fin du salariat ». La part de l’emploi non-salarié dans l’emploi total est passée de 20,8% en 1970 à 10,6% en 2014 et la légère recrudescence que nous observons ces dernières années est due au développement de l’auto-entreprenariat qui est avant tout le fruit de la crise.
Autre marotte contemporaine : l’idée que la nouvelle génération Y ou X, peu importe son dénominatif, serait plus encline à désirer s’émanciper des liens de subordination hiérarchiques propre au salariat pour aller vers des formes plus autonomes d’activité. Nos voisins anglais et allemands connaissent certes une augmentation du travail indépendant mais c’est avant-tout le fruit des choix de politiques sur le marché du travail qui ont été opérés depuis une dizaine d’années. En réalité, ce qui est à l’œuvre dans ces pays correspond davantage à des formes de flexibilisation de salariat plutôt qu’à l’émergence de nouvelles vocations au sein des nouvelles générations.
"En réalité, ce qui est à l’œuvre
dans ces pays correspond davantage
à des formes de flexibilisation de salariat..."
Rien n’est moins vrai, la jeune génération de médecins aspire à s’installer en groupe ou dans une structure avec des modes de rémunération qui allient paiement à l’acte et une dose de salariat. Le salariat est en progression chez les avocats avec le système des avocats en entreprise. Les représentants des travailleurs de plateformes collaboratives ont manifesté des aspirations à une requalification en salarié. Enfin, l’exercice d’un travail salarié au-delà des garanties de sécurisation et de prévisibilité qu’il assure, reste encore la principale instance de socialisation avec la cellule familiale.
Le seul véritable essor que nous pouvons relever est celui lié à la multiplication des situations de poly-affiliations au cours de la vie professionnelle. Nous ne vivons plus de carrière linéaire au sein d’une même entreprise, d’un même secteur ou d’un même statut. Une même personne peut exercer plusieurs types d’activités professionnelles au cours de sa vie ou même d’une année, relevant ainsi de différents statuts. En réalité, c’est bien le développement de ce type de situation de poly-affiliation qui soulève des questions nouvelles et appelle à des adaptations des règles de protection sociale.
En ce qui concerne l’architecture de la protection sociale des non-salariés rappelons que nous sommes depuis une trentaine d’année dans un processus profond d’harmonisation et de rapprochement des droits.
Le risque famille est complètement universalisé et unifié depuis 1978, et la protection de base des frais de santé vient de parachever son mouvement d’universalisation avec la mise en œuvre de la Protection universelle maladie (PUMA) en 2016. En revanche, le processus d’universalisation du risque santé ne concerne ni les prestations maladie en espèces (prestations destinées à compenser la perte d’un revenu suite à un arrêt de travail telles que les indemnités journalières) ni les couvertures complémentaires de santé.
En matière de vieillesse, l’harmonisation s’est effectuée au travers de l’alignement des droits et des règles de calcul de la pension entre régime général, régime agricole et régime des indépendants.
Le monde des indépendants est dominé par des dispositifs assurantiels individuels et facultatifs, (contrats Madelin, garantie « perte de collaboration » pour les avocats) qui offrent à des travailleurs indépendants une couverture complémentaire pour plusieurs risques (prévoyance, retraite, santé, risque de perte d’emploi).
"le système assurantiel privé
prend mal en compte
les difficultés que
rencontrent les indépendants"
Le problème de ce genre de système assurantiel privé est qu’il prend mal en compte les difficultés que rencontrent les indépendants disposant de faibles rémunérations or ce sont eux qui sont le plus exposées aux risques sociaux de perte de revenu. Un système de protection sociale publique des travailleurs indépendants économiquement fragiles pourrait permettre de remédier à cette carence.
En matière de prélèvements sociaux la situation des travailleurs indépendants s’avère également injuste. L’absence d’exonération sur les bas niveaux de revenus conduit à une forme de sur-contribution relative des indépendants et autoentrepreneurs.
Il serait donc opportun d’asseoir la base de calcul des cotisations non pas sur la totalité des bénéfices, comme c’est le cas aujourd’hui pour les 50% d’entrepreneurs affiliés au RSI en nom propre mais sur le revenu réel.
La question qui demeure est celle de savoir si l'intégration du RSI au régime généra suffira t-elle a combler les attentes de cette population? La réponse est non! Un changement d'architecture ne suffira pas à colmater le mécontentement et les difficultés que rencontrent les indépendants et autoentrepreneurs en matière de modalités et de niveau de financement de leur protection sociale ainsi que toutes les questions de lisibilité afférentes à leurs droits.







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