Pourquoi Macron veut-il refonder le système de retraite?
- Lanteri Lorenzo
- 19 juin 2017
- 6 min de lecture
Le Président de la République part d’un constat simple en ce qui concerne les retraites : le problème n’est plus d’ordre financier. Il reprend ainsi à son compte le constat du Comité de suivi des retraites, qui considère que le système est plus solide que ne le pensent nos concitoyens. La difficulté tient à la défiance qu’inspirent nos multiples régimes : l’opacité des règles, les inégalités de traitement des différents actifs qui ont occupé différents statuts ou accompli des parcours heurtés.
Depuis 1993, les réformes des retraites ont progressivement glissé du quantitatifs à l’équité. La question de la lisibilité est elle restée en suspend. Si la France s’est financièrement réconciliée avec sa démographie - en actant les conséquences du vieillissement- les différentes réformes n’ont toujours pas rétablie la confiance dans le système de retraite.
Dés lors, le nouveau Président de la République veut mettre fin à la multiplicité des régimes de retraite et créer un système unique avec les mêmes règles pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut. L’objectif est de remédier à la complexité du système actuel, et aux inégalités qu’il génère au niveau des âges de départ à la retraite et sur du montant des pensions. Outre la création d’un système universel de retraite, Emmanuel Macron se distingue surtout en proposant la mise en œuvre d’un système de retraite proche du système « par points », où un euro cotisé ouvrirait les mêmes droits à tous.
Une concertation est prévue début 2018 sur ce sujet. C’est un chantier titanesque qui prendra plusieurs années, Emmanuel macron explique lui-même que sa réforme commencera à être appliquée non pas durant ce quinquennat mais dans celui d‘après (2022-2027).
Même si la situation a évolué depuis cette date, l’échec de la réforme Juppé des retraites en 1995 montre qu’il importe de ne pas envisager un trop grand nombre de changements simultanés. Les décideurs doivent donc se demander ce qui est possible en tenant notamment compte de l’état du corps social.
Pourquoi unifier?
Il faut préalablement se poser la question du pourquoi de la Réforme. En quoi l'unification des différents régimes de retraite est un gage d'amélioration du système. Je distingue 4 raisons qui sont souvent invoquées par les tenants d'un système de retraite universel.
L’équité,
L’amélioration des perspectives de carrière grâce à une plus grande fluidité des parcours professionnels,
La soutenabilité financière avec la création d’économies d’échelle avec la réduction du nombre de structures
L’amélioration du pilotage
Il convient donc de commenter chacun de ces points
L’équité : Pour les tenants de la réforme d’un régime Universel de retraite, la dispersion actuelle contribue à favoriser l’émergence de fractures sociales ainsi que la défiance envers les régimes fondés sur la répartition et la solidarité intergénérationnelle. Les règles de calcul diffèrent beaucoup et les assurés sont convaincus que cette divergence engendre des inégalités.
L' amélioration des parcours :Autre argument souvent développé, cette réforme permettrait surtout d’acquérir une plus grande liberté dans la gestion des carrières puisque les changements de statuts seraient facilités. Le système de retraite français s’est historiquement, en effet, construit sur le principe d’une affiliation des actifs selon leur statut (salariés ou travailleurs indépendants) et d’un financement assuré principalement par les cotisations sociales assises sur les revenus du travail. Dans ce cadre, l’emploi salarié à durée indéterminée et à temps plein constituait la référence tant en matière de droit du travail que de droit à retraite. Or, les parcours professionnels sont devenus plus heurtés.
De plus en plus d’actifs connaissent au moins un épisode de chômage durant leur carrière, et les contrats à durée déterminée et/ou de travail temporaire, pour des durées de plus en plus courtes, et le travail à temps partiel se sont développés. La deuxième évolution, plus récente, concerne la diversification des formes d’emploi. Elle résulte en partie des innovations technologiques et en particulier du développement du numérique, mais aussi des évolutions du marché du travail. Ces transformations créent en effet des conditions propices au développement de nouvelles formes d’emploi (portage salarial, auto-entreprenariat, plateformes collaboratives, etc.) qui, en complétant ou en se substituant à l’emploi salarié, viennent brouiller les frontières traditionnelles entre salariat et non-salariat. Alors que les montants de pension dépendent encore très largement du statut et de la continuité des carrières, les tenants du Régime Universel affirment que les « accidents » de carrière ne seraient plus pénalisés car la durée de cotisation n’aurait plus d’importance. Seul le montant du « capital virtuel » (dans le cas d’un passage aux comptes notionnels) accumulés déciderait du montant de la pension de retraite.
La soutenabilité financière : Selon les défenseurs d’une fusion des régimes, l’unification pourrait aussi entraîner des économies d’échelle si le nombre de structures était réduit. Il est vrai que les processus d’acquisition des droits, de collecte, de fiabilisation des données de carrière, de liquidation et de mise en paiement pourraient être allégés. Cet argument doit être manié avec précaution car « régime » et « caisse » ne sont pas nécessairement synonymes. Ensuite, la fusion des 37 régimes existants, dotés de systèmes d’information tous différents, entraînera des coûts de transition importants dans un premier temps.
L'amélioration du pilotage: pour les tenants de la réforme d’un régime universel, le manque de coordination entre régime de retraite entraine également des difficultés de pilotage des dépenses vieillesse. Ce morcellement institutionnel entraverait la possibilité des régimes à effectuer des projections financières sur les moyen-long termes du fait de la dispersion de l’information sur les assurés entre les différents régimes.
En outre, la compensation démographique organisée entre les régimes tend à s’accentuer. Les transferts du régime général vers les autres régimes dans le but de compenser financièrement les déséquilibres démographiques propres aux populations affiliées à ces régimes (agriculteurs, commerce) sont complexes et posent des limites en termes de visibilité et solidarité intersectorielle. L’idée sous-jacente est que ce n’est pas aux salariés du régime général de contribuer au déficit structurel de ces régimes.
Comment unifier les régimes de retraite ?
La réforme devra être progressive afin de pas réitérer l'accident industriel du Régime social des indépendant. Le passage à un régime unifié suppose que soit précisément déterminé l’objectif à atteindre car chacun a sa propre conception de l’unification. Il importe en particulier de définir le pilotage et les systèmes de gestion, de s’entendre sur l’unification ou non des cotisations et des droits.
Plusieurs solutions sont possibles. Il convient avant tout de savoir ce que l’on entend par «unification». S’agit-il d’uniformiser les régimes de base, les régimes complémentaires ou les régimes de base avec les régimes complémentaires? L’uniformisation porte-t-elle sur les statuts, sur les modes de calcul, sur les caisses?
Il semble qu’Emmanuel Macron, ne souhaite pas aller vers une remise en cause de l’existence du deuxième étage de la retraite c'est à dire que les complémentaires continueraient d’exister dans le futur système. En revanche, les modalités de création d’un SEUL régime universel de retraite n’ont jusqu’alors pas été précisées.
« Un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits pour tous. » Le slogan qui fait office de programme d'En Marche pose à cet égard beaucoup de questions.
Si l’opinion semble mûre pour une réforme systémique des retraites, il ne s’agit pas d’instaurer le même régime pour tous. Il convient de prendre en compte le passé. C’est le mode d’acquisition des droits et le mode de calcul qui doivent être uniformisés, les taux de cotisation pourront rester différents selon les régimes, voire au sein des régimes.
Les droits acquis doivent reposer sur des bases considérées comme justes. Ils doivent donc être proportionnels aux cotisations. Quant aux droits non contributifs, qui relèvent de la solidarité nationale, rien ne justifie qu’ils diffèrent selon les régimes.
Il ne faut pas confondre équité et identité des règles pour des populations différentes. Il n’en reste pas moins que des convergences soient souhaitables, même si certaines ont déjà été réalisées. Un ajustement continu est donc préférable plutôt qu’une réforme structurelle brutale. Les régimes de retraite ont de la mémoire et leurs assurés aussi, ils portent encore les préceptes historiques qui ont prévalu lors de leur création.
Dans un deuxième temps, il s’agit aussi de s’interroger sur le chemin à emprunter pour parvenir à ces convergences. Il s’agit de savoir si ce résultat est atteint par un ajustement progressif ou par l’instauration d’un régime unique national. C’est là que se situe le débat.
L’instauration d'un même régime unique ne constitue qu’une des solutions imaginables pour simplifier le système de retraite. D’autres formules sont également possibles, parmi lesquelles :
– la coopération entre régimes ;
– la mutualisation, qui consiste à confier à l’un des régimes la réalisation d’une partie des processus (acquisition des trimestres, liquidation ou paiement par exemple) ;
– l’intégration, qui a été effectuée dans les années 90 pour plusieurs régimes spécifiques à certains établissements (Crédit foncier de France, organismes de sécurité sociale, etc.) ;
– l’adossement, c’est-à-dire le rattachement au régime général, avec le maintien du « front office » du régime d’origine, qui n’a été réalisé qu’une fois, dans le cas de la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières (CNIEG) ;
– la fusion ;
– la disparition pure et simple des régimes, envisageable si par exemple le revenu universel devrait être introduit.
Comments