Régimes spéciaux la lente convergence inachevée vers le régime général
- Lorenzo Lanteri
- 25 mai 2016
- 5 min de lecture

Ce mois de mai, le COR a consacré son traditionnel rendez-vous mensuel à l’étude des retraites dans la fonction publique et dans les autres régimes spéciaux. Dans une série de documents de travail le COR étudient les différents régimes spéciaux suite aux réformes engagées depuis 2003, que ce soit du coté, de la fonction publique (2003) et les régimes spéciaux (2008). Sans omettre les effets des réformes de 2010 et 2014 qui ont concerné l’ensemble de ces régimes.
La France se caractérise par un morcellement institutionnel de la retraite. A côté, du régime des salariés du privé dit « général » persiste, les régimes spécifiques des fonctionnaires : celui de la fonction publique d’État (hors les militaires) et celui de la CNRACL (fonctions publiques territoriale et hospitalière).
Au-delà-des régimes de la fonction publique et du privé, subsiste en France une trentaine de régimes de retraites suivant peu ou prou le découpage des lignes professionnelles. Le COR traite ainsi des régimes spéciaux : celui de la Banque de France, de la CRPCEN (clercs et employés de notaires), SNCF, CNIEG (industries électriques et gazières), RATP. Le COR écarte de son analyse des régimes tels que les personnels de l’Opéra de Paris et de la Comédie Française pour des raisons démographiques. De même, les régimes spéciaux des mineurs et marins, non réformés en 2007-2008 et considérés comme des régimes « fermés » c’est à dire sans nouveaux cotisants sont laissés de côté dans l’analyse.
Il s’agissait pour cette séance d’étudier de faire le point sur les règles actuellement en vigueur dans chaque régime afin de mesurer l’évolution des comportements de départ dans ces régimes.
Des effets de convergence entre salariés du privé et du public
Même si les règles ont été rapprochées au cours des dix dernières années, certaines restent encore distinctes entre salariés du privé et fonctionnaires, soulevant la question de l’équité entre ces deux catégories.
Les réformes de 2003, 2010 et 2014 ont harmonisées les règles de durée d’assurance, de surcotes et de décotes ainsi que celles relatives aux taux de cotisation.
Il reste néanmoins des différences substantielles entre les deux régimes qui concernent aussi bien les règles de calculs (75% du traitement des 6 derniers mois contre 50% du salaire moyen des 25 meilleures années pour le régime général) que celles liées au financement (Etat/employeur).
Ces réformes ont eu pour effet de décaler l’âge des départs à la retraite des fonctionnaires dits « sédentaires » pour qu’il rejoigne celui des salariés du secteur privé à 62,1 ans. Néanmoins rappelons que le COR utilise un nouvel indicateur, « l’âge conjoncturel de départ à la retraite » qui permet de gommer les variations de taille de chaque génération et les pics de départs occasionnés à court termes. Si l’on utilise le même indicateur pour les salariés du privé, l’âge conjoncturel de départ à la retraite se situerait aux alentours de 62,4 mois. Il subsisterait donc en réalité un décalage de 1 an et 3 mois entre les salariés du privé et les fonctionnaires.
A côté, des fonctionnaires dits « sédentaires », il existe une autre catégorie dans la fonction publique : la catégorie dite « active ». Cette dernière concerne les agents qui sont exposés à un risque particulier ou des « fatigues exceptionnelles ». Elle concerne environ, 12% des agents fonctionnaires civils des ministères, 5 à 10 % des fonctionnaires territoriaux et environ deux tiers des effectifs de la fonction publique hospitalière.
Ces personnels ont la possibilité de partir en retraite de manière anticipée par rapport à l’âge de droit commun lorsqu’ils accomplissent une certaine durée de service minimal dans un emploi de catégorie active. Ils peuvent faire valoir leurs droits retraite de manière anticipée de 52 ans à 57 ans selon les cas.
Une convergence plus lente du côté des régimes spéciaux
Pour rappel, les régimes spéciaux devaient correspondre à une organisation théoriquement temporaire des régimes de retraites mais ils ont perduré dans le temps et sont désormais définis par les règlements R-711-1 et R-711-24 du Code de la sécurité sociale.
"Comme les fonctionnaires sédentaires,
les agents des régimes spéciaux ont été soumis
aux mêmes règles de convergence
vers le régime des salariés du privé lors de la réforme de 2008."
Cependant, le calendrier de mise en œuvre de ces mesures été décalé. L’augmentation de la durée de cotisation n’a été mise en œuvre qu’à partir de 2008. Le relèvement des bornes d’âge n’est pas encore entré en vigueur et interviendra en 2024. De même la décote ne concerne pas ou peu les générations entièrement à la retraite à ce jour. A l’exception de la banque de France, qui a déjà mise en œuvre ces réformes d’alignements.
Après une période stagnation on observe depuis 2012, un recul progressif de l’âge de départ à la retraite dans ces régimes. Néanmoins un net décalage persiste avec le régime général. Il s’explique en grande partie parce que de nombreux agents des régimes spéciaux garde la possibilité de bénéficier de départs anticipés lorsqu’ils appartiennent à la « catégorie active » de ces régimes (agents de conduite SNCF).
A titre d’exemple, l’âge moyen de départ à la retraite pour les conducteurs de la SNCF est de 53 ans en 2015.
Des règles différentes mais des résultats proches
Le taux de remplacement correspond au pourcentage du revenu d'activité que conserve un salarié lorsqu'il fait valoir ses droits à pension. En d’autres termes, l’analyse des taux de remplacement permet de fournir des informations sur le niveau des revenus de remplacement qu'un régime de retraite décide d'accorder à ses retraités par rapport aux revenus des cotisants.
Malgré des règles de calcul des pensions différentes, les taux de remplacement nets médians des salariés du secteur privé et du secteur public sont devenus très proches : 72,1 % pour les salariés nés en 1946 finissant leur carrière dans le secteur public et 73,8 % pour les salariés finissant leur carrières dans le secteur privé (respectivement, 73,9 % et 75,2 % si l’on se restreint aux salariés à carrière complète).
Encore plus notable, le taux de remplacement net médian parmi les salariés à carrière complète a diminué entre les générations de 1936 et 1946, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
Les raisons de cette baisse sont de nature différentes dans les deux secteurs :
Dans le secteur privé, elle résulte de l’évolution des paramètres de calcul du montant des pensions au fil des générations (salaire de référence passant progressivement sur les 25 meilleures années pour le régime de base, baisse du rendement technique des régimes complémentaires, etc.).
Dans la fonction publique, la baisse du taux de remplacement reflète essentiellement la part des primes dans la rémunération de fin de carrière. Les primes étant moins bien prises en compte pour la retraite.
Repenser la "catégorie active" à l'aune du déploiement du compte professionnel de prévention
Bien que complet, il est dommageable que le dossier n’est pas étudié plus en profondeur les effets des transpositions des mesures de justice relatives aux trimestres non-cotisés des femmes comme les majorations de durée d’assurance (MDA) au sein des régimes spéciaux et de la fonction publique. Ces mesures ayant des impacts importants sur le niveau de pension des femmes.
Enfin, la persistance des dites « active » nous amène à repenser la pénibilité qui est envisagé de manière trop statutaire dans ces régimes. L’extension du compte professionnel de pénibilité (C2P) du régime général des salariés du privé (dans le cadre d’un compte personnel d’activité (CPA) étendu à toutes les catégories de travailleurs pourrait dé-rigidifier le caractère statutaire de ces catégorie d’agents. Cette compensation par le compte pénibilité permettrait également une meilleure reconnaissance de la pénibilité et ouvrirait des pistes de reconversion professionnelles pour ces travailleurs.
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