Quelles seront les conséquences de l'accord sur les retraites complémentaires sur les futurs ret
- Lorenzo Lanteri
- 20 avr. 2016
- 6 min de lecture

L'accord qui a sauvé, en octobre, de la banqueroute les régimes de retraite complémentaire aura des conséquences parfois douloureuses pour les futurs retraités salariés et cadres. Grâce à des simulations du Conseil d'orientation des retraites (COR), il est désormais possible de se faire une idée précise des efforts dont ils devront s'acquitter. Et ils ne seront pas aussi alarmistes qu'on ne le laisse entendre...
Début avril, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a consacré son traditionnel rendez-vous mensuel à des questions d’approfondissement de sa méthodologie et d’adaptation de ses indicateurs en vue de son rapport annuel qui paraîtra en juin 2016.
Le COR s’est plus particulièrement penché sur l’impact des mesures de l’accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015 sur les comportements au moment du départ à la retraite et sur le niveau des pensions.
Pour rappel, face à la dégradation de la situation financière des régimes complémentaires, les partenaires sociaux, gestionnaires de ces régimes, ont signé le 30 octobre 2015 un accord national interprofessionnel destiné à assurer leur pérennité financière. Avant cet accord, les déficits prévisionnels étaient estimés à 8,4 Mds€ en 2020 et 12,7 Mds€ en 2030 avec pour année d’épuisement des réserves en 2023.
Les mesures décidées par les partenaires sociaux devraient permettre de réduire le déficit des retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO) à 4,1 milliards d’euros en 2030, soit une réduction escomptée de 8,7 milliards d’euros.
Outre l’objectif de réduction des déficits ces mesures auront également un impact important sur les comportements de départs en retraite. En effet, le coefficient temporaire de solidarité, le coefficient majorant, la sous-indexation de la valeur du point et la sur-indexation de la valeur d’achat du point vont avoir pour effet de reporter l’âge des départs en retraite.
Les effets du Coefficient de solidarité sur les futurs départs en retraite...
Le COR présente une étude réalisée par la DREES[1] appréhendant les effets de l’accord du 30 octobre 2015, et plus particulièrement ceux des coefficients temporaires instaurés, sur l’ensemble des assurés. La part de personnes concernées par le dispositif du « coefficient de solidarité » se situerait autour de 33% pour la génération 1960, et diminuerait pour s’établir à 26% pour les générations suivantes.
Rappelons que le « coefficient de solidarité » fonctionne sous la forme d’un « bonus-malus ». Le coefficient de solidarité s’appliquera aux personne nées à partir de 1957 et liquidant leurs droits à la retraite complémentaire à compter du 1er janvier 2019. Ce dispositif ne s’applique qu’aux droits directs. Le bonus ou le malus dépend du moment où intervient la liquidation de la retraite complémentaire par rapport à l’acquisition du taux plein au régime de base: un décalage d’un an de retraite complémentaire permet d’échapper au coefficient de solidarité ; un décalage de deux ans permet d’obtenir le coefficient majorant (de 10 %, 20 % ou 30 % selon l’ampleur du report).
C’est au moment où la personne rempli les conditions du taux plein au régime de base que la nouvelle réglementation sur les bonus/malus (coefficient de solidarité) sert de pivot. Les trimestres supplémentaires grâce au rachat de trimestres de retraites ou de majoration pour enfant pourront être pris en compte pour calculer l’âge pivot en revanche ils ne pourront être utilisés pour remplacer les 4 trimestres calendaires nécessaires pour ne pas subir le malus.
Par exemple :
- Une personne née le 1 er mai 1957 et qui peut obtenir sa retraite à taux plein à partir du 1er mai 2019 a, par exemple, une retraite globale mensuelle de 1450 euros (base +complémentaire Arrco). Si elle décide de partir effectivement à la retraite le 1er mai 2019 :
- un coefficient de solidarité sera appliqué sur sa retraite complémentaire pendant 3 ans :
- le montant mensuel de sa retraite complémentaire étant de 450 euros, la minoration de :
450 x 0,10 = 45 euros par mois
- le montant mensuel de sa retraite globale sera donc de 1405 euros. Avec le malus, elle aura une baisse globale de sa retraite de 3% pendant 3 ans.
- En revanche,à partir du 1er mai 2022, elle touchera l’intégralité de sa retraite complémentaire

Si cette même personne choisit de partir un an après sa retraite au taux plein, le malus du coefficient de solidarité ne s’appliquera plus sur le montant de sa retraite complémentaire qui sera maintenue à 450 euros.

Si cette même personne choisit de partir deux après sa retraite au taux plein, le bonus du coefficient de solidarité (10%) s’appliquera plus sur le montant de sa retraite complémentaire qui atteindra alors 495 euros.

Si cette même personne choisit de partir trois après sa retraite au taux plein, le bonus du coefficient de solidarité (20%) s’appliquera plus sur le montant de sa retraite complémentaire qui atteindra alors 540 euros.

Si cette même personne choisit de partir quatre après sa retraite au taux plein, le bonus du coefficient de solidarité (30%) s’appliquera plus sur le montant de sa retraite complémentaire qui atteindra alors 585 euros.

Le COR rappelle que dans le cadre du pilotage pluriannuel des retraites, outre les paramètres usuels tels que les valeurs de service et d’achat du point et les taux de cotisation, les coefficients temporaires figureront aussi parmi les leviers mobilisables. Par ailleurs, le mécanisme de solidarité applicable à la troisième année pourra être revu en 2021 en fonction de l’évolution des comportements.
Quelles leçons tirer de ces projections sur l'avenir des retraites et des retraités?
Selon l’évaluation de la DREES, et pour le scénario « personne ne décale », 26% des affiliés seraient impactés par le coefficient de solidarité. Dans le scénario « tous les concernés encore en emploi décalent », 12% des affiliés décaleraient leur départ à la retraite pour éviter l’abattement. Dans ce même scénario, 14% ne décaleraient pas l’âge de départ et se verraient appliquer le coefficient de solidarité pendant 3 ans (19% pour les premières générations) et 2% à 3% bénéficieraient un coefficient majorant.
Les travaux du COR ont comme principal intérêt d’éclairer sur l’impact de l’accord du 30 octobre 2015 en termes de niveau de pensions servies au moment du départ à la retraite. Les pensions complémentaires devraient diminuer de 5% à 10% selon la génération. Cependant, comme le rappelle justement le COR, sans ces décisions, les retraites complémentaires auraient été contraintes de diminuer la valeur nominale des pensions en 2018 afin d’équilibrer les comptes.
Le COR rappelle également que cette baisse des pensions après accord du 30 octobre 2015 « ne doit pas s’interpréter comme une baisse absolue des pensions au fil des générations. Les pensions complémentaires continueraient d’augmenter en euros constants entre les générations nés en 1960 et celle née en 1990 mais moins rapidement qu’avant accord ».
Il est vrai que la projection spectaculaire d’une baisse des pensions de 18% pour un cadre né en 1990 qui choisiraient de ne pas prolonger son activité a largement focalisée l’attention des médias. Cependant, ces derniers ont omis de préciser le caractère temporaire de cette mesure et un grand nombre de paramètres pourraient être amenés à changer d’ici là.
Une inéluctable baisse du niveau pension dans les prochaines années
La complexité des mesures décidées le 30 octobre 2015 continuait d’entretenir une certaine confusion. Finalement le COR vient lever quelques faux semblants : la dégradation des pensions ne sera pas aussi importante que prévu.
Néanmoins, il est important de rappeler que les réformes de ces dernières années et pas uniquement celle d’octobre 2015 déboucheront sur une baisse du taux de remplacement ; c’est-à-dire le rapport entre la première pension servie et le dernier salaire dans le futur.
Le niveau des retraites va inéluctablement baisser dans les années à venir et ce pour 3 raisons :
Premiérement, la réforme Balladur de 1994, qui indexe les pensions de retraite sur l’indice Insee des prix à la consommation commencent à peine aujourd’hui à porter ses fruits en termes de baisse des niveaux de pension.
Deuxièmement, la résorption des « écarts embarrassants » de traitement entre les régimes du privé et du public va vraisemblablement déboucher sur une inéluctable harmonisation des règles de durée de cotisation et de calcul des pensions. Cet alignement des différents régimes de retraites va mécaniquement faire baisser les pensions moyennes.
Enfin, le niveau de déficits n’est pas prêt de se résorber et il est fort probable que la prochaine réforme paramétrique des retraites ne touche plus au taux de cotisation qui a énormément grimpé ces dernières années mais porte sur l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ou la réduction des pensions.
Le niveau de pension diminuera dans les prochaines années mais il ne touchera pas uniformément toute la population. Les dernières réformes se sont attelées à préserver les pensions des retraités les plus modestes par des mesures de justice tout en érodant à la marge le pouvoir d’achat des retraités les « moins pauvres ». Le niveau de vie des retraités est supérieur de 3 points à celui des actifs et il est fort probable – sauf considération électorale – que ces derniers soient mis à contribution dans le financement de notre protection sociale dans les années à venir.
[1] Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques « Estimation des effets de la création d’un coefficient de solidarité et de coefficients majorants prenant effet au 1er janvier 2019 suite à l’accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015



Commentaires