Généralisation de la complémentaire santé : premier bilan
- Lorenzo Lanteri
- 14 mars 2016
- 3 min de lecture

Trois mois après l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 de la complémentaire santé obligatoire, il est temps de dresser un premier bilan.
D’après la Direction de la Sécurité Sociale (DSS), 61 accords de branche ont été signés depuis 2013. La soixantaine de nouveaux accords couvre près de 4,5 millions de salariés et les renégociations d’accords concernent plus de 1,8 million de salariés.
L’intérêt de ce premier bilan est de montrer qu’il n’y a pas d’attraction particulière pour les contrats ne prévoyant qu’une couverture minimale : sur 46 accords examinés par la DSS depuis septembre, seuls 2 régimes présentent des garanties « strictement égales à la couverture minimale ». Les chiffres présentés montrent que les partenaires sociaux continuent de privilégier massivement des institutions de prévoyance et des mutuelles puisque des sociétés d’assurance ne représentent que 3 % des cas de recommandations.
La moitié des contrats a été signée au cours des onze premiers mois de l’année 2015. L’autre moitié sur le seul mois de décembre. Au total, il reste 20% des entreprises qui ne sont pas équipées d’une complémentaire santé dont la plupart sont des Très Petites Entreprises (TPE) de moins de 20 salariés.
Concernant le niveau de couverture, un quart des entreprises ont opté pour le panier de soins minimum. Un autre quart a opté pour le panier de niveau supérieur qui prend mieux en charge mieux les soins dentaires et l’optique. La moitié des entreprises restantes ont fait le choix d’un panier de soins médian.
Aucune sanction n'est prévue pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations au 1er janvier 2016, cependant les entreprises non couvertes vont voir leurs salariés demander des comptes à leurs employeurs. Tout d’abord les salariés licenciés pourraient demander le remboursement des frais de santé qu'ils ont engagés au cours d’une action prud’homale. D’autres salariés désireux d’obtenir une complémentaire santé obligatoire seront enclins à avertir les services des Urssaff, les employeurs concernés s’expose alors au risque d’un redressement.
Par ailleurs, le non-respect des règles de procédure de souscription ou de dispense d'adhésion pourrait par ailleurs justifier un redressement en cas de contrôle de l'Urssaf si l'employeur a bénéficié des exonérations sociales prévues, car cela suppose de tenir compte du cadre des contrats responsables mais aussi du formalisme exigé par la loi pour la mise en place de la complémentaire santé.
Il est vrai que la question des dispenses d’adhésion est venue complexifier le paysage de la généralisation de la complémentaire santé. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 instaure une série de dispenses de plein droit pour les salariés à compter du 1er janvier 2016. L’employeur devra ainsi gérer la collecte et le suivi des justificatifs de ses salariés pour sa demande de dispense.
De nombreux salariés n’ont pas renoncé à leur ancienne mutuelle individuelle, qu’ils utilisent comme surcomplémentaire. Le salarié essaie dans un premier temps de se faire rembourser avec la complémentaire obligatoire de l’employeur puis utilise dans un second temps sa mutuelle individuelle pour prendre en charge la partie restante.
Le développement des surcomplémentaires fait peser des risques sur les dépenses de soins.
Premièrement parce qu’elle implique un coût supplémentaire pour le salarié en dehors du périmètre pris en charge par l’employeur. Deuxièmement, certaines entreprises ont mis en place des mécanismes de surcomplémentaires optionnelles qui génèrent une augmentation de 30% des dépenses de santé. La généralisation d’un troisième étage dans la prise en charge de soins provoque de facto une augmentation des cotisations du régime obligatoire et du régime complémentaire. En d’autres termes, les surcomplémentaires pèseront sur les cotisations de ceux qui n’ont pas les moyens de se les offrir. Dans les années à venir « le panier de soins minimum » devrait d’ailleurs voir le socle de sa couverture s’élargir et les cotisations augmenter.
Il est par conséquent primordial que le récent comité de suivi de la généralisation de la complémentaire santé se dote d’outils pour mesurer l’évolution du nombre de couvertures/contrats sur- complémentaires.
Du côté des organismes assureurs, ces derniers s’attendent à une réévaluation des tarifs. Certains organismes ont en effet parfois vendu le panier de soins minimum prévu par l’ANI à des prix déraisonnables bien en dessous du point d’équilibre situé autour de 25 euros. Cette stratégie prédatrice d’acquisition des marchés de la complémentaire santé n’est pas tenable très longtemps et les organismes concernés devront très vite effectuer des redressements tarifaires, une fois confronté à leurs résultats techniques.
De ce premier bilan, il ressort que malgré un démarrage poussif dû au retard de parution des textes réglementaires la complémentaire santé obligatoire semble bien sur la voie de la généralisation. Elle est pour l’instant et globalement plutôt bien perçu par les acteurs salariés, comme employeurs et organismes assureurs. En revanche, ce premier bilan n’a pas effacé les craintes qui demeurent relatives à la couverture des plus précaires et le développement des surcomplémentaires.



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