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La santé numérique: quels horizons pour notre modèle sanitaire?

  • Lorenzo Lanteri
  • 4 déc. 2015
  • 6 min de lecture

Santé connectée, télé-santé, télémédecine…Aujourd’hui, médecine et sciences numériques épousent les mêmes trajectoires. la médecine numérique est à la croisée des enjeux de santé, des enjeux économiques et des problématiques sociétales. La médecine numérique est en train d’opérer une véritable mutation irréversible dans l’univers sanitaire. On effectue déjà aujourd’hui des opérations chirurgicales et des consultations à distances. Seulement très peu d’acteurs sont prêts à ce type de révolution numérique et technologique.



On estime à une génération, le temps nécessaire à l’appropriation pas tous des nouveaux outils numériques dans le domaine de la santé. Il faut par conséquent se donner les moyens d’accélérer cette appropriation technologique afin que cette mutation numérique ne génèrent pas de fracture ni d’inégalité dans l’accès aux soins et aux données de santé.


Dès lors que ce changement est inéluctable, nous sommes en droit de nous interroger sur notre capacité à anticiper et à préparer cette transformation radicale. Les technologies sont neutres par nature, elles ouvrent un champ d'opportunités positives et de risques potentiels. Elles peuvent aussi bouleverser nos modèles organisationnels et économiques. Mais si politiquement on ne prépare pas la totalité des personnes concernées : les malades, les élus, les médecins et les gestionnaires on aura tout faux et on paiera de plus en plus cher pour des soins de moins en moins bons.


Le numérique au service de la santé pourrait constituer une des solutions, ou un élément de solution, pour répondre aux futur défis à relever pour notre système de soins.


- propagation des maladies chroniques,

- accès universel à la couverture santé,

- vieillissement de la population,

- gestion de la perte d’autonomie,

- augmentation naturelle des dépenses de santé,

- démographie médicale et accès aux soins.


Les applications numériques au service de la santé se multiplient au sein de l'hôpital, avec le programme « Hôpital numérique » mais également en médecine de ville. Les enjeux sont fondamentaux en termes de décloisonnement entre la ville et l'hôpital, mais aussi entre les établissements de santé eux-mêmes et les établissements médicaux-sociaux.



es patients atteints de maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque...),Ces applications numériques se développent aussi en dehors de l'hôpital, avec le dossier médical personnel (DMP). Ces technologies pourraient faciliter certaines prises en charge comme les personnes âgées en maison de retraite ou celles nécessitant une assistance spécifique à domicile.

Une occasion de redéfinir les rôles entre médecins et patients

Il y a énormément de vertus thérapeutiques de cette “data” qui représente une source phénoménale de progrès. Néanmoins, la santé numérique se heurte à des blocages : Les médecins ne sont pas habitués à la mesure de l’efficience de leurs interventions. Le but du numérique n’est pas de se substituer pas aux médecins mais de venir en appui dans la prescription qu’il délivre justement pour en améliorer l’efficience.


Les technologies de l’information permettent aujourd’hui de faire le diagnostic à la place du médecin. A partir d’algorithmes de plus en plus complexes et d’une intelligence artificielle qui s’implémente de mémoire dans laquelle on injecte des millions de données possibles l’ordinateur est à même de diagnostiquer aussi bien parfois mieux que les médecins.


Au point de vue thérapeutique, l’ordinateur est capable de décider le meilleur choix possible par rapport à une personne donnée et non plus par rapport à des groupes statistiques d’individus comme le font les médecins (médecine par la preuve fondé sur les données statistiques).


L’ordinateur arrivera à personnaliser le choix compte tenu de toutes les informations que l’on pourra rentrer dans la machine pour un malade donnée. Nous utilisons « Skype » pour échanger avec nos proches et pourtant on ne prétend pas qu’il y’ait une perte de relation humaine, pourquoi pas en médecine. L’industrie médicale a le potentiel de « repersonnaliser » complétement sa production.


On aurait dû partir de là pour le Dossier Médical Partagé (DMP). Il est essentiel que le DMP 2eme génération prévu par la loi de finances de sécurité sociale 2016 devienne enfin l’outil de la relation singulière entre un médecin et son patient.


Néanmoins le médecin restera « l’homme rare », il pourra transgresser le diagnostic de la machine et les normes édictées par les ARS (agences régionales de santé) lorsque son patient pour un cas donnés ne répondra aux « standards » pour des raisons personnelles, familiales, philosophiques ou religieuses. Cela concerne actuellement 10% des patients pour les médecins.


Cette révolution ne va pas à l’encontre de la relation humaine médecins/patients contrairement à une idée répandue. Paradoxalement plus on industrialise les procédures de soins plus on va être à même de rendre du temps médical pour l’écoute et le conseil. Aujourd’hui, on n’écoute plus le malade, la moyenne des consultations est de 12 minutes, on multiplie les prescriptions et les examens complémentaires comme pour se défausser de l’impératif de prestation face prix acquitté de la consultation par le patient.


Le numérique et la télémédecine doivent être l’occasion de revenir à de vraies consultation d’une demi-heure : entendre le malade appréhender réellement ce qu’il est pour aller au mieux et au plus vite dans le diagnostic avec le minimum d’examens complémentaires.



Les nouvelles technologies vecteur de redéploiement de notre modèle sanitaire

En réalité, plus la médecine triomphe dans son efficacité, plus la mort du médecin est annoncée dans son mode d’exercice traditionnel isolé.



Les technologies de demain devront être à disposition dans des exercices de médecine regroupées ou se retrouveront les professionnels de santé avec des infirmiers. Il faut en finir avec la distinction entre médicaux et paramédicaux. Toutes les professions qui ont accès à un malade doivent être considérées comme des professions médicales à responsabilité variable en fonction de leur niveau d’études et de pratiques : de l’aide-soignante jusqu’au médecin chacun doit faire partie de la même chaine notamment dans le cadre de la formation. Des niveaux intermédiaires nous manquent entre le Bac + 3 de l’infirmière et le Bac + 11 du médecin spécialiste. Il faut permettre des carrières multiples par le biais du Compte personnel d’activité (CPA). Les infirmières n’ont aujourd’hui que très peu d’évolution possible. Elles devraient avoir la possibilité de vraiment gagner en responsabilité par le biais des technologies et de la formation en passant des soins à des métiers de supervision numériques.


Il est nécessaire d'adopter une approche globale et non plus sectorielle de notre système de santé. Celui-ci devrait par exemple inclure la notion de système d'information. Tous les acteurs du secteur médical, paramédical ainsi que toutes les sociétés et organismes prestataires de services et de suivi à domicile, ainsi que les professionnels des technologies de l'information, doivent être inclus dans ce système.


Cet exercice regroupé des personnels de santé permettra d’ assurer la majorité des soins que l’on voit aujourd’hui dans les cabinets de villes avec des « antennes » qui seront disposés à partir de ces plateformes technique de proximité puis par des relais mobiles et des petits cabinets secondaires dans les villages. On peut rompre avec la pensée selon laquelle il est nécessaire d’avoir un médecin dans chaque village de France à condition que les moyens technologiques soient à même de garantir un accès aux soins de proximité.


L’avenir de notre système de santé passe par la réorganisation à partir de de ces plateformes techniques de proximité de premier recours et les moyens télématiques, informatiques et mobiles : de l’hélicoptère jusqu’à l’ordinateur.


"Big data" : créer les conditions d'une société de confiance

La possibilité de traiter des données en très grand nombre est en train de révolutionner les investigations médicales. Les notions de données massives et de données ouvertes, aussi connues sous le nom de « big data » et « open data », n'en sont qu'à leurs premières convulsions.



Tous les secteurs de l'activité humaine qui bénéficieront de la dématérialisation des données seront impactés. Nous sommes en train de passer d'un monde de l'avoir à un monde de l'accès.



Lorsque qu’un patient se rend chez son médecin en France, l'examen médical auquel il est assujetti est principalement fondé sur des données récoltées in situ de façon instantanée. Le diagnostic souffre en quelque sorte d’incomplétude. On estime ainsi que dans 12 % à 15 % des cas, les diagnostics émis sont inexacts. L’exemple des antibiotiques prescrits pour des grippes, des chimiothérapies programmées pour des nodules non cancéreux. L’inexactitude de ces diagnostics en plus de provoquer des conséquences pour les patients, d’engendrent des coûts supplémentaires et injustifié. Ces gaspillages pourraient être réduits par l’instauration d'une historicité des données de santé. En effet, les protocoles mis en place permettent non seulement de réduire la part de faux diagnostics mais également d'améliorer la qualité des soins par le biais d’une « santé plus personnalisée ». Les protocoles de soin tirés de l’exploitation massive des données auront pour conséquence de réduire la probabilité d'effets secondaires chez le patient. Les molécules seront dosées en fonction de chaque patient ce qui générera des gisements d’économies substantiels dans la consommation de soins.


La primauté donnée à la vitesse d'accès à l'information par rapport à la vérification de celle-ci ou à sa confidentialité a remis en cause jusqu'à la notion de vie privée. Ce phénomène prend encore davantage de gravité dans le domaine de la santé où le recueil de données les plus intimes peut se heurter à la confidentialité nécessaire de celles-ci et au désir de chacun de ne pas s'exposer (droit à l’oubli). C’est pourquoi les solutions technologiques doivent être conçues de manière à répondre aux exigences d'interopérabilité et de protection des données privées. Il est impératif de travailler dès à présent sur la sécurité d'un bout à l'autre de ces systèmes afin que l'individu puisse comprendre et être l’acteur et le gardien de ses données et de son environnement.



Ce qui implique de lever les obstacles juridiques et institutionnels actuels pour le passage d’une société défiance à une société de confiance.

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