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Ce que nous sommes en droit d'attendre des orientations de la nouvelle convention médicale

  • Lorenzo Lanteri
  • 2 déc. 2015
  • 6 min de lecture


L’année 2016 devrait être rythmée dans le domaine de la santé par les négociations entre l’Assurance maladie et les professionnels de santé dans l’élaboration de future convention médicale en 2016. La Ministre fixera prochainement les grandes orientations de la négociation de la nouvelle convention médicale qui devront être présentées autour de février 2016. Avant de rédiger ces orientations et de les adresser à l’assurance-maladie obligatoire, la ministre rencontrera les organisations syndicales pour faire le point avec elles. « Cette convention abordera de nombreux sujets, mais il est bien clair, que le statu quo tarifaire n’est pas envisageable » a précisé Marisol Touraine.




Après les divisions suscitées par la loi de modernisation du système de santé entre l’Etat et les professionnels de santé, l’échéance à venir est d’importance puisqu’elle doit faire la preuve de l’efficacité de l’instrument conventionnel et garantir le déploiement effectif du modèle sanitaire prôné par la Stratégie Nationale de santé. Il est dans l’intérêt des syndicats de médecins représentatifs de s’engager dans la négociation avec un esprit constructif et non de préservation des situations acquises.

Inscrire le parcours de soins au cœur de la convention médicale

-refus de soins :

La future convention médicale devra s’attacher à défendre un égal accès aux soins pour l’ensemble de la population quelle que soit son niveau social ou sa situation géographique. Afin de mettre fin aux inégalités d’accès aux soins en raison de l’origine sociale et des ressources financières, il est impératif qu’un refus de soins avéré pour des raisons sociales soit considéré juridiquement comme une faute professionnelle. Les tarifs médicaux (conventionnés et ceux réellement pratiqués) ne doivent en aucun cas être un facteur de report ou de renoncement des soins.

-dépassements d’honoraires :

Si l’actuelle convention médicale et le Contrat d’accès aux soins (CAS) ont permis de mettre fin à une forme d’anarchie tarifaire, aux activités inutiles et aux dépassements au sein du secteur optionnel. Il faut désormais s’attaquer de plein fouet aux dépassements d’honoraires illégaux pour les soins dentaires de base comme les détartrages. Des sanctions financières devront être intensifiées. La stratégie du ministère de la Santé et de l’assurance maladie, tarifs bloqués pour les soins conservateurs et tarifs libres pour les prothèses (couronnes, bridge, inlay-core…) montre ses limites et encourage l’inflation des honoraires sur les actes non plafonnés. Durant les six premiers mois de 2015, les honoraires libres ont d’ailleurs augmenté de 2,4 % pour un montant de 2,9 milliards d’euros. Alors que, dans le même temps, les soins facturés au tarif Sécu reculaient de 0,7 %. Si l’on veut que ces dérives soient maîtrisées, une remise à plat des grilles tarifaires s’impose lors de la négociation de la nouvelle convention médicale.

-déserts médicaux

Par leurs engagements conventionnels les syndicats de médecin et l’Assurance maladie doivent éclairer le gouvernement pour déterminer le juste numerus clausus. Le manque d’anticipation ou les prévisions erronées ont engendré pour certaines spécialités une réelle pénurie. En 2015, la médecine générale, et ce pour la première fois, a constitué la dernière spécialité demandée par les futurs internes. Les médecins généralistes libéraux de moins de 40 ans sont encore plus inégalement répartis sur le territoire que leurs aînés. La Convention médicale doit intensifier les incitations vers les zones sous-denses ou en bordure de ces zones.


Il faut ainsi « faire plus avec moins ». Consciente que la délégation de tâches et l’exercice en groupe constitue des leviers pour éviter la future pénurie de médecins, la convention médicale devra aborder la question du transfert de certains actes médicaux aux professionnels paramédicaux.


La gestion du parcours doit relever du médecin traitant. La future convention médicale doit ainsi concilier cet objectif avec la diminution du temps médical disponible dans les prochaines années en favorisant les regroupements, les modes de coopération entre professionnels de santé ainsi que les outils techniques à leurs dispositions.

-télémédecine, e-santé

La convention médicale doit également envisager des pistes concrètes pour permettre de doter les médecins généralistes d’un équipement informatique et de télémédecine leur permettant d’assumer pleinement leur mission de médecin traitant. C’est un enjeu pour l’amélioration du parcours de soins des patients qui se réduit aujourd’hui à une simple grille tarifaire.



En outre, si le déploiement du Dossier Médical Partagé (DMP) ne relève pas du champ de la convention médicale, celle-ci doit toutefois le prendre en compte au regard de l’extrême nécessité de créer une obligation d’alimentation en information de la part des professionnels de santé afin que le DMP ne reste à l’état de « coquille vide ». Le DMP et les différents équipements informatiques modernes sont les leviers nécessaires pour assurer la participation de la médecine libérale à la coopération et la coordination des soins. La convention médicale doit apporter des éléments de réponse. S’il est un domaine où il est pertinent d’avoir accès à un compte personnel que l’on puisse consulter et transmettre facilement, c’est bien celui de la santé. Le déploiement du DMP est un préalable à la possibilité de convergence des droits santé vers le futur compte personnel d’activité (CPA).


- Parcours de soins et nouveaux modes de rémunération

Un médecin traitant comme acteur central du parcours de soins implique d’aborder sans détour la question épineuse de niveau de rémunération des médecins généralistes dans la future Convention médicale. Il est nécessaire de développer des modes de financement alternatifs à l’acte : forfaits, capitation, ROSP P4P, financements « au parcours », forfaits à la pathologie.

La Convention médicale devra également aborder la question de la mise à disposition de locaux, voire de personnel pour l’exercice regroupé.

Concilier engagement médical et exigences de santé publique

- Bonnes pratiques

La future convention médicale devra également aborder la question de la qualité et de l’efficience des soins par le biais d’un Monitoring plus systématique sur la variabilité des pratiques afin d’identifier les bonnes pratiques, de les diffuser et d’en assurer leur respect auprès des professionnels de santé et des gestionnaires de soins.

- Maitrise médicalisée

Il faut étendre les mesures de maitrise médicalisée à l’ensemble des activités médicales. Les dispositifs de maitrise médicalisée doivent se déployer de manière égale dans les deux secteurs. De même, les spécialistes ne doivent pas échapper aux objectifs de maitrise médicalisée.

- formation continue

Améliorer l’efficience de la politique de maitrise médicalisée par une adaptation permanente et dynamique des programmes de formation médicale. Enseigner autrement la médecine pour soigner autrement est indispensable. Les formations initiales et continues sont le point d’ancrage pour développer les compétences professionnelles.

Le développement de la formation tout au long de la carrière professionnelle doit gagner en effectivité. Elle se doit d’être réellement permanente. L’évaluation doit être individualisée. La convention médicale pourrait dégager des moyens permettant de récompenser l’investissement des praticiens dans ces programmes de formation. La formation doit ainsi être au cœur de la future convention médicale. Celle-ci devra être à même de garantir une offre sur des formations médicales continues liées notamment à la prise en charge des malades chroniques.

Adapter le conventionnement à la nouvelle donne sanitaire

En une quinzaine d’années, la cartographie sanitaire a changé : la France connait une explosion des maladies chroniques et le coût qu’elles engendrent fragilise l’avenir du système de santé. Les maladies chroniques sont à la croisée des chemins des réflexions sur notre système de santé. D’abord sur ses performances, car la grande révolution médicale est que nous ne mourrons plus des maladies comme le cancer ou le diabète. Nous vivons avec, nous pouvons être affecté lourdement temporairement ou bien vivre avec. Les maladies fatales sont devenues chroniques et grâce à l’innovation médicale certaines maladies chroniques sont devenues curables (récent traitement contre l’hépatite C).


Réflexion, sur le financement, les maladies chroniques nécessitent une prise en charge pendant plusieurs années, elles ont un coût élevées qui fragilise l’avenir du système de santé. On passe progressivement d’un modèle sanitaire où le risque long prédomine sur le risque court.


-éducation thérapeutique


Ceci implique de cesser de prendre en compte uniquement l’organe mais la personne dans sa globalité. Le patient doit être en mesure de pouvoir choisir son mode de prise en charge entre l’ambulatoire ou l’hospitalier. Il faut davantage accompagner la personne et son entourage dans la décision. L’éducation thérapeutique fait partie de l’accompagnement du patient, mais celle-ci reste surtout hospitalière, alors que 90% des malades chroniques sont pris en charge par les médecins généralistes. La future Convention médicale devra promouvoir l’éducation thérapeutique en médecine de ville.


Les pratiques et aspirations des générations récentes sont un atout pour les régulateurs du système de santé. Il est nécessaire que les négociateurs de la Convention médicale pour l’assurance- maladie tiennent compte de ces nouveaux profils avec notamment la féminisation importante, chez les généralistes. Les jeunes professionnels de santé ont démontré un goût pour les nouvelles technologies, le désir de déléguer des tâches, de travailler en équipe et une certaine ouverture à des paiements alternatifs à l’acte ces éléments constituent des leviers important pour améliorer l’efficience de notre politique de santé et doivent être au cœur des négociations.


Enfin, le développement de modèles entrepreneuriaux d’un côté et du salariat de l’autre auprès de la jeune génération amène la future convention médicale à promouvoir de nouveaux modèles de regroupement à ceux préexistants (maison de santé, Centre de santé) :



Modèle des médecins-entrepreneurs : Dans ce modèle médecins généralistes et spécialistes gèrent des enveloppes déléguées par le payeur (exemples : médecin acheteur de soins hospitaliers et ils emploient du personnel pour la gestion administrative et les tâches paramédicales.)


Modèle des Coopératives : Groupes de médecins de premier recours qui s’organisent en coopératives pour mutualiser des ressources et développer des services d’appui parmi leurs membres. Ces coopératives ont le statut de fondation non lucrative. Par exemple, l’association des médecins généralistes de la région de Maastricht propose à ses membres une palette de services dans les domaines de l’immobilier et de la gestion des fonctions support des cabinets, avec notamment une centrale d’achat.


Une politique conventionnelle dynamique participe au premier rang au maintien de notre système d’assurance maladie, solidaire, universelle, et obligatoire.

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