Comment évolue la dépense de santé ?
- Lorenzo Lanteri
- 1 oct. 2015
- 4 min de lecture

La question des dépenses de santé est souvent abordé par deux biais réducteurs dans l'analyse économique. Le premier est de considérer qu'une gestion plus efficace du système de santé entraînerait mécaniquement une baisse des dépenses de santé. C'est par cette hypothèse que l'idée d'une réduction de l'offre de soins conduirait automatiquement à une baisse de la demande de soins. Le second consiste à percevoir l'augmentation de la dépense de santé comme le signe d'un enrichissement positif des sociétés. À croire que leur augmentation pourrait relativiser leur poids dans le produit intérieur brut (PIB). Il faut rompre avec ces considérations réductrices qui consistent à voir la dépense de santé comme un coût ou un investissement pour considérer la considérer comme un objet économique dont l'évolution est gouverné par des règles spécifique.
Les déterminants des dépenses de santé
Les dépenses de santé ont cette particularité de croitre chaque année naturellement, ce qui, rappelons-le est une bonne chose car elles traduisent une amélioration de l’état de santé d’une population donnée.
Les nombreux déterminants possibles de l’évolution des dépenses de santé ne font pas totalement consensus. Le vieillissement de la population a longtemps été considéré par les économistes comme un facteur décisif d’évolutions de ces dépenses. Néanmoins, beaucoup reconnaissent que le vieillissement ne constitue plus un déterminant majeur de l’évolution structurelle des dépenses de santé. La configuration du système et le niveau de couverture sociale joue également un rôle déterminant. On observe des variations importantes selon les systèmes d’organisation de soins, système d’assurance sociale comme en France et en Allemagne ou système nationalisé (Royaume-Uni, Pays Nordiques). Le rôle de la demande joue également un rôle important, en effet, l’élévation du niveau de vie s’est ainsi accompagnée dans tous les pays d’une croissance plus forte des dépenses de santé. Mais le facteur déterminant est en réalité le progrès technique ou appelé cela, innovation. Il est établi que les changements en matière de pratiques de diagnostics, de soins et de traitements appliqués et la reconnaissance de ces pratiques sur les rémunérations constituent au moins la moitié de l’augmentation naturelle des dépenses de santé.
Cette augmentation des dépenses de santé doit donc être contrôlée dans les systèmes où elle socialisée, lorsque ces soins sont pris en charge par des mécanismes de solidarité que ça soit par le biais de l’impôt ou de cotisations. En effet, on ne peut augmenter indéfiniment l’impôt, ni les cotisations sociales pour faire face à la croissance naturelle des dépenses de santé. Pour faire face à l’évolution naturelle des dépenses recettes et des dépenses, de nombreux pays ont mis en place des plans de redressement.
Les outils de la régulation de la dépense
La France a franchi une étape importante en 1996 dans la politique de maitrise des dépenses de santé par ce qu’on appelle communément le plan Juppé.
Jusqu’en 1996, l’intervention du Parlement se limitait à la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale. La révision constitutionnelle de 1996 a vu le Parlement devenir l’organe de détermination des conditions générales de l’équilibre financier de la Sécurité sociale. Ce basculement c’est évidemment fait au détriment des partenaires sociaux, qui géraient de manière paritaire les organismes de sécurité sociale. Ainsi, chaque année, le Parlement par le biais d’une loi de finances de la sécurité sociale fixe l’objectif national de dépenses d’Assurance maladie, le fameux ONDAM.
Cet outil de régulation des dépenses de l'assurance maladie englobe les soins de ville, d'hospitalisation dispensée dans les établissements privés ou publics mais aussi dans les centres médico-sociaux.
2016: Une régulation des dépenses historiquement basse ?
Cette année, les acteurs de la santé se sont indignés du fait que l’ODAM ait été fixé à un taux historiquement bas (+1,75%) traduisant un sévère tour de vis dans les dépenses de santé. L’hôpital serait la première cible de ce plan d’économie puisque pour la première fois depuis des années, les ressources allouées aux établissements de santé progresseront comme l’ONDAM général (1,75%). L’ONDAM pour 2016 est en effet marqué par le virage ambulatoire avec un resserrement des dépenses hospitalières.

Néanmoins, il ne semble pas que nous assistions à une baisse drastique des dépenses de santé au regard des années précédentes. L’ONDAM hospitalier a connu des années plus rudes si je puis m’exprimer ainsi en 2015, 2014 et 2013.
Enfin, l’ONDAM de la médecine de ville est en réalité à 2% mais il va être abaissé à 1,7% en tenant compte de l’alignement des cotisations des praticiens auxiliaires médicaux conventionnés.
En d’autres termes, le taux de prise en charge par l’Assurance-maladie des cotisations maladie des médecins de secteur I serait abaissé (de 9,8 % à 6,5 %) pour être aligné sur celui des autres professionnels indépendants. Cette mesure est neutre pour les médecins dans la mesure où elle ne représente pas un coût supplémentaire ou une baisse de prestations. Cette réforme des cotisations n’aura pas d’impact individuel pour les praticiens. Mais elle a une conséquence collective puisqu’une part de l’enveloppe des soins de ville se trouve abaissée (de 2 à 1,7 %).
Rappelons que la prévision tendancielle des dépenses de santé, la fameuse croissance des dépenses naturelles de santé que nous évoquions plus haut serait de 3,6% en 2016. En ramenant ces dépenses à une croissance de 1,75% le gouvernement compte ainsi réaliser 3,4 milliards d’euros d’économies.
En 2015, cette croissance naturelle des dépenses de santé était de 3,9% avec un ODAM à 2,1%, l’économie réalisée était de 3,2 milliards.
Ainsi comparé à l’année dernière l’ONDAM intensifie son effort de 200 millions d’euros (passage de 3,4 milliards d’euros à 3,2 milliards d’euros). En tenant compte d’une inflation proche de zéro qui influence également la hausse naturelle des dépenses de santé, on est loin d’un ONDAM qui traduirait la mise en œuvre d’une politique d’austérité sur les dépenses de santé. Sur la question de l’austérité, il faut davantage interroger les politiques qui sont mis en œuvre et les orientations du projet de lois de finances de sécurité sociale. Les choix de faire contribuer les ménages aux dépense de santé par le bais de franchises ou des déremboursements ou de basculer la prise en charge vers les complémentaire santé traduit davantage un changement de paradigme dans notre système de santé qu’un taux d’évolution de l’ONDAM relativement faible.
L’ONDAM hospitalier est en effet historiquement bas mais les situations de rupture que pourraient connaitre les établissements de santé sont davantage fondées sur les changements continus et successifs des modes d’organisations et de la pression constante des ARS qui s’exerce sur eux depuis ces récentes années.



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