Sécurité sociale ce que le gouvernement a l'intention de changer en 2016
- Lorenzo Lanteri
- 24 sept. 2015
- 7 min de lecture

Depuis 1995, à l’instar du vote annuel du budget de l’Etat, le Parlement fixe chaque année au sein de la loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS), à la fois les objectifs de recettes et de dépenses des différentes branches (maladie, vieillesse, famille, AT/MP, recouvrement).
Le gouvernement se devait surtout de préciser comment compenser la nouvelle tranche d’allégements de charges de 6 milliards d’euros prévue en 2016, à raison de 5 milliards de baisse de cotisations patronales familiales sur les salaires entre 1,6 et 3,5 SMIC et de 1 milliards d’euros de suppression de la C3S.
Le total des mesures de soutien aux entreprises atteindra 33 milliards d’euros en 2016, soit 10 milliards de plus qu’en 2015 et 41 milliards d’euros en 2017.
Ces aides seront entièrement compensés par l’Etat et la sécurité sociale, notamment par l’affectation à la sécurité sociale d’une partie des recettes de la TVA. A noter également le transfert vers le budget de l’Etat des prestions logements (aides personnalisées au logement), les Caisses d’assurance familiales (CAF) resteront néanmoins gestionnaire, on est davantage dans un changement de tuyauterie.
Le futur PLFSS comportera d’ailleurs des mesures de rationalisation afin d’apporter davantage de « cohérence » aux allocations logements et conduit à une réduction de 4,7milliards d’euros les dépenses de la branche famille en 2015.
Un PLFSS 2016 majoritairement tourné vers l’Assurance maladie
Le PLFSS 2016 documente également les 3,4 milliards d’économies qu’elle se propose de réaliser à travers une évolution de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) plafonnée à 1,75%. Pour la première fois depuis des années les ressources allouées aux établissements de santé progresseront comme l’ONDAM général. L’ONDAM pour 2016 est en effet marqué par le virage ambulatoire avec un resserrement des dépenses hospitalières comparé à la médecine de ville.
Les économies seront en grande partie à nouveau supportées par le médicament. En revanche, il y’aura pas de transfert de charge vers les complémentaires ni les ménages. Les leviers utilisés sont ceux qui agissent sur le prix du médicament (achat groupés au sein des hôpitaux/ approfondissement de la politique des génériques, maitrise médicalisée, efficience dans la gestion des hôpitaux. L’ambulatoire devrait également générer des économies nouvelle cette année.
La dépense hospitalière continue d’augmenter et les professionnels de santé s’inquiète des futures mesures après un rapport de la Cour des Comptes pessimiste sur l’évolution du déficit. La fédération de l’hospitalisation privée s’en est inquiétée lors de son université d’été et le syndicat des pharmaciens demande une révision de la politique de rétrocession hospitalière. Il semble que le gouvernement à travers son PLFSS 2016 se soit davantage orienté vers une réforme des cotisations des professionnels de santé.
La question qui demeure est celle de savoir quelle sont les moyens organisationnel, humains et financiers que se donne le gouvernement pour mener pleinement le virage ambulatoire celui-ci nécessite de repenser l’organisation des blocs opératoires, de réaliser des transferts de personnel ver le médico-social et de flécher des moyens vers l’organisation des soins primaires.
Les première mesure du projet de loi santé devraient en parallèle voir le jour, mais attention à ne pas faire peser une pression monstrueuse sur l’organisation du travail de hôpitaux au prétexte de promouvoir la chirurgie ambulatoire et un modèle qui ne soit plus hospitalo-centrée.
Au-delà du virage ambulatoire plusieurs axes ont été présentées par l’assurance maladie en juin 2015 (Rapport charges et produits) qui ont des conséquences financières en matière de dépenses mais aussi dans la réalisation de futures économies.
Une proposition de prévention portant sur l’obésité infantile à l’école avec un forfait annuel par enfant versé par la CPAM au médecin qui délivre un bilan d’activité physique à l’enfant.
Le cas de l’épidémie d’obésité qui touche aujourd’hui tous les pays des économies avancées dont la France est particulièrement problématique. Si les personnes âgées constituaient le maillon faible de notre système de santé aujourd’hui ce sont les jeunes en phase d’insertion. L’obésité constitue un risque d’aggravation de mortalité prématuré et un facteur prédisposant à la survenue d’autres affections longue durée (ALD). Le développement de la chirurgie bariatique est une condition nécessaire mais insuffisante pour lutter contre le risque de morbidité de l’obésité. Ce problème dépasse le périmètre de l’Assurance maladie, il nécessite une véritable politique publique transversale qui garantissent des politiques de prévention scolaire et s’attaquent aux rentes des industries agro-alimentaire.
Le PLFSS 2016 contient également une mesure d’accès gratuit et confidentiel à la contraception pour les mineurs.
Conformément aux vœux de la ministre en mai dernier relatifs à la mise en place d’une protection sociale universelle, le PLFSS 2016 va achever la réforme de la CMU en généralisant le critère de résidence régulière comme condition unique d’ouverture des droits. La réforme n’étend pas le champ des personnes couvertes par l’Assurance maladie mais permet de réorienter un contrôle des droits aujourd’hui concentré sur la vérification première des conditions administratives vers un contrôle renforcé de la résidence des personnes bénéficiaires de l’Assurance maladie.
Le PLFSS 2016 propose également d’améliorer la continuité et d’éviter toute situation de rupture de droits en supprimant progressivement le statu d’ayants droit et en simplifiant les démarches en cas de changement d’activité professionnelle, ou de déménagement.
Dans cette même perspective, le gouvernement propose d’améliorer la protection sociale des travailleurs indépendants en accédant à une vieille revendication de ces derniers à savoir la suppression du barème des cotisations « minimales » ; celles qui étaient dues lorsque les bénéfices dégagés par un travailleur indépendant sont très faibles voir nuls.
Cette individualisation et autonomisation des droits santé est à mettre en parallèle avec le déploiement d’un compte personnel d’activité (CPA) élargis aux droits relatifs à l’assurance maladie de base et complémentaires.
Les préconisations du Rapport Libault font leur entrée dans le PLFSS 2016
Le PLFSS 2016 intègre également les préconisations du tout récent rapport de Dominique Libault relatif à la solidarité et à la protection sociale complémentaire collective. L’objectif de la généralisation de la complémentaire santé était précisément de couvrir tous les salariés et particulièrement ceux qui n’avait pas accès à la complémentaire santé, les salariés précaires aux contrats à durée déterminée courts et multi-employeur. La LFSS 2016 prévoit un mécanisme dérogatoire de participation de l’employeur à la complémentaire santé de ses salariés qui prendront la forme d’une « aide individuelle » publique ou de l’employeur lui-même conditionnée au fait que le salarié ai effectué une quantité horaire suffisante. Certaines modalités notamment la question de la portabilité de cette aide spécifique l’acquisition d’une complémentaire santé feront l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
Cette solution dérogatoire et subsidiaire des chèques santé s’avère intéressante pour pallier aux défaillances de la généralisation de la complémentaire santé mais la question du frottement avec la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) demeure.
Si le rapport Libault proposait à moyen-termes d’améliorer la couverture santé des retraités en encourageant des cotisations proportionnelles et des mesures favorables aux retraités grâce à des mécanismes d’incitation fiscales, le gouvernement et ce conformément aux vœux du président exprimé au 41eme Congrès de la mutualité instaurer immédiatement une solidarité actifs/retraités au sein protection sociale complémentaire. A cet effet, deux mesures seront contenues dans le PLFSS 2016, une forme de lissage de la hausse tarifaire des contrats dans le temps. En d’autres termes, la prime de contrat ne pourra pas excéder 150 % du prix de la complémentaire santé dans les 3 à 5 ans après la sortie de l’entreprise.
La seconde mesure consiste à sélectionner des contrats destinés aux personnes de plus de 65 ans par mise en concurrence sur la base notamment de leur rapport qualité prix. En d’autres termes, créer une sorte de marché « d’aide à la complémentaire santé » (ACS) pour personne âgées.
Des ajustements à la marge sur la retraite, la famille et les entreprises.
Coté retraites, le déficit du FSV devrait se dégrader sensiblement en 2019 pour atteindre 9,7 Milliards, sous l’effet d’une baisse de ses recettes plus forte que celle de ses dépenses. Cette situation déficitaire n’est pas sans conséquence sur la trésorerie de nos régimes, d’autant plus que le périmètre d’intervention du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ne cesse de s’élargir alors même que ces ressources diminuent (extinction de la C3S dans le cadre du pacte de responsabilité).
Pas de mesures majeures sur la branche vieillesse sont attendues, si ce n’est des ajustements à la marge pour le régime des mines et des marins.
En revanche, des changements sont à) attendre en ce qui concerne les Règles de revalorisation des prestions sociales. Les textes budgétaires loi de Finances (Etat) et loi de finances de sécurité sociale (LFSS) par un article miroir devraient unifier les règles de revalorisations des différentes prestations sociales. Les revalorisations se font actuellement de l’inflation prévue et éventuellement d’un correctif à la fin de l’année. Le gouvernement souhaiterait adopter un nouveau mode de calcul visant à ne plus avoir besoin d’effectuer des corrections d’une année à l’autre. Au lieu de se baser sur des projections d’inflation, inévitablement révisée par la suite, les droits seraient désormais calculés sur la base de l’inflation constatée sur les 12 derniers mois glissants. La nouvelle règle conduirait à une quasi-stagnation des prestations en 2016, alors que celle-ci auraient progressé de 1% avec l’ancien calcul.
Autre changement important : une seule date devrait être retenue pour revaloriser quasiment toutes les prestations à savoir le 1er avril. Cette date prévaut déjà pour les prestations familiales, les pensions d’invalidité, le minimum vieillesse (Aspa) et les minimas de réversion. Seule la hausse des pensions fixées au 1er octobre depuis la réforme des retraites ne changerait pas de calendrier. Parmi les 190 milliards d’euros de prestations concerné par le chantier de la revalorisation, les retraites constituent 158 milliards d’euros (140 milliards d’euros de retraites de base + 18 milliards de pension de réversion).
En ce qui concerne la politique famille qui avait été fortement impacté par le PLFSS précédent en ce qui concerne la modulation des allocations familiales, celle-ci serait épargnée. Une mesure viendrait améliorer la situation des parents isolés par le biais de la généralisation à tout le territoire de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA). Ce dispositif permettra de garantir une pension alimentaire minimale de plus de 100 euros par mois et par enfants.
Enfin, côté recouvrement le PLFSS 2016 voit l’introduction de mesures de proportionnalité dans les redressements faisant suite à une mauvaise application de la législation dans le domaine de la prévoyance collective. Sans remettre en cause le caractère collectif et obligatoire qui justifie les exemptions sociales, le texte souhaite mieux proportionner les sanctions au non-respect de ces obligations. Au lieu d’entraîner la requalification de l’ensemble du régime (parfois pour quelques salariés potentiellement affectés), il pourrait être envisagé des sanctions dissuasives mais moins disproportionnées. La sanction pourrait s’appliquer à une assiette restreinte égale au maximum à 50% des contributions patronales versées et à une période limitée dans le temps, à savoir l’année civile précédant l’envoi de la mise en demeure ainsi que celles exigibles au cours de l’année de son envoi.



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