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Les aidants familiaux en France en 2014

  • Lorenzo Lanteri
  • 8 janv. 2014
  • 6 min de lecture

En 2010, la dépense publique au titre de la prise en charge de la perte d’autonomie était évaluée à 24 milliards d’euros. A ces montants s’ajoutaient 10,4 milliards d’euros déboursés par les personnes âgées et leur famille; soit un reste à charge considérable. En France, la prise en charge des personnes dépendantes s’est longtemps focalisée sur la problématique de la prestation à accorder aux personnes dépendantes elles-mêmes, tout en délaissant la question des aidants familiaux. Or ces prestations ou aides étant insuffisantes, c’est sur la famille que repose l’essentiel du soutien aux personnes en perte d’autonomie. En 2011, on recensait près de 3 millions « d’aidants familiaux », désignant généralement l’ensemble des personnes non professionnelles. La première caractéristique de cette population est son « invisibilité sociale ».


Les femmes en première ligne



La prise en charge d’une personne âgée dépendante fait intervenir une pluralité d’aidants familiaux. Le noyau dur des aidants est constitué des époux (en majorité épouses) ayant l’âge de leur conjoint, malade ou handicapé. Le deuxième cercle est constitué des enfants avec une surreprésentation des filles et belles-filles. Les 2/3 de l’aide apportée sont assurés par des femmes souvent âgées de 45 à 64 ans, la fameuse « génération pivot ». Les femmes de cette génération sont susceptibles d’aider à la fois leurs parents, leurs enfants et parfois même leurs petits-enfants tout en travaillant.


Les aidants organisent la vie quotidienne (courses, repas, ménages), ils gèrent les démarches administratives parfois ils sont même amenés à assurer les soins d’hygiène personnels aux personnes en perte d’autonomie. Les aidants familiaux jouent souvent le rôle de coordination avec les intervenants extérieurs. Ils organisent les soins ainsi que les visites chez les professionnels du secteur médical, sanitaire et social. Ils sont donc à la fois le partenaire clé et le pivot de l’accompagnement à domicile.



Des dispositifs d'aide aux aidants pluriels et mal connus



Il existe déjà des dispositifs pour faciliter et informer les aidants dans leurs tâches mais ceux-ci restent marginaux, mal identifiés et difficilement accessibles.


Les Clics (Centres locaux d’information et de coordination gérontologique) : Lancés en juin 2000 dans vingt-cinq centres expérimentaux, les Clics sont inscrits dans la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. Ils sont au nombre de 2000 et constituent des lieux de conseils, d’information et de coordination des aidants et des intervenants. Depuis le 1er janvier 2005, la part de financement antérieurement prise en charge par l'Etat est assumée par les départements, qui perçoivent une compensation financière, sous la forme du transfert de fiscalité de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance.


Les Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) créées dans le cadre du Plan Alzheimer (2008-2012), elles ont un rôle de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, assurant ainsi un rôle de guichet unique. On compte actuellement 148 MAIA et il est envisagé d’en créer 400 d’ici 2014.



Les soutiens psychologiques et matériels des aidants reposent donc sur l’action du milieu associatif, notamment les associations d’aidants :


- formations pour mieux appréhender des pathologies comme la maladie d’Alzheimer, de Parkinson.

- Groupes de paroles, avec ou sans la personne aidée.


- Mise en relation avec des aidants professionnels.


Vers une reconnaissance de l’existence juridique pour les aidants ?



Plusieurs textes de loi votés dans les années 2000 contribuent à une reconnaissance encore balbutiante pour les aidants familiaux de personnes en personne autonomie.

La loi du 2 janvier 2002 relative au secteur médico-social instaure des conseils de la vie sociale (CVS) : au sein des établissements et services médico-sociaux, au sein desquels peuvent siéger les aidants s’ils sont représentants légaux ou tuteurs.


La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé introduit également la « personne de confiance » en droit de la santé. Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin.


Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie introduit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). La loi donne la possibilité, dans certaines limites, de salarier ses enfants ou tout autre membre de sa famille à l’exception de son conjoint. 8 % des bénéficiaires de l’APA rémunèrent un aidant familial (il s’agit d’une femme dans 88 % des cas).


La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit également que, dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH), l’aidant peut se voir attribuer le statut de salarié, ou percevoir un dédommagement entrant en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu (absence de contrat de travail et de droits sociaux associés dans le second cas, facteur de précarité sociale). Si cette loi représente un premier pas en termes de reconnaissance légale des aidants, elle contribue à simultanément à sectoriser les aidants selon le profil des personnes aidées. Cette distinction de statut entre aidants de personnes handicapées et aidants familiaux de personnes âgées dépendantes est une spécificité française inconnue dans la plupart des autres pays européens.


Plus récemment, la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques établit la responsabilité des agences régionales de santé (ARS) en matière de soutien et d’accompagnement des aidants.


L’existence d’un statut juridique pour les aidants familiaux constitue une question délicate et complexe. Premièrement, parce qu’il ne s’agit pas de conférer simplement un statut juridique aux aidants, mais de déterminer quels droits sociaux ce statut pourrait leur accorder. Deuxièmement, parce qu’il y’a un risque d’enfermer l’aidant familial dans un cadre rigide et général qui ne soit pas en adéquation avec la grande diversité des situations. Le rapport de l’OCDE (2011) a bien montré combien la question des critères d’éligibilité des aidants à des droits spécifiques était complexe et impliquait souvent un arbitrage entre le périmètre de la population ciblée et le niveau des droits accordés.



Les contours de la future la politique publique d’aide aux aidants



la mise en place d'une compensations financière et d'une reconnaissance des compétences doit être la pierre angulaire de la nouvelle politique publique en faveur des aidants. Certains pays (Espagne, Angleterre) ont opté pour la mise en place d’une prestation monétaire à l’égard des aidants. Néanmoins la question d’une rémunération ou d’une indemnisation des aidants ne fait pas consensus en France. D’abord parce que dans le système social français, les membres de la famille sont soumis à l’obligation alimentaire des enfants envers leurs parents. Ensuite, parce qu’une compensation, aussi faible soit-elle, risquerait d’éloigner durablement voire d’exclure des aidants (principalement des femmes) du marché du travail.


Dans le même temps, la question de la compensation ouvre la voie à celle d’une future valorisation professionnelle à travers la reconnaissance des compétences acquises en tant qu’aidant. En France, la validation des acquis de l’expérience (VAE) en vue de l’obtention de diplômes liés à la prise en soins des personnes handicapées ou âgées en perte d’autonomie, ne fait pas non plus consensus.


Il faut également intensifier les dispositifs qui premettent de concilier vie professionnelle et vie familiale. Les aidants sont surtout menacés d’épuisement dans leur obligation d’assumer en même temps vie professionnelle et vie familiale. Le contexte de tension quasi permanent dans lequel ils sont pris les contraint souvent au quotidien à se débattre au quotidien pour « inventer des méthodes de conciliation » entre leur rôle d’aidant et leur vie professionnelle.


Les études sociologiques (Le Bihan-Youinou et Martin) montrent que pour assumer leur rôle d’aidantes, les femmes actives ne puisent pas sur le temps de leur activité professionnelle qu’elles veulent préserver à tout prix mais plutôt sur le temps de la cellule familiale (enfant et conjoint) et personnel (loisirs et vacances), induisant de multiples conséquences dans ces champs (manque de disponibilité pour les enfants, sacrifice de loisirs, grande fatigue, manque de sommeil…)


En France, il existe deux types de congés dont peuvent bénéficier les aidants familiaux :


-le congé de soutien familial : Il permet à un proche de prendre soin d’une personne en situation de dépendance ou de perte d’autonomie pour une durée de 3 mois maximum sans être rémunéré. En outre, même si ce congé ne peut pas être refusé par l’employeur, ses conditions d’accès restent assez restrictives.


- Le congé de solidarité familiale permet de prendre un congé pour accompagner une personne en fin de vie à domicile, d’une durée de 3 mois, renouvelable une fois. Il donne droit à une rémunération de compensation de 21 jours maximum (loi du 2 mars 2010).

Cependant, la mobilisation de ces congés par les aidants salariés reste dans l’ensemble limitée, dans la mesure où ces congés sont peu ou pas rémunérés. Dans la pratique, les salariés ont le plus souvent recours à leurs journées de RTT ou doivent cesser leur activité.



 
 
 

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